Code théodosien
Interdiction de l'haruspicine privée
Imp. Constantinus a. ad Maximum.
Nullus haruspex limen alterius accedat nec ob alteram causam, sed huiusmodi hominum quamuis uetus amicitia repellatur, concremando illo haruspice, qui ad domum alienam accesserit et illo, qui eum suasionibus uel praemiis euocauerit, post ademptionem bonorum in insulam detrudendo : superstitioni enim suae seruire cupientes poterunt publice ritum proprium exercere. Accusatorem autem huius criminis non delatorem esse, sed dignum magis praemio arbitramur.
Proposita kal. feb. Romae Constantino a. V et Licinio Caes. conss.
Scholium (Vaticanus reginae 886 : Mommsen, Prolegomena, p. L) : ordinat i(n) aruspices p(ro)iberi et si q(u)i c(um) eis societatem faciunt, p(ro)scribtis in insulam deportari.
Th. Mommsen & P. Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges Novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1905).
L'empereur Constantin Auguste à Maximus (préfet de la Ville).
Aucun haruspice ne doit approcher du seuil d'une autre personne, pas même pour une autre raison (que l'haruspicine) ; les liens amicaux, même anciens, avec des individus de cette espèce sont à proscrire. Sera brûlé vif l'haruspice qui approchera de la maison d'un autre ; et celui qui l'aura fait venir en le persuadant par le verbe ou en lui promettant une récompense sera envoyé en exil sur une île, une fois ses propriétés confisquées. Car ceux qui désirent pratiquer leur propre superstition pourront célébrer leurs propres cérémonies en public. Nous considérons, de plus, que celui qui se fait l'accusateur d'un tel crime, loin d'être un dénonciateur, mérite récompense.
Affichée le jour des calendes de février à Rome l'année du 5e consulat de Constantin Auguste et du consulat de Licinius César.
Scholie : Elle ordonne que les haruspices soient interdits et que si quelqu'un conclut un pacte avec eux, ils soient proscrits et déportés dans une île.
L. Foschia, 14 octobre 2010 et Les Lois religieuses des empereurs romains de Constantin à Théodose II, 312-438, Vol. I : Code Théodosien, Livre XVI. Réédition du texte de Th. Mommsen, avec traduction française de Jean Rougé et notes de Roland Delmaire. Sources chrétiennes, 497 (Paris, 2005).
Sont interdits ici les rituels divinatoires pratiqués en privé, c'est-à-dire de manière non ouverte et non publique, dans des demeures privées, la nuit, de manière clandestine.
Les haruspices sont des experts en "discipline étrusque" qui étudient les signes donnés par la foudre et les viscères ("exta") des victimes lors des sacrifices. Leur existence est attestée à Rome dès le IIe siècle av. notre ère. Au Ier siècle ap. J.-C., l'empereur Claude les organise en collège.
A travers cette constitution, le pouvoir impérial affirme sa volonté de contrôler le plus possible les pratiques païennes. C'est un premier pas vers l'interdiction totale des anciens cultes. Il faut bien noter cependant que les lois interdisent la consultation des présages réalisés en secret depuis les règnes d'Auguste (-27-+14) et de Tibère son successeur (14-37) (cf. Suétone, Tibère 63, 2 ; Dion Cassius LVI, 25, 5 ; Ulpien, Collatio legum mosaicarum et romanarum 15, 2, 1-3 ; Paul, Sentences V, 21, 3-4 ; Firmicus Maternus, De errore profanarum religionum 2, 30, 10). La mesure de Constantin que nous avons sous les yeux et que rappelle aussi CTh 16.10.1 ne fait donc que remettre en vigueur une interdiction très ancienne. Le terme "superstitio" est employé dans le code pour les païens (2.8.22 ; 9.16.1 ; 12.1.157 ; 16.2.5 ; 16.7.6 ; 16.10.2-3 ; 16.10.12 ; 16.10.16-18 et 20), les juifs (2.1.10 ; 16.8.8, 14, 19, 24, 28 ; 16.9.4) et les hérétiques (16.5.5, 10, 34, 39, 48, 51, 56, 63, 65-66 ; 16.11.3). Plusieurs savants en ont donné une étude : D. Grodynski, "Superstitio", REA 76 (1974), 36-60 ; M. R. Salzman, "Superstitio in the Codex Theodosianus and the Persecutions of Pagans", Vigiliae Christianae 41 (1987), 172-188 ; G. De Bonfils, Roma e gli Ebrei, 67-73. La dernière phrase du texte fait mention des délateurs. La délation était permise à Rome lorsque l'on était soi-même victime d'un acte délictueux. Comme le délateur pouvait prétendre à une part des biens confisqués, cette pratique donnait parfois lieu à des dénonciations calomnieuses.
divination ; délation ; paganisme ; superstition
Notice n°1117, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait1117/.