Livre des Assises
Assise des vilains fugitifs.
L’assise des vilains et des vilaines fuitives [...]Et de ceaus qui s'avouent pour frangomates ou esclas franchis, il doivent porter letres seelees dou visconte ou dou bailli de la contree en quoi il sont, coment il sont frans, a ce que l'on ne les puisse arester.
John of Ibelin, Livre des Assises, ed. P. W. Edbury (Leiden, 2003).
L'assise des vilains fugitifs. [...]Et ceux qui jurent qu'ils sont francomates ou esclaves affranchis doivent porter des lettres scellées [émanant] du vicomte ou du bailli de la terre où ils habitent, afin de prouver qu'ils sont affranchis et qu'ils ne peuvent pas arrêtés.
A. Bishop
Cette assise traite des vilains, c’est-à-dire des serfs qui étaient attachés à la terre de leur seigneur, fugitifs. Ils doivent être arrêtés et rendus à leur seigneur, tout comme ceux dans l’assise précédente ; les mêmes récompenses seront versées en fonction de l’âge et du sexe du vilain. L’assise note également que les "francomati", c’est-à-dire les serfs qui n’étaient pas attachés à la terre, et les esclaves affranchis devaient porter des lettres scellées afin de prouver qu’ils étaient libres et qu’ils ne devaient pas être arrêtés comme vilains fugitifs . L'assise fut publiée par le roi Hugues IV le 16 mai 1355 bien qu'il s'agisse peut-être de la réédition d'une assise publiée par le roi Henri II en 1312. Elle fut ajoutée au texte du Livre de Jean en 1369 lors de la copie officielle du Livre préparée pour la Haute Cour de Chypre. Le seul manuscrit qui préserve cette assise est une copie plus tardive du texte de 1369 qui se trouve actuellement à la bibliothèque du Vatican.1
1 . P. W. Edbury, Livre des Assises, 18-21 et 749.
Bien que les vilains n’eussent guère de droits et qu’ils fussent attachés à la terre de leur seigneur, ils n’étaient pas esclaves et pouvaient être de n’importe quelle religion. Ceux du Royaume de Chypre étaient presque tous des Grecs employés par des propriétaires catholiques latins.1 Bien que cela ne soit pas dit explicitement ici, les esclaves étaient normalement musulmans car aucun chrétien ne pouvait être asservi selon le droit de l'Orient latin. Toutefois, les chrétiens non-catholiques l'étaient souvent, en particulier les Grecs.234 L'esclavage n'étaient pas aussi répandu à Chypre qu'ailleurs dans le monde méditerranéen, mais il y avait un marché aux esclaves à Famagouste où étaient vendus les prisonniers de guerre et autres captifs. Les esclaves de toute la Méditerranée et d'Afrique étaient employés à Chypre comme main-d’œuvre domestique et agricole.5 Les assises de la Haute Cour ne traitent pas de l’affranchissement mais la question est discutée aux assises de la cour des Bourgeois. Les esclaves musulmans savaient qu'ils pouvaient être libérés en se convertissant au christianisme, mais l'économie du royaume croisé dépendait des esclaves, et, pour résoudre ce problème, les Papes, même, ont permis aux croisés de garder leurs musulmans baptisés en servitude, ce qui contredisait le droit canonique tout comme celui des croisés. Il était possible également pour les esclaves d'être affranchis via le testament de leur maître décédé ou au moyen du paiement d’une rançon (par eux-mêmes ou par une autre personne).67>8
1 . A. Nicolaou-Konnari, "Greeks", in Cyprus: Society and Culture, 1191-1374 (Leiden, 2005), 31-32).
2 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-209.
3 . J. S. C. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.
4 . B. Arbel, "Slave trade and slave labor in Frankish and Venetian Cyprus (1191-1571)" Studies in Medieval and Renaissance History 14 (1993), repr. in Cyprus, the Franks and Venice, 13th-16th Centuries (Aldershot, 2000), 163.
5 . B. Arbel, 160-163.
6 . J. Prawer, 208-211.
7 . J. S. C. Riley-Smith, 62-63.
8 . B. Arbel, 157-158.
Laurence Foschia : traduction
Notice n°103978, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait103978/.