Général
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Jean XXII (1316-1334)
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Le roi de France Philippe VI de Valois
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II kalendas martii, anno decimo septimo
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Avignon
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Lettre, général (après 1198, littere cum filo canapis)
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[Registre de la chancellerie apostolique] Reg. Vat., t. cxvii, n. 531
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Denifle, Chartular., t. II, n. 971, p. 415.
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Jean-Marie Vidal, Bullaire de l’Inquisition française au XIVe siècle et jusqu'à la fin du Grand Schisme, Paris : Letouzey et Ané, 1913, n. 129, p. 192-194.
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Jean XXII met en garde le roi de France contre les rapports malveillants de certaines personnes au sujet de l’attitude du pape dans la question de la vision béatifique1. L’archevêque de Rouen, Pierre Roger2, rétablira la vérité sur ce point, comme aussi sur le fait de l’arrestation d’un dominicain, Thomas Walleis3, que les inquisiteurs d’Avignon4 ont incarcéré, moins parce qu’il soutenait une opinion contraire à celle du pape que pour avoir proféré dans ses sermons des hérésies qualifiées.
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Regi Francie.
Quia sicut habet ...
Datum Avinioni, II kalendas martii, anno decimo septimo. -
1. Je rappelle que, dans la dispute soulevée, en 1331, à propos de la vision béatifique, Jean XXII soutint que les âmes des justes ne jouissent pas, avant le jugement dernier, de la vue intuitive de Dieu. Cette attitude ne laissa pas que d’étonner ; car la majeure partie des théologiens, sans parler de la généralité des fidèles, tenaient pour la vision béatifique immédiate. L’Université de Paris s’émut et Philippe VI de Valois avec elle. L’opinion de Jean XXII fut vivement censurée et le roi se permit de faire des remontrances à Sa Sainteté. Voir les documents se rapportant à ces épisodes de la lutte dans Raynaldi, ad ann. 1331, 1333, 1334. On sait que Jean XXII, reconnaissant son erreur, la rétracta sur son lit de mort, et que son successeur Benoît XII définit le dogme de la vision béatifique immédiate. Raynaldi, ad ann. 1334, n. xxxv ; ad ann. 1335, n. iii.
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2. Pierre Roger, O.S.B., maître en théologie, en 1323 ; moine de l’abbaye de la Chaise-Dieu ; prieur de Saint-Pantaléon au diocèse de Limoges, puis (1324) de Saint-Baudile dans celui de Nîmes, et de Savigny dans celui de Lyon ; abbé de Fécamp, le 23 juin 1326 ; promu à l’évêché d’Arras, le 3 décembre 1328 ; transféré à Sens, le 24 novembre 1329 ; à Rouen, le 14 décembre 1330 ; cardinal du titre des Saints-Nérée-et-Achillée, le 18 décembre 1338 ; pape sous le nom de Clément VI, le 7 mai 1342 ; mort le 6 décembre 1352. Baluze, Vitae, t. i, col. 835, 836 ; Gall. christ., t. iii, col. 336 ; t. xi, col. 77-78 ; t. xii, col. 72-73 ; Eubel, Hier., p. 17, 117, 447, 471 ; Denifle, Chartul., t. ii, p. 272, note 1.
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3. Thomas Walleis, ou le Gallois, dominicain anglais, maître en théologie avait nettement pris parti contre les fraticelles, à Bologne et à Arezzo. Dans cette dernière ville, disait-il lui-même, il avait soutenu une discussion publique devant cinquante frères mineurs plus ou moins inféodés à la secte, et les avait démasqués. Il dira plus tard devant ses juges que ce fut là la cause principale de son arrestation. L’inquisiteur ne la lui avait point, du reste, cachée. Il se trouvait à Avignon quand s’ouvrit le débat sur la vision intuitive. Au dire de certains, il aurait commencé à prêcher le 27 décembre 1331. L’inquisiteur Guillaume de Montrond affirma que son premier sermon avait eu lieu le 3 janvier 1333. Le thème en était : Implebit illum spiritu sapientiae et intellectus. L’orateur y défendait la thèse de la vision immédiate et lançait l’anathème contre les partisans de l’opinion adverse. Le sermon fut suivi d’une déclaration écrite que devant la foule. Peu de jours après, Thomas était arrêté par ordre de l’inquisiteur, comme suspect d’hérésie. Dans un procès-verbal, daté du 9 janvier 1333, Guillaume de Montrond déclare avoir relevé dans le sermon du dominicain six erreurs au moins. Mais aucune n’avait trait directement à la question controversée. Le motif de l’arrestation, d’après frère Thomas, j’ai déjà dit quel il était. Il ne cesse de protester contre l’inquisiteur qui lui est « hostile », et de dire qu’il trouverait plus de justice à la cour du khan des Tartares ou chez le sultan que chez un tel juge. Les livres de comptes de la Chambre relèvent les sommes d’argent payées à ce dernier, de février à octobre 1333, pour l’entretien de son prisonnier. Introitus et exitus, t. cxxxii, fol. 64-66.
La nouvelle de cette arrestation avait ému le roi ; d’autant qu’à s’en tenir aux bruits qui couraient, le prédicateur n’avait été incarcéré que par ordre du pape dont il avait publiquement censuré l’opinion. On disait aussi que ce malheureux était soumis à de mauvais traitements. Jean XXII se hâta de rassurer le roi par ses lettres du 28 février et du 12 mars (n. 129-130). C’était l’inquisiteur qui avait ordonné l’arrestation. Le motif en était moins le fait d’avoir censuré l’avis du pape que d’avoir proféré des erreurs sur d’autres points de doctrine. Quant au prisonnier, ce n’est pas dans un cachot infect qu’il est enfermé, mais dans une cellule spacieuse, qui ne doit point lui faire regretter celle de son couvent. Enfin le pape mettait le roi en garde contre les rapports malveillants et les fausses nouvelles.
Cependant Thomas Walleis occupait les loisirs de sa détention à composer, sans livres ni références, une sorte de traité qui, dans sa pensée, devait être une défense. Il l’intitula : De instantibus et momentis et prit ce texte de l’Écriture pour thème : Non est vestrum nosce tempora vel momenta. Il écrivit aussi des Réponses à quelques articles qui lui furent objectés au cours de son procès. Le traité De instantibus tomba entre les mains de l’Inquisition qui en fit son profit. Les 6, 7, et 15 septembre 1333, une commission de prélats, de religieux et de docteurs de marque, au nombre de treize, se réunit, par ordre du pape, sous la présidence des cardinaux-évêques de Palestrina et de Tusculum, et de Gasbert de Laval, archevêque d’Arles, camerlingue, pour examiner dix-huit propositions réputées erronées, tirées, les onze premières d’un opuscule de Durand de Saint-Pourçain, et les sept autres des écrits de Thomas Walleis. Denifle, Chartul., t. ii, n. 975. Des sept articles imputés à Thomas, trois provenaient de son sermon ; les quatre autres, du traité De instantibus. L’auteur se plaignit plus tard qu’on lui eût faussement attribué vingt-quatre erreurs, disant que ses ennemis avaient peiné pour les extraire de ses ouvrages et en particulier d’un traité dont ils n’étaient pas sûrs qu’il fût l’auteur et que la plupart n’avaient jamais lu. Nul ne s’était enquis de lui s’il l’avait écrit ou non. Les pages sorties de sa plume n’étaient qu’une ébauche, semée de blancs et de lacunes, une sorte de brouillon à son usage personnel, fait à la hâte et sans un livre. Il s’en était dessaisi, dit-il, promptement, ne voulant point livrer ses écritures aux gens qui pénétraient à tout instant dans sa cellule. Or ses adversaires avaient tiré de là les articles incriminés. Jean XXII dira plus tard (n. 138) que cet écrit renfermait au moins seize erreurs. Dès le 15 septembre, le pape priait le roi et la reine (n. 133-134) d’écouter les explications que Pierre Roger, archevêque de Rouen, avait mission de leur apporter, de vive voix, au sujet de ces erreurs et de celles de Durand de Saint-Pourçain. Deux mois après (18 novembre 1333), c’était le traité même de Thomas Walleis que Jean XXII faisait remettre à Leurs Majestés, avec une défense, écrite par lui-même, de l’opinion qui lui tenait à cœur. Pierre Roger devait fournir les éclaircissements et, au besoin, apporter d’autres arguments (n. 137-138).
A cette date, cependant, la cause de Thomas Walleis avait été retirée à l’Inquisition, et lui-même transféré dans les cachots du pape (22 octobre 1333). Le geôlier reçut deux sols par jour pour son entretien. Introitus et exitus, t. cxxxvi, fol. 76, 78 v°. L’affaire fut confiée aux cardinaux Jacques Fournier et Raymond de Mostuéjouls, tous deux experts dans les choses d’Inquisition. A partir de ce moment, le religieux fut mieux traité. C’est l’assurance que le pape se plaît à donner au roi, le 20 mars 1334, en lui annonçant cette transformation (n. 141). Le 15 mars, Thomas comparut pour la première fois devant ses juges et se plaignit amèrement des procédés peu délicats dont on avait usé à l’égard de sa personne et de ses écrits. La suite de son procès nous est inconnue. Il était encore en prison sous le pontificat de Benoît XII (Jacques Fournier), et en vie, quoique libéré, sous celui de Clément VI (Pierre Roger). Le 21 février 1349, un de ses amis essaie d’apitoyer le pape sur le sort de ce religieux, âgé et malade. Voir, sur cette affaire, Quétif et Échard, op. cit., t. i, p. 597-602 ; Denifle, Chartular., t. ii, p. 415, 424 et docum. n. 971, 975. Cet auteur a consulté le ms. Ji. 3.10 de la bibliothèque de Cambridge, qui contient en grande partie les actes du procès. Mortier, Histoire des maîtres généraux, t. iii, p. 76-81. -
4. L’un d’eux était Guillaume de Montrond, inquisiteur de Provence. A sa demande, le 13 avril 1336, le pape Benoît XII engagea les prélats, les inquisiteurs, les seigneurs et les villes de Lombardie à se prêter à la capture de certains vaudois originaires de Provence et réfugiés en Lombardie (n. 149). Les actes du procès d’André de Galiano font allusion à un des socii de cet inquisiteur, Pons Rebolh, qui assista, avec lui, le 29 juillet 1338, à l’acquittement de ce frère mineur, prononcé par le commissaire apostolique, Guillaume Lombard. Regest. Avenion., t. lvii, fol. 475 sq. ; cf. n. 163. Le livre de comptes des Claveries du Comtat Venaissin nous transmet le nom d’un hérétique de Malaucène (Vaucluse), maître Guillaume André, condamné par lui, et dont les biens, confisqués au profit des caisses pontificales, figurent parmi les recettes de 1337-1338. Regest. Avenion., t. liii, fol. 327. Guillaume de Montrond était encore en charge en 1342. Le 11 juillet de cette année, Clément VI lui accorda, pour son neveu, Pons de Montrond, moine bénédictin de Psalmody (Gard), la collation d’un prieuré dans le diocèse de Nîmes (n. 182).
Informations
Acte
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(CIHAM (UMR 5648)), dans
APOSCRIPTA database
APOSCRIPTA database – Lettres des papes, dir. J. Théry, CIHAM/UMR 5648, éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 20303 (aposcripta-290), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/aposcripta/notice/20303 (mise à jour : 19/05/2020).