Code Théodosien
Interdiction faite aux juifs de tourner en dérision le symbole chrétien de la Croix à l'occasion de la fête de Pourim
Impp. Honorius et Theodosius AA. Anthemo praefecto praetorio Iudaeos quodam festiuitatis suae sollemni Aman ad poenae quondam recordationem incendere et sanctae crucis adsimulatam speciem in contemptum christianae fidei sacrilega mente exurere prouinciarum rectores prohibeant, ne locis [iocis?] suis fidei nostrae signum inmisceant, sed ritus suos citra contemptum christianae legis retineant, amissuri sine dubio permissa hactenus, nisi ab inlicitis temperauerint. Dat. IIII kal. iun. Constantinopoli Basso et Philippo conss.
Th. Mommsen & P. Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1904, 4th reed. 1971), 891.
Les empereurs Augustes Honorius et Théodose à Anthemius, préfet du prétoire. Les gouverneurs de province interdiront aux juifs d’incendier Aman lors de l’une de leurs fêtes solennelles, en souvenir de son ancien châtiment, et de brûler une sorte de simulacre de la sainte Croix dans un esprit sacrilège pour se moquer de la foi chrétienne, pour qu’ils ne mêlent pas à leurs jeux le signe de notre foi. Qu’ils gardent leurs rites sans mépriser la loi chrétienne ; il ne fait aucun doute qu’ils perdront les autorisations accordées jusqu’à présent s’ils ne s’abstiennent pas de ce qui est interdit. Donné le 4 des calendes de juin à Constantinople sous le consulat de Bassus et de Philippus.
Les Lois religieuses des empereurs romains de Constantin à Théodose II, 312-438, Volume I :. Code théodosien, Livre XVI. Réedition du texte de T. Mommsen, avec traduction française de Jean Rougé et notes de Roland Delmaire. Sources chrétiennes 497 (Paris: Cerf, 2005).
Cette constitution est édictée par l'empereur Théodose II et adressée au préfet du prétoire d'Orient Anthemius, mission lui étant donnée de la diffuser auprès des gouverneurs de provinces de sa préfecture. Elle dénonce un rite associé à la fête de Pourim (14-15 adar). Les juifs d'Orient avaient coutume de brûler une effigie empalée ou crucifiée d’Aman, ce conseiller qui, selon Esther 9, 17-28, aurait comploté afin d’obtenir du roi de Perse Assuérus la mise à mort des juifs de son empire. La fête de Pourim commémore l’intervention salvatrice d’Esther, juive et reine de Perse, et la condamnation à mort d’Aman et de ses complices. Brûler un homme empalé ou crucifié était, selon la présente constitution, l’occasion de tourner en dérision un symbole du christianisme, attitude « sacrilège ». Le texte menace de sanctionner ces agissements par la perte des « autorisations accordées » aux juifs. Ceci désigne probablement, compte tenu du contexte, les autorisations de « conserver leurs rites », à savoir les privilèges des rabbis (CTh 16.8.13).
La loi témoigne de fortes tensions entre communautés juive et chrétienne orientales, sans qu’il soit possible d’identifier ces communautés. Elle doit être rapprochée de l’incident violent qui éclata en 414 à Inmestar (entre Antioche et Chalcis), où, selon l’historien Socrate (Hist. eccl., 7, 19, PG 67, 769), des juifs avinés auraient flagellé et crucifié un jeune chrétien; selon certains historiens, cela aurait pu avoir lieu lors de la même fête de Pourim. La loi a été reprise et légèrement modifiée dans CJ, 1.9.11.
blasphème ; fête juive ; Pourim ; privilège ; sacrilège
Capucine Nemo-Pekelman : collaborateur pour le commentaire
Adam Bishop : traduction
Notice n°979, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait979/.