./.

Codex Theodosianus [16.8.1]

Auteur

Theodosius II

Constantinus

Titre en français

Code Théodosien

Titre descriptif

Peine du bûcher contre ceux qui molestent les juifs convertis au christianisme et incrimination de la conversion au judaïsme

Type de texte

Constitution romaine

Texte

Imp. Constantinus A. ad Evagrium. Iudaeis et maioribus eorum et patriarchis uolumus intimari, quod, si quis post hanc legem aliquem, qui eorum feralem fugerit sectam et ad Dei cultum respexerit, saxis aut alio furoris genere, quod nunc fieri cognouimus, ausus fuerit adtemptare, mox flammis dedendus est et cum omnibus suis participibus concremandus. Si quis uero ex populo ad eorum nefariam sectam accesserit et conciliabulis eorum se adplicauerit, cum ipsis poenas meritas sustinebit. Dat. xv kal. nou. Murgillo Constantino A. IIII et Licinio IIII conss.

Langue

Latin

Source du texte original

T.Mommsen & P. Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges Novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1905), 887.

Datation

  • Date fixe : 18/10/315
  • Précisions : 18.X.315 correspond à la date donnée dans le code. La datation (année et mois) de cette constitution – dont le texte a été coupé en trois morceaux, au moins, répartis dans CTh 16.8.1, 16.8.6 et 16.9.2 – est en réalité incertaine, trois années pouvant être proposées : 315, 329 ou 339. Otto Seek estime, sur la base de ce que l’on sait des déplacements impériaux, que la date réelle de la loi est le 13 août 339, une date qui correspond à un déplacement de l’empereur Constantin II dans la province de Pannonie, lieu où se trouverait la localité inconnue de Murgillum qu’il faudrait corriger en Mursella. D’autres se fondent sur l’analyse du contenu de la mesure – reflétant à la fois une communauté juive puissante et un pouvoir impérial engagé dans la mission chrétienne – pour proposer l’année 329, en ajoutant qu’un préfet du prétoire d’Orient du nom d’Evagre se trouvait en charge dans les années 326-331. Roland Delmaire, que cette deuxième datation convainc, donne, pour Murgillum, la localité de Bergule. Selon ces auteurs, la constitution serait de Constantin Ier et aurait été émise le 18 octobre 329. Karl L. Noethlichs et Giovanni De Bonfils remarquent la présence d’un Evagre en charge en Occident en 313 et en 315 et considèrent que la date du 18 octobre 315 correspond bien à la date d’émission de la constitution <note>Pour une discussion détaillée sur les problèmes posés par la datation de cette loi, cf. R. Delmaire, 2005, 486-487</note>.

Aire géographique

Traduction française

L'empereur Constantin Auguste à Evagre Nous voulons qu'il soit intimé aux juifs, à leurs anciens et à leurs patriarches que, si après cette loi, l'un d'eux avait attaqué à coups de pierres ou de quelqu'autre manière cruelle un homme qui avait fui leur secte funeste pour se tourner vers le culte de Dieu - ce qui, avons-nous appris, a été commis récemment -, il devra être aussitôt livré aux flammes et brûlé vif avec tous ceux qui ont participé à son crime. D'autre part, si quelqu'un du peuple se joint à leur secte impie et participe à leurs groupements séditieux, il supportera, avec eux, les châtiments mérités. Donné le 15 des calendes de novembre à Murgillum, sous le 4e consulat des Augustes Constantin et Licinius.

Source traduction française

Les Lois religieuses des empereurs romains de Constantin à Théodose II, 312-438, Volume I :. Code théodosien, Livre XVI. Réedition du texte de T. Mommsen, avec traduction française de Jean Rougé et notes de Roland Delmaire. Sources chrétiennes 497 (Paris, 2005), 369.

Résumé et contexte

Le premier paragraphe de la loi institue la peine capitale par crémation pour qui tue ou tente de tuer un juif au prétexte qu’il se serait converti au christianisme. On ne connaît pas – bien que quelques hypothèses puissent être avancées1 – les circonstances exactes de l’affaire à l’origine de la réaction impériale. Le juif converti a-t-il été lapidé – on ne sait pas si la mort s’en est suivie – en exécution d’un jugement émis par un tribunal juif2, ou a-t-il été lynché par une foule anarchique ? La réponse est indifférente pour le pouvoir romain, qui proscrivait depuis le Haut-Empire le prononcé de sentences de mort par les tribunaux pérégrins, et qui assimilait ces mises à mort à des homicides, passibles, comme tels, de la peine capitale. La nouveauté du texte paraît résider dans l’institution du bûcher contre les meurtriers de convertis, une mise à mort infamante destinée à souligner le caractère particulier du crime. La peine du bûcher est d’ailleurs prévue dans plusieurs lois qui se placent entre 320 et 329. Sont ici mentionnés, pour la première fois dans la législation, les "patriarches juifs". La signification de "petits patriarches"3, c'est-à-dire chefs des communautés juives de la diaspora4 a été critiquée mais pas de façon convaincante. Ce titre est conservé dans le CJ alors que le "grand patriarche" a disparu depuis un siècle. Amnon Linder 5pense que le pluriel indique le patriarche et sa maison à Tibérias. On les appelait aussi "primates/exarchi/nassi (en hébreu)". Les "maiores" (cf. CTh XVI.8.23 et 9.3) doivent être les membres qui dirigent le conseil des Anciens ("seniores") des communautés juives. Le second paragraphe – à partir de "si quis" paraît viser le prosélytisme juif. Pour les hommes acquis au judaïsme, les autorités religieuses juives exigeaient la circoncision et, pour les femmes, un bain rituel. Or, des demi-prosélytes manifestaient leur sympathie pour la religion juive sans passer par ces rituels. La question de savoir s'il y eut prosélytisme de l'époque fait débat : voir G. Israël et Ed. Will contre M. Simon.

1 . Cf. G. De Bonfils, 2011, 21-24

2 . Ce châtiment est mentionné dans la Bible mais rarement appliqué à l’époque talmudique. Deut. 13, 7-10 et 17, 2-5 ; Lév. 24, 14-16 ; Ac 7, 57-58.

3 . Cf. J. Juster, I, 402-405

4 . Cf. Godefroy-Frohne, p. 95-103

5 . A. Linder, 1987, 203

Signification historique

Le caractère extrêmement vindicatif de la loi, tant dans le contenu que dans le ton, étonne de la part de Constantin. Il tranche avec l’esprit de l’édit de Milan de 313 en ce qu'il interdit aux juifs de faire des prosélytes. Ce constat amène Giovanni De Bonfils à faire l’hypothèse que le second paragraphe - à, partir de "si quis" - a été ajouté par les compilateurs du Code Théodosien. En effet, rien n’indique que le "eorum" et le "ipsis" se référaient, dans le texte d’origine, aux juifs1. Dans cette hypothèse, il faudrait aller rechercher dans des lois ultérieures l’institution du "délit de [conversion au] judaïsme" dont parlait Jean Juster. Le Code Justinien n'a retenu que le premier paragraphe de la constitution, jusque "concremandus" (CJ, 1.9.3), ce qui vient renforcer l'hypothèse de G. De Bonfils. Les lois CTh 16.8.6 et 16.9.2 sont peut-être extraites de la même constitution.

1 . G. De Bonfils, 2011, 25-26

Textes apparentés inclus dans le corpus

Editions

  • T.Mommsen & P. Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges Novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1905), 887.

Traductions

  • A.Linder, The Jews in Roman imperial legislation (Detroit, 1987), 126-127.
  • Les Lois religieuses des empereurs romains de Constantin à Théodose II, 312-438, Volume I :. Code théodosien, Livre XVI. Réedition du texte de T. Mommsen, avec traduction française de Jean Rougé et notes de Roland Delmaire. Sources chrétiennes 497 (Paris, 2005), 369.

Etudes

  • F.Blanchetière, "L'évolution du statut des juifs sous la dynastie constantinienne", Crise et redressement dans les provinces européennes de l'Empire. Milieu du IIIe-mileu du IVe ap. J.-C. (Strasbourg, 1983), 131-132.
  • G.De Bonfils, Saggi sulla legislazione ebraica (Bari, 2011), 18-26.
  • A.Linder, The Jews in Roman Imperial Legislation (Detroit-Jerusalem, 1987), 124-132.
  • C.Nemo-Pekelman, Rome et ses citoyens juifs (IVe-Ve siècles) (Paris, 2010), 125-128.
  • Les Lois religieuses des empereurs romains de Constantin à Théodose II, 312-438, Volume I :. Code théodosien, Livre XVI. Réedition du texte de T. Mommsen, avec traduction française de Jean Rougé et notes de Roland Delmaire. Sources chrétiennes 497 (Paris, 2005), 368-369 et 486-488.

Mots-clés

apostasie ; conversion ; conversion au christianisme ; conversion au judaïsme

Auteur de la notice

Laurence   Foschia

Collaborateurs de la notice

Jessie   Sherwood  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  collaborateur pour le commentaire

Comment citer cette notice

Notice n°87471, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87471/.

^ Haut de page