Livre des Assises
Les amendes payées pour une agression.
Quel amende doit faire celui par l'assise de qui l'on se claime de lui de cop aparant. [...]Et se chevalier ou autre persone que chevalier bat ou fiert autre persone que chevalier et li fait cop aparant, se celui se claime par la dite assise dou roi Bauduin, se l'autre ne le noie et ne fait le sairement desus devisé, il doit paier au seignor por l'amende dou mesfait .c. besanz et au clamant .c. sos. Et se le clamant est d'autre nacion que de la loy de Rome et l'autre ne noie qu'il ne li a cel cop fait et ne fait le dit sairement, le seignor en avra de lui en amende .l. besanz et le clamant .l. sos. Et se home bat ou fiert sa feme ou sa feme a lui et se aucun d'eaus l'a fait a son fis ou a sa fille tant con il sont familians, ce est ains qu'il les ait mancipés, ce est partis de lui, ou a son serf ou a sa serve ou a sa chambriere, et il se claime par la dite assise, il ne ele n'est pas tenus de paier desus devizee, por ce que tes manieres de gens ne se pevent clamer par la dite assise, car il sont exceptés.
John of Ibelin, Livre des Assises, ed. P, W. Edbury (Leiden, 2003).
Quelle amende doit verser, selon l'assise, celui qui est accusé d'avoir commis une agression. [...]Et si un chevalier ou une personne autre qu'un chevalier bat ou frappe une personne autre qu'un chevalier et lui occasionne un coup qui se voit, si ceci accuse l'autre selon l'assise du roi Baudouin et si l'autre ne le nie pas et ne prête pas le serment mentionné ci-dessus1, il doit payer comme amende pour ce délit cent besants au seigneur et cent sous à son accusateur. Et si l'accusateur n'est pas de foi catholique et que l'autre ne nie pas qu'il lui a porté ce coup et ne prête pas le serment, il doit payer comme amende cinquante besants au seigneur et cinquante sous à son accusateur. Et si un homme bat ou frappe sa femme ou si sa femme le bat ou le frappe, et si l'un ou l'autre bat ou frappe son fils ou sa fille qui habitent dans sa maison, c'est-à-dire afin qu'ils soient émancipés, c'est-à-dire afin qu'ils s'en aillent, ou bien si l'un ou l'autre bat ou frappe son esclave ou son chambellan et s'il est accusé selon l'assise, ni lui ni elle n'est tenu de payer l'amende mentionnée ci-dessus parce que de telles personnes ne peuvent pas accuser selon l'assise car ils en sont exclus.
1 . Dans le chapitre 100.
A. Bishop
Cette assise traite des différents types d'agressions. Si un homme frappe un autre homme et que ni l’un ni l’autre ne sont chevaliers, il doit payer 100 besants au seigneur et 100 sous à sa victime. Si la victime n’est pas catholique, l’amende est seulement de 50 besants et 50 sous. Dans le traité de Jean, cette assise est une continuation du chapitre 100 dans lequel Jean donne le texte des serments qui doivent être prêtés devant la cour. Dans la première partie de ce chapitre, Jean s’occupe d’un chevalier qui frappe un autre chevalier. Selon Philippe de Novare, l’amende pour une agression contre un chevalier n’est que de 100 besants, mais, selon Jean, elle est de 1000 besants. Les assises de la Cour des Bourgeois expliquent plus en détail cette assise puisqu'elle concerne les membres "inférieurs" de la société de l’Orient latin. Jean ajoute seulement que les esclaves (qui étaient normalement musulmans) ne peuvent pas accuser leurs maîtres d’agression car il ne leur était pas permis de participer à la procédure à la Haute Cour.
Cette assise s'intitule "l'assise dou rei Baudoin de cop aparant" et compte parmi les premières du Royaume de Jérusalem au XIIe siècle. Il semble que cette loi fut édictée au même moment que l’assise de meurtre ou juste après, que Philippe traite également. Maurice Grandclaude estime que le "Roi Baudouin" nommé dans cette assise est Baudouin Ier mais admet que ceci ne peut être établi avec certitude.1 Auguste-Arthur Beugnot estime également que le roi concerné est Baudouin Ier.2 John La Monte croit de son côté que l'assise remonte plus tard dans le XIIe siècle, vers 1180, et qu'ainsi le roi est Baudouin IV.3 Joshua Prawer suggère qu'il s'agit de Baudouin III qui, par ailleurs, était célébré pour sa sagesse en tant que législateur.4
Si l'on en croit Philippe, il existait deux versions de cette assise. La première menait trop souvent aux ordalies et la seconde et présente version privilégiait les modes de preuves par témoignage et serment.
Philip entre plus dans les details de la hiérarchie établie entre les témoignages recevables et des amendes et des peines en fonction de la religion des victimes, mais Jean ne fait que mention des non-catholiques en général. Ceux-ci ne pouvaient témoigner contre les membres de la même religion qu'eux, et seulement devant les cours "basses". Cette règle empêchait "la très grande majorité de la population" de participer à la Haute Cour.5
Les habitants non-catholiques du royaume possédaient leur propre cour nommée Cour des Syriens, compétente pour tous les habitants autochtones et pas seulement les chrétiens syriens. Mais les cas les plus graves et les procès avec des catholiques étaient jugés devant la Cour des Bourgeois. Les autochtones ne pouvaient pas porter d'affaire devant la Haute Cour.6
John ajoute qu’une femme, des enfants, ou des esclaves ne pouvaient pas porter une accusation contre leur époux, leur père, ou leur maître. Ceci est un emprunt évident au droit romain, dans lequel le paterfamilias avait l’autorité absolu sur son ménage.
1 . M. Grandclaude, "Liste des assises remontant au premier royaume de Jérusalem (1099-1187)," in Mélanges Paul Fournier (Paris, 1929), 336-338.
2 . A.-A. Beugnot, ed., Recueil des historiens des croisades, vol. 1 : Lois (Paris, 1841), repr. (Farnborough, 1967), xxii.
3 . J. L. La Monte, Feudal Monarchy in the Latin Kingdom of Jerusalem (Cambridge, 1932), repr. (New York, 1970), 30.
4 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 428.
5 . Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, éd. & trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009), ch. 28, n. 122.
6 . M. Nader, "Urban Muslims", 249-251.
esclaves ; musulmans ; témoignage ; violence
Laurence Foschia : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°71000, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait71000/.