Concilium Venetense
Concile de Vannes
Interdiction faite aux clercs de partager des repas avec des juifs
Omnes deinceps clerici iudæorum convivia evitent nec eos ad convivium quisquam excipiat; quia cum apud christianos cibis communibus non utantur, indignum est atque sacrilegum eorum cibos a christianis sumi; cum ea quæ Apostolo permittente nos sumimus, ab illis iudicentur immunda, ac sic inferiores incipiant esse clerici quam iudæi, si nos quæ ab illis apponuntur utamur, illi a nobis oblata contemnant.
Que les clercs évitent de manger chez des juifs et qu'ils ne reçoivent pas de juifs à leur table. En effet, comme les juifs ne consomment pas la nourriture ordinaire des chrétiens, il serait indigne et sacrilège que des chrétiens mangent leur nourriture. Ils jugent que ce que nous mangeons avec la permission de l’Apôtre est impur, de sorte que les clercs apparaitraient inférieurs aux juifs s'ils acceptaient ce que les juifs leur présentent alors que ces derniers rejettent ce que nous leur offrons.
C.Nemo-Pekelman
Ce canon s'insère dans une série d'ordonnances (c. 11 à 14) relatives à la discipline des clercs, leur rappelant leurs obligations de célibat, de sobriété, et de retenue. Il interdit les rencontres commensales entre clercs et juifs au motif qu'elles seraient le lieu d'une relation dissymétrique offensante pour les chrétiens, les juifs refusant, conformément aux interdits bibliques, les plats des non-juifs alors que les convives chrétiens pouvaient manger ceux des juifs. On sait le caractère très codifié - notamment au Moyen Age - des règles de l'hospitalité, règles qui impliquent en particulier que le rôle de l'hôte soit assumé en alternance, et la gravité que pouvait donc recouvrir le fait de refuser de partager de la nourriture. Il faut aussi noter que la raison invoquée par les juifs pour refuser les plats des chrétiens ("ils jugent que ce que nous mangeons avec la permission de l'Apôtre est impur") pouvait faire écho à une polémique vivace dans certains cercles chrétiens autour du caractère prescriptif ou non des interdits alimentaires du Lévitique. Selon la tradition (Ac 15), un "concile" de Jérusalem avait aboli les pratiques judaïsantes mais perpétué certains interdits alimentaires comme celui de manger des animaux ensanglantés. Or l'exégèse de ce passage donnait lieu, au Haut Moyen Age, à d'âpres débats. Les Pères de Vannes pouvaient craindre à raison que l'exemple des juifs ne contribue à entretenir les incertitudes des fidèles.
L'interdiction des repas communs entre juifs et chrétiens n'a, en Occident, qu'un précédent connu, celui du canon 50 du concile d'Elvire en Bétique (300-306). Mais il est possible que d'autres prohibitions de ce type aient circulé, en Hispanie ou en Gaule, entre le IVe et le Ve siècle. En effet, Bernhard Blumenkranz, ayant remarqué la formulation redondante du canon de Vannes, estime que le texte est composite, fruit de la réunion de trois canons plus anciens issus d'actes de conciles perdus. Cinquante ans plus tard, le canon 12 devait être repris quasiment mot pour mot par les évêques réunis au concile wisigothique d'Agde (506).
Adam Bishop : traduction
Notice n°40867, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait40867/.