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In aliis litteris

Auteur

Gregorius IX

Titre en français

In aliis litteris

Titre descriptif

Grégoire IX avertit le sultan almohade que, s’il ne se convertit pas au christianisme, les chrétiens ne pourront pas continuer à le servir.

Type de texte

Bulle pontificale

Texte

Gregorius, etc., nobili viro Miramolino, viam agnoscere veritatis et in ea fideliter permanere. In aliis litteris nostris, quas per dilectos filios fratres de ordine Minorum magnitudini tuae dirigimus veritatem tibi ostendentes fidei Christianae, patri luminum sicut possumus supplicamus ut pietate sua respiciens nostrae intentionis affectum, precibus nostris clemens assistat, benignus aspiret, januamque misericordiae suae reserare dignetur, adaperiatque aures praecordiorum tuorum, ut nobis sitientibus tibi gratiam in praesenti et gloriam in futuro, in devotione cordis et humilitate spiritus acquiescas. Desideramus siquidem et ardenter deposcimus ut tibi qui in tenebris ambulas, unicum filum suum verum lumen ostendat, teque ad fidem Christianae vèritatis misericorditer advocet in agnitionem ejusdem filii sui Domini Jesu Christi, ut per lavacrum regenerationis ablutus Domino in novitate vitae tamquam filius adoptionis ipsius valeas complacere, qui fideles suos sibi vult in regnis coelestibus conregnare. Et utinam fiducia quam concepimus non fallamur, de tua conversatione sperantes pro eo quod religiosis viris fidei nostrae, et specialiter venerabili fratri nostro A[gnello], Facensi episcopo, et aliis fratribus de ordine Minorum te mansuetum exhibes et benignum, et eos in quibus decet habes pro¬pensius commendatos; quod ad salutationem tuam perspicuum indicium divinae mise¬rationis existit. Unde episcopus et fratres praedicti te in Christo sincerius diligentes, temporale et aeternum commodum tuum apud Dominum et Sedem Apostolicam inde¬fessae pietatis studio et amore satagunt promovere. Denique cum ineffabiles sint bonitatis Christi divitiae, firmam spem debes habere, plenamque fiduciam quod si mutatio dexterae excelsi in te facta fuit, quod cupimus et optamus, ipse tui principatus honorem augebit qui dilectoribus suis in via centuplum et vitam aeternam in patria pollicetur, nosque tibi majora et digniora ad ampliorem tui laudem et magnificentiam committemus. Alioquin, si forte Christi hostis esse malueris quam amicus, nullatenus patiemur, sicut nec pati debemus, quod tibi a suis fidelibus serviatur. Datum Laterani, VI kalendas Junii, anno VII.

Langue

Latin

Source du texte original

L. DE MAS-LATRIE, Traités de paix et de commerce et documents divers concernant les relations des chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale au moyen âge, Paris, 1866, p. 10, n° X.

Datation

  • Date fixe : 27/05/1233

Aire géographique

Traduction française

Au noble Miramolinus, connaître le chemin de la vérité et y demeurer fidèlement. Dans une autre lettre que nous avons fait parvenir à ta grandeur par nos chers fils, les frères de l’ordre des Mineurs, te montrant la vérité de la foi chrétienne, nous suppliions comme nous le pouvons le père des lumières que, considérant avec la clémence qui est la sienne l’élan de notre intention, il se montre accueillant et favorise avec bonté nos prières, et qu’il ouvre les oreilles de ton cœur afin que, comme nous le désirons ardemment pour toi, tu acquières la grâce dans le présent et la gloire dans l’avenir, dans la dévotion du cœur et l’humilité de l’esprit. Nous désirons et nous voulons ardemment que, à toi qui marche dans les ténèbres, la vraie lumière montre son fils unique, et qu’elle t’appelle avec miséricorde à la foi de la vérité chrétienne dans la reconnaissance de son fils le Seigneur Jésus-Christ, afin que, purifié par le baptême de régénération tu t’attaches à plaire à Dieu dans une nouvelle vie, comme son fils adoptif, lui qui veut régner avec ses fidèles dans le royaume des cieux. Et plût au ciel que la confiance que nous avons conçue ne soit pas trompée, espérant d’après tes propos que tu te montres accueillant et bien disposé envers les religieux de notre foi et spécialement notre vénérable frère A[gnellus], évêque de Fès, et les autres frères de l’ordre des Mineurs, et que tu les honores avec suffisamment de bienveillance, ce qui sera un signe clair de la miséricorde divine en vue de ton salut. C’est pourquoi, l’évêque et les frées susdits te portant une bien sincère affection dans le Christ, s’emploient à promouvoir auprès du Seigneur et du siège apostolique ton profit tant temporel qu’éternel avec l’amour et le zèle d’une piété inlassable. Enfin, comme les richesses de la bonté du Christ sont ineffables, tu dois avoir le ferme espoir et la pleine confiance que si un changement s’opère en tout par la droite du très-haut ce que nous souhaitons et désirons, celui-ci augmentera l’honneur de ton règne, lui qui promet à ceux qui l’aiment le centuple ici-bas et la vie éternelle dans le monde à venir ; quant à nous, nous te confions des choses plus grandes et plus dignes, de sorte que ta magnificence et ton renom soient plus amples. Sinon, si par hasard tu préférais être l’ennemi plutôt que l’ami du Christ, nous ne souffrirons en aucune manière, comme nous ne devons le souffrir, que tu sois servi par ses fidèles. Donné au Latran le VI des calendes de juin, la septième année.

Source traduction française

M. Rubellin « La diplomatie pontificale et les pouvoirs musulmans dans la première moitié du XIIIe siècle. », Pays d’Islam et monde latin : Xe-XIIIe siècle : textes et documents, réunis et présentés par l’Unité mixte de recherche 5648 Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux, Aubenas, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 186-189

Résumé et contexte

Dans cette lettre, Grégoire IX remercie le sultan almohade de sa bienveillance à l’égard des frères mineurs ainsi que de l’évêque de Fès, Agnellus, premier prélat du tout nouvel évêché au Maroc. Ils ont été envoyés sur ses terres pour s’occuper des mercenaires chrétiens à son service. Il espère qu’il se convertira et lui rappelle que s’il reste l’ennemi du Christ alors le Siège Apostolique devra interdire aux chrétiens de le servir.

Signification historique

Pour Grégoire IX, l’expansion du christianisme était un de ses intérêts notables, il soutint et la croisade et la mission – bien que ce terme soit anachronique1 – parfois vers de nouveaux horizons géographiques. Il n’a pas négligé l’Occident du monde arabo-musulman. En 1233, Grégoire IX envoya deux lettres au souverain almohade. Il s’agissait alors de lui exposer la foi chrétienne, de l'encourager à se convertir ainsi que de lui recommander l’évêque de Fès et ses compagnons franciscains. L’existence de mercenaires chrétiens comme soutien tactique des almohades et le sort qui leur est réservé ont pu aviver l’espoir de conversion. Certains historiens voient dans cette lettre le début d’une mise à profit des défaites des rois de Marrakech par Grégoire IX, Innocent IV aurait poursuivi cette politique. Mais à cette date Grégoire IX envoyait des frères mineurs aux différents souverains musulmans et non au seul roi du Maroc. La lettre In aliis litteris renseigne à plus d’un titre sur l’attitude grégorienne face au Maghreb al-Aqsā. Premièrement elle témoigne de la relation particulière qu’entretenaient les papes avec les Almohades – dans cette lettre le calife ne semble pas inconnu au pontife –, deuxièmement la lettre informe aussi sur la bienveillance du calife à l’égard de l’évêque de Fès, présent sur ses terres pour s’occuper des chrétiens à son service. La dernière phrase qui nous intéresse ici met en garde le calife. Elle fut interprétée comme un jalon de l’affermissement de la position pontificale contre le calife. Force est de constater cependant, qu’en cette première moitié du XIIIème siècle, les chrétiens ont continué à le servir. Aucune lettre de Grégoire IX leur demandant de quitter le territoire n’est consignée aux Archives secrètes du Vatican, aucune réponse non plus. Seul Grégoire IX posa le problème de la condition des mercenaires. La chancellerie pontificale n’enregistra pas, à la suite de ces demandes qui n’aboutirent pas, de lettres intimant l’ordre aux chrétiens de partir ou leur reprochant d’être restés.

1 . Le terme de « mission » (missio, l’envoi) ne désigne pas au Moyen Âge la mission, telle qu’on l’entend aujourd’hui dans son acceptation religieuse. C’est au XVIIème siècle que cette acceptation s’épanouie dans le sens de l’évangélisation ou de bâtiments dans lesquels logent les missionnaires. « Mission », in Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’A. REY, Paris, 1992.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Vatican, Archivium Secretum Apostolicum, Reg. Vat. fol. 37r, ep. 135.

Editions

  • L. DE MAS-LATRIE, Traités de paix et de commerce et documents divers concernant les relations des chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale au moyen âge, Paris, 1866, p. 10, n° X.
  • L. WADDING, Annales Minorum seu trium ordinum a S. Francisco institutorum, Quarracchi, Ad Claras Aquas, 1931-19353, t. II, p. 351

Traductions

  • L. GODARD, « Les Évêques de Maroc sous les derniers Almohades et les Beni-Merin », Revue Africaine, t. II, août 1858, p. 433-440.
  • H. KHOELER, L’église chrétienne du Maroc et la mission franciscaine 1221-1790, Paris, Société d’éditions franciscaines, 1934, p. 32.
  • A. LOPEZ, « Los Obispo de Marruecos desde el siglo XIII », Archivo Ibero-americano, nov.-déc., 1920, n°XLII, p. 406.
  • K.-E. LUPPRIAN, Die Beziehungen des Päpaste zu islamische und mongolischen Herrscherne im 13. Jahrhundert anhand ihres Briefwechsels, Rome, 1981, p. 108-109.
  • M. RUBELLIN, « La diplomatie pontificale et les pouvoirs musulmans dans la première moitié du XIIIe siècle. », Pays d’Islam et monde latin : Xe-XIIIe siècle : textes et documents, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 188.

Etudes

  • P. GOURDIN, « La papauté a-t-elle une politique maghrébine pendant le Moyen Âge ? », Alessandro VI dal Mediterraneo al Atlantico, (Cagliari 17-19 mai 2001), Archivi di stato Saggi 82, Roma nel Renascimento, 2004, p. 210.
  • C. MAILLARD, Les papes et le Maghreb aux XIIIème et XIVème siècles, étude des lettres pontificales de 1199 à 1419, Brepols, publication 2014, p. 83, 242, 259, 348.
  • G. MOLLAT, Lettres secrètes et curiales du pape Grégoire XI intéressant les pays autres que la France, Bibliothèque des Écoles Françaises d’Athènes et de Rome, Paris, De Boccard, 1962-1965, t. I, col. 754, n°1344.
  • A. UNALI, « Pénétration religieuse et territoriale des chrétiens au Maghreb au XIIIème siècle », Mésogeios 7 (2000), 2000, p. 146.
  • A. VAUCHEZ, « Chapitre VI : Les chrétiens face aux non-chrétiens », Histoire du christianisme des origines à nos jours, sous la direction de J.-M. MAYEUR, C. et L. PIETRI, A. VAUCHEZ, M. VENARD, Desclée, Paris t. 5, p. 729.

Mots-clés

armée ; chrétiens ; conversion au christianisme ; mercenaires

Auteur de la notice

Clara   Maillard

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°268736, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait268736/.

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