Nimia sumus orribilitate
Grâce du pape aux chrétiens du Maroc pour la non-observance du jeûne.
Dilectis filiis Christianis dispersionis Marocchie. Nimia sumus orribilitate perculsi, afflicti spiritu et animo consternati ex hiis que nobis non sine contritione spiritus intimauit. Exposuisti equidem nobis quod cum Rex Marocchie triumphat de hostibus uel alias successuum prosperitas ei exultationem indicit, quinque marioris religionis et famae sub sua consistente potentia christianos, siue Sextaferia siue quadragesimali tempore sic succedat eidem, epulari secum et uesci carnibus, contra honestatem professionis christiane, compellit, super quo, promittentes de cetero quantum Deus dederit super Christiane religionis obseruatione constantiam, ueniam postulastis. Nos autem uobis ex hoc dolitentibus condolentes agentibus uobis super hoc poenitentiam et amaritudinem cordis habentibus, de preteritis ueniam indulgemus. Datum Laterani III idus maii, pontificatus nostri anno septimo.
Clara Maillard - Vatican, Archivium Secretum Apostolicum, Reg. Vat. 12, fol. 41r-v, ep. 146.
Aux chrétiens dispersés au Maroc. Nous avons été frappés horriblement et, dans une grande mesure, affectés et consternés par ce qui nous a été annoncé. Vous nous avez exposé que le roi du Maroc, lorsqu’il triomphe de ses ennemis ou annonce des prospérités au milieu des transports de joie des cinq plus grands religieux et de l’opinion [publique], pousse les chrétiens sous son pouvoir à l’accompagner à table, à se nourrir de viande, et ce durant le septième jour de repos ou le temps du carême, à l’encontre d’une honnête attitude chrétienne – et ceux qui promettent autre chose, au mépris de l’observation de la religion chrétienne, combien Dieu les auraient abandonnés – ainsi vous demandez la grâce. Au vue de cela, nous – compatissant à vous qui agissez, souffrez, avec au cœur peine et amertume de cela – nous vous concédons la grâce de passer outre. Donné au Latran le 3 des ides de mai, la septième année de notre pontificat.
Clara Maillard
Au XIIIème siècle, le culte chrétien se pratiquait, non sans difficulté, au Maghreb. Le Siège apostolique eut connaissance de cela et intervint tout particulièrement dans l’organisation de la vie religieuse au Maroc. En premier lieu Honorius III écrivit aux chrétiens demeurant dans ces terres lointaines pour leur accorder une grâce pour leur non-observance du jeûne durant le septième jour de repos ou le temps du carême.
Le Saint-Siège montra au XIIIème siècle un intérêt précoce pour le Maroc qui se traduisit rapidement par l’installation de l’évêché de Marrakech. Deux lettres au sujet de la pratique religieuse des chrétiens au Maroc précédent les démarches pontificales pour installer une hiérarchie ecclésiastique dans le royaume, l’une datée de 1219 où Honorius III écrivait au « Albyacole Miramolino » lui demandant de permettre aux chrétiens sur ses terres de vivre selon leur loi et l’autre de 1223, celle qui nous occupe ici, où Honorius III s’adressa directement aux chrétiens du Maroc pour leur octroyer une grâce. Ainsi non seulement le pape connut les difficultés de ses ouailles si éloignées et s’en émut mais encore il fit preuve de souplesse vis-à-vis des chrétiens de ce royaume, qui devaient être des mercenaires accompagnant le roi musulman en personne lors des festins.
banquet ; carême ; chrétiens ; jeûne
Adam Bishop : traduction
Anna MATHESON : traduction
Notice n°268735, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait268735/.