Pierre de Dreux, Duc de Bretagne
Reconaissance des privilèges de l'évêque de Nantes
Universis etc., Petrus, dux Britanniae, comes Richemondiae. Cum inter me et ecclesiam nannetensem controversia extitisset super quibusdam libertatibus et sesinis, tandem devenimus ad hanc pacem, quod ego bona fide volo et concedo quod ecclesia Beati Petri Nannetensis et sui omnes libertates suas et sesinas in bona pace teneant, in eo statu quo extiterant quando veni ad comitatum Britanniae, revocando in irritum banna facta contra libertates et consuetudines et sesinas ecclesiae Nannetensis post compositionem factam inter nos coram judicibus a Sede Apostolica delegatis. Et ecclesiam Nannetensem in suis libertatibus, etc., bonna fide protegam. Damna vero quae episcopo Nannetense et suis, a me et meis facta fuerunt, restituam ad juramentum Jocelini, archidiaconi, Thome, thesaurarii, et R. de Spina, decani. Volo etiam et concedo quod episcopus in Judaeis in suo feodo manentibus eamdem juridicitionem obtineat quam antecessores sui habuerunt in eis, vel ipsi a feodo episcopi abeant et recedant, etc. Actum Nannetis in crastino Cathedrae Beati Petri, anno Domini M CC XXI.
M. Lémeillat, Les actes de Pierre de Dreux. Duc de Bretagne (1213-1237) (Rennes, 2013), 109.
A tous ceux, etc., Pierre, duc de Bretagne, comte de Richemont. Un litige s’étant élevé entre l’église de Nantes et moi, au sujet de certains privilèges et possessions, nous en sommes finalement venus à cette paix : je veux et concède de bonne foi que l’église Saint-Pierre de Nantes et les siens détiennent en bonne paix toutes leurs libertés et possessions, dans l’état où elles étaient quand je suis venu de le comté de Bretagne, annulant les droits levés à l’encontre des libertés, coutumes et possessions de l’église de Nantes, après la composition conclue entre nous devant les juges délégués par le siège apostolique. Et je protègerai de bonne foi l’église de Nantes dans ses libertés, etc. Quant aux dommages que moi et les miens avons causés à l’évêque de Nantes et aux siens, je les réparerai suivant le serment fait à Josselin, archidiacre, à Thomas, trésorier, et à R. de l’Epine, doyen. Je consens aussi et concède que l’évêque conserve sur les juifs demeurant dans son fief la même juridiction que ses prédécesseurs avaient sur eux, ou qu’ils s’en aillent et se retirent du fief épiscopal, etc. Fait à Nantes, le lendemain de la Chaire de Saint Pierre, en l’an du Seigneur mille deux cent vingt et un.
M. Lémeillat, Les actes de Pierre de Dreux. Duc de Bretagne (1213-1237) (Rennes, 2013), 109-10.
Dans ce document, Pierre déclare qu’il a conclu la paix avec l’évêque de Nantes, Étienne de la Bruyère (évêque de 1213 à 1227). Les deux étaient en conflit pour avoir l’autorité sur la ville : Pierre avait exproprié des terres (en particulier pour la construction de fortifications) et cherchait à taxer les résidents, contre le souhait de l’évêque, traditionnellement seigneur de la ville. Étienne porta l’affaire devant le pape Honorius III en 1217, et cela mena à l’excommunication de Pierre le 7 décembre 1218 ; il soumit finalement le cas à l’arbitrage du pape et celui-ci leva l’excommunication le 27 janvier 1220. Ici, Pierre reconnaît qu’il a accepté la décision des arbitres judiciaires nommés par le Saint-Siège, qui ont confirmé les revendications de l’évêque. Pierre reconnaît donc les privilèges et possessions de l’église de St Pierre de Nantes (siège de l’évêque) et promet des réparations pour tous les dommages qui auraient été occasionnés. En particulier, il reconnaît l’autorité de l’évêque sur les juifs de la ville.
Il y a peu de documents concernant les juifs de Nantes et de Bretagne de manière générale. Cette brève mention montre qu’il y avait en effet des juifs à Nantes en 1222 et qu’ils constituaient un nombre suffisamment important (numériquement ou financièrement) pour devenir un point de discorde entre le duc et l’évêque dans leur lutte pour la ville. De plus, Pierre accorde la même autorité sur les juifs à Etienne “quam antecessores sui habuerunt in eis”, « que ses prédécesseurs avaient sur eux », ce qui suggère qu’il y avait des juifs à Nantes avant qu’Etienne ne devienne évêque en 1213. Pierre semble avoir exercé de facto son autorité sur ces juifs depuis au moins 1217 et peut-être jusqu’en 1221 ou 1222, depuis que les juifs bénéficiaient du droit de quitter Nantes s’ils ne souhaitaient pas accepter l’autorité de l’évêque. Beaucoup de juifs de Nantes périrent probablement en 1236 dans les violences associées aux croisés (incluant les propres vassaux de Pierre, et peut-être Pierre lui-même) ; le fils de Pierre, le duc Jean le Roux, expulsa les juifs de Bretagne le 10 avril 1240, mais on ignore s’il y avait encore des juifs demeurant à Nantes à cette époque.
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254723, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254723/.