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Forun Conche[XXIX, 32]

Auteur

Alfonso VIII

Titre en français

Fuero de Cuenca

Titre descriptif

Témoinage des juifs dans les procés mixtes entre chrétien et juif

Type de texte

fuero

Texte

De testibus inter iudeum et xristianum Firme sint inter xristianum et iudeum xristianus et iudeus uicini, et testimonio istorum omnes res que negate fuerint, sint credite et manifeste. Quicumque firmare debuerit, firmet super pignora in duplo, aut super pedem suum secundum ius conchense. Si xristianus pedem suum miserit et uictus fuerit, iudex teneat eum captum in carcere regis donec pectet.

Langue

Latin

Source du texte original

R. Ureña y Smenjaud, Fuero de Cuenca (Madrid, 1935), 616

Datation

  • Entre 1190 et 1250
  • Précisions : Le Code de Cuenca est un des plus anciens codes municipaux européens. L'original du Fuero donné par Alphonse VIII n'a pas été préservé. La plus ancienne version de ce code est le manuscrit de la Bibliothèque de l'Escorial (MS.Q.III.23) utilisé dans l'édition critique d'Ureña , datée de la première moitié du XIIIe siècle. Aussi, ont été préservées autres copies du final du XIIIe siècle en latin et romance ainsi que de nombreuses copies faites pour les autres villes de l'Extrémadure Castillane, La Mancha et l'Andalousie avec quelques variations par rapport au texte original. Le code pourrait être donné a la ville de Cuenca par Alphonse VIII en 1189-1190, il est un synthèse de la politique royale combinant les traditions locales et islamiques frontalières.

Aire géographique

  • Royaume de Castille et León

Traduction française

Témoins d’un procès opposant juifs et chrétiens Les témoins d’un procès opposant juifs et chrétiens doivent être deux habitants – vicini –, l’un chrétien et l’autre juif, et tous les éléments qui seraient niés dans leur témoignage doivent être crus et avérés. Quiconque devra témoigner témoignera sur des garanties en double, ou bien sur son pied selon le Code de Cuenca. Si un chrétien a misé son pied et qu’il a été vaincu lors du procès, le juif le gardera enfermé dans la prison du roi jusqu’à ce qu’il paie.

Source traduction française

Claire Chauvin, M. Bueno

Résumé et contexte

La coexistence dans les villes de l’Espagne médiévale provoqua certains litiges entre juifs et chrétiens, il était donc important d’établir la procédure à appliquer. Les cours juives, Bet Din, avaient leur propres juges dans la Castille médiévale. Théoriquement, la juridiction de ces cours s’étendait sur tout le domaine de la loi juive, civile, criminelle et ecclésiastique, mais leur autorité effective était définie par une charte locale du roi séparément dans chaque aljama. Dans les cas concernant les procès mixtes, deux juges l’un chrétien et l’autre juif, devaient juger l’affaire, et des témoins des deux communautés pouvaient participer aussi au procès. Cette loi du Fuero de Cuenca traite de l’admission des plaignants dans les procès mixtes pour des litiges entre chrétiens et juifs. En conformité avec le Fuero, pour apporter des preuves, les plaignants peuvent être aidés de témoins aussi bien chrétiens que juifs. Les preuves apportées par les témoins avaient une valeur spéciale aussi bien pour la justice civile que criminelle. les témoins étaient essentielles pour déterminer l’innocence ou la culpabilité des défendants. Certains facteurs étaient requis pour témoigner lors des procès en Castille. Bona fides était requise de tous les témoins et était seulement reconnu pour les hommes adultes avec un haut niveau socio-économique et qui détenaient des positions sociales au sein de leur propre communauté. 1 Mais malgré le statut d’infériorité octroyé aux juifs lors du concile de Latran III (1179), en ce qui concerne ce sujet, fut établi l’égalité dans les relations entre juifs et chrétiens fut décrété et le témoignage d’un chrétien contre un juif et celui d’un juif contre un chrétien fut permis.

1 . S. Grayzel, The Church and the Jews in the XIIIth century (New York, The Jewish Theological Seminary of America, 1966), 54.

Signification historique

Les Fueros des cités les plus importantes, comme Cuenca, s’appliquaient également comme des normes pour les cités alentours, définissant les droits fondamentaux des habitants juifs. Le texte de la tradition de Cuenca – Teruel tend à promouvoir l’égalité concernant les aspects de procédure, aussi bien dans le choix de juges juifs et chrétiens par les parties en litige dans les procès mixtes (alcaide et albeldino), et la présence de témoins tant chrétiens que juifs afin d’examiner la plainte. Si l'on compare la législation du Fuero au système légal islamique malikite dans la Péninsule ibérique, nous observons que dans la loi islamique, on n'acceptait pas le témoignage d'un non-musulman contre un musulman. Dans les procès mixtes, les dhimmīs pouvaient prouver leur innocence grâce au témoignage d'un musulman ou en prêtant serment afin de se défendre eux-mêmes : dans ce cas la formule rituelle est discutée par différents juristes, mais fréquemment ils avaient coutume de jurer “au nom de Dieu”. 1 L’admission du témoin d’un juif contre un chrétien était influencée par les préjugés théologiques. En dépit de l'usage ancien qui classait les juifs et les sarrasins parmi les infidèles dont le témoignage contre les chrétiens en matière criminelle était invalide. 2, du statut d'infériorité appliqué aux juifs, le concile de Latran III (1179) traitant du sujet décréta l'établissement de l'égalité dans les relations et admit un témoignage chrétien contre des juifs et un témoignage juif contre des chrétien. Il n’y avait pas d’éléments dans le statut légal des juifs qui semblaient contrarier la doctrine de l’Eglise sur l’infériorité des juifs comme celui qui leur accordait certains privilèges dans les cours juridiques séculières. Comme Grayzel l’a remarqué : « Usage longtemps appliqué aux juifs, la pratique ensuite fut applicable à tous les groupes étrangers de la population, ce qui rendit un groupe de témoins mixtes nécessaires à toutes les affaires impliquant un juif et un chrétien »3

La validité du témoignage d’un témoin juif n’était pas toujours reconnue dans la législation castillane, i. e. comme une récompense pour le peuple de León qui avait apporté une aide spéciale dans la guerre, Alphonse VI décréta que le témoignage des juifs contre les chrétiens de León n’était pas recevable : « non firmet nullus iudaeus super nullum christianorum pro nulla causa »Letter of Alphonso VI, 1091, Y. Baer, A History of the Jews in Christian Spain ( Jewish Publication Society of America, 1961) II, 14. , pendant cette période le Forum Iudicum été en vigueur etablisant l'interdiction des témoignage de un chrétien contre un juif ainsi comme de un juif contre un chrétien. Mais cette interdiction de témoins juifs n’était effective dans les siècles qui suivirent comme le remarqua l’étude de Neuman 4. Les derniers fueros sur le sujet, comme celui de Cuenca tous ceux de son influence, équilibrent un témoin juif contre un témoin chrétien, mais ils n’excluent pas la validité de chacun des témoignages. En parallèle de la législation castillane, Jaime I déclara dans de nombreux fueros que les juifs et les chrétiens devraient être admis aussi bien dans les procès civils que criminels et que leurs témoignages combinés étaient essentiels pour établir le bien-fondé d’une plainte envers un juif comme un chrétien, par un plaignant de la foi opposée. Les privilèges de Jaime I demeurèrent la base d’un grand nombre d’usages et furent confirmés par les monarques qui lui succédèrent. 5 Cependant, ce fait ne peut être généralisé pour toutes les villes et les périodes de l’Espagne médiévale. Comme concession à ses sujets de Burgos, Alphonse X établit que le témoignage de deux chrétiens contre un juif était suffisant sans le support additionnel d’un témoin juif. 6 La possibilité de témoigner congre des chrétiens dans un procès était également interdite aux non-chrétiens dans les Partidas. C’est seulement lors des procès pour trahison contre le Roi que les non-chrétiens pouvaient témoigner (Partidas, Libro III, XVI, 8). Afin d’établir une structure comparative entre le rôle des témoins dans les communautés juive et musulmane sous la loi latine, il est important de souligner que les mudéjares pouvaient intervenir comme témoins dans les procès mixtes albeit avec certaines limitations, comme le montrent de nombreuses chartes de Castille, telles que les Fueros de Madrid (1202), Soria (1257) et Sepúlveda (1305).

1 . A. Oulddali, “Recevalité du témoignage du dimmī d’après les juristes mālikites d’Afrique du Nord”, M. Fierro and J. Tolan, The legal status of dimmīs in the Islamic West (Turhout, Brepols) 2013, 275-292.

2 . S.Grayzel, The Church and the Jews in the XIII th century ( New York,The Jewish Theological Seminary of America, 1966) 54.

3 . O. Stobbe, Die Juden in Deutschland während des Mittelalters (Leipzig, 1902), 151, 259-261.

4 . A. Neuman, The Jews in Spain, Their social, political and culture life during the Middle Ages, (Philadelphia, The Jewish Publication Society of America, 1942), I, 156.

5 . Y. Baer, A History of the Jews in Christian Spain , II, 79-80.

6 . Y. Baer, A History of the Jews in Christian Spain, II,79.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Le Fuero original donné par Alphonse VIII n'a pas été préservé. La plus ancienne version de ce code est le manuscrit de la Bibliothèque du Escorial (MS.Q.III.23) utilisé dans l'édition critique d'Ureña , datée de la première moitié du XIII siècle. Aussi, ont été trouvées autres copies des XIIIe et XIVe siècles: manuscrit de Paris Ms. 12927 (latin, la version originale), et les versions en roman du Codice Valentino (Ms.39 B. Université de Valence) et la version Conquense (XIV siècle, Archives municipales de Cuenca).

Editions

  • G.H. Allen, Forum Conche, (Cincinati,1909-1910).
  • R.Ureña y Smenjaud, El Fuero de Cuenca Formas primitiva y sistemática/texto latino, texto castellano y adpatacion del Fuero de Iznatoraf, (Madrid, 1935).

Traductions

  • J.F. Powers, The Code of Cuenca, (Pennsylvania, 2000),
  • A. Valmaña Vicente, El fuero de Cuenca, 2nd ed. (Cuenca ,1978).

Etudes

  • Y. Baer, A story of the Jews in Christian Spain, (Philadelphia, Publication Society of America, 1961), vol.II.
  • A. Oulddali, “Recevalité du témonaige du dimmī d’après les juristes mālikites d’Afrique du Nord”, M. Fierro and J. Tolan, The legal satus of dimmīs in the Islamic West (Turhout, Brepols)2013, 275-292.
  • O. Stobbe, Die Juden in Deutschland während des Mittelalters (Leipzig, 1902),
  • F. Suárez Bilbao, "La comunidad judía y los procedimientos judiciales en la baja Edad Media", Cuadernos de Historia del Derecho, 2, (1995), 99-132.

Mots-clés

justice ; procédure judiciaire ; Procés mixte entre juif et chrétien ; témoignage

Auteur de la notice

Marisa   Bueno

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  relecture

Comment citer cette notice

Notice n°254383, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254383/.

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