Réponses aux questions concernant les relations entre chrétiens et Sarrasins
Un chrétien ou une chrétienne peuvent-ils rester mariés à un époux apostat ?
Item, si alter coniugum labatur in heresym, utrum possit communicare uel cohabitare ei alter qui remanet in fide. Respondemus: potest, si uult, dummodo sine contumelia creatoris, etsi non pertrahit eum ad mortalem. Sed tutius est ut, auctoritate ecclesie, a tali cohabitatione recedat.
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/76/12/57/PDF/Penyafort.pdf
Également, si l'un des partenaires, au sein d'un couple marié, tombe dans l'hérésie, celui qui demeure dans la foi peut-il communiquer ou vivre avec lui ? Nous répondons : il le peut, s'il le souhaite, aussi longtemps qu'aucune insulte n'est proférée à l'égard du Créateur et si cela ne le conduit pas à commettre un péché mortel. Cependant, d'après l'autorité de l'Église, il est plus sûr pour lui de s'abstenir de ce genre de cohabitation.
L. Foschia
C’est l’une des questions que le ministre franciscain et le prieur dominicain résidant à Tunis ont posées au pape Grégoire IX. Cette question concerne le problème des mariages mixtes. Alors qu’il n’est pas légal pour une personne chrétienne d’épouser un non-chrétien, la question ici est de savoir ce qui arrive quand dans un mariage chrétien l’un des membres labatur in haeresim, tombe dans l’hérésie – en d’autres termes (dans ce contexte), se convertit à l’Islam (une fois encore, comme dans la section précédente l’islam est traité comme une hérésie). Gratien en faisait écho dans une législation ecclésiastique interdisant le mariage entre une personne chrétienne et un non-chrétien. Des exceptions existent déjà dans les cas de conversions : Causa 28 du Decretum traite du cas d’un infidèle mariéinfidelis qui se convertit au christianisme tandis que son époux resteinfidelis. Gratien affirme qu’il est permis à un nouveau chrétien de quitter son époux non-chrétien, mais également qu’il ou elle peut rester marié si il ou elle le souhaite. La distinction-clé ici est de savoir si les nouveaux chrétiens en couple peuvent rester mariés à un époux infidèle sans contumelia creatoris, « proférer une insulte à l’encontre du Créateur ». Cela est une référence directe au Decretum c28 q2 c2 : quand un époux non-chrétien déteste le christianisme, et se montre coupable d’insulter le Créateur, l’autre époux chrétien ne doit pas seulement se séparer de l’infidèle, mais également a le droit de se marier à nouveau. La Bible interdit le divorce ; la séparation ou l’annulation sont autorisées dans des cas spécifiques, incluant la consanguinité et l’adultère. Le Decretum affirme que contumelia creatoris est une sorte d’adultère spirituel, bien pire que celui d’ordre physique, et constitue donc un motif de séparation et d’annulation du mariage. Raymond et le pape appliquent le règlement de Gratien concernant la conversion et le mariage d’un converti au cas de couples mixtes dans lesquels un chrétien s’est converti à l’islam.
Comme dans leur réponse à la question précédente, ici Grégoire et Raymond montrent une volonté d’adapter les catégories de la loi canon à de nouvelles circonstances. En donnant à l’époux chrétien d’un apostat le choix entre la séparation ou la poursuite du mariage, ils cherchent également à éviter une réponse rigide qui pourrait contraindre un époux chrétien à apostasier à son tour, que ce soit en étant contraint de demeurer marié à un musulman, ou au contraire d’être obligé de choisir entre séparation et conversion. Les frères sont donc libres d’user de leur pouvoir discrétionnaire pour conseiller ces chrétiens selon les circonstances individuelles.
apostasie ; apostasie ; mariage
Laurence Foschia : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252842, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252842/.