Réponses aux questions concernant les relations entre chrétiens et Sarrasins
Les nourrices chrétiennes peuvent-elles faire baptiser les enfants musulmans ?
Item, quidam captiui christiani siue christiane conuersantur cum sarracenis habentibus infantulos . Querimus utrum possimus talibus christianis ut bapticent consulere furtiue eos infantulos, sine consensu et uoluntate siue conscientia parentum, sub spe quod taliter baptizati si decedant antequam atingant annos discretionis saluabuntur, licet presumatur de talibus uel de taliter baptizatis, quod cum annos discretionis attingerint, displicebit eis fuisse baptizatos, si eis constiterit de baptismo suscepto. Respondemus: baptizentur tales.
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/76/12/57/PDF/Penyafort.pdf
Également, certains prisonniers chrétiens, hommes ou femmes, vivent avec des Sarrasins qui ont des enfants en bas âge. Nous demandons si nous pouvons conseiller à ce genre de chrétiens de baptiser en secret ces enfants sans que les parents le sachent, le veulent ou l'approuvent, dans l'espoir que si certains de ces baptisés mouraient avant d'avoir atteint l'âge de raison ils puissent être sauvés. Car nous pouvons supposer que ceux qui ont été baptisés de cette façon, une fois parvenus à l'âge de raison, seraient mécontents s'ils devaient apprendre qu'ils ont été baptisés de la sorte. Nous répondons : qu'ils soient baptisés.
L. Foschia
La distinction entre « captif » et « esclave » est ténue dans le XIIIème siècle méditerranéen, et ici les frères font référence aux captifs qui prennent soin des enfants musulmans, ce qui est bien sûr une occupations des plus classiques pour des esclaves domestiques. Certains de ces esclaves chrétiens ont apparemment questionné les frères pour savoir s’ils pouvaient ou devaient secrètement baptiser les enfants sous leur garde. Selon la doctrine de l’Église, si ces enfants baptisés devaient mourir avant d’avoir atteint l’âge de raison (généralement l’âge de sept ans), ils iraient au Paradis. Le pape répond qu’ils doivent baptiser ces enfants.
Ces esclaves chrétiens semblent partagés entre le devoir envers leurs maîtres musulmans et leur affection pour ces enfants confiés à leur garde, qu’ils espèrent sauver par le biais d’un baptême clandestin. Une des questions en jeu ici est celle de la liberté de choix : alors qu’un enfant ne peut manifestement pas exercer un choix délibéré pour décider d’être ou non baptisé, dans les familles chrétiennes, ses parents, parrain et marraine décident pour lui lors d’une cérémonie publique. Ici, le baptême est clandestin, de toute évidence sans connaissance de cause, et contre la volonté des parents. Pour le pape, le gain (des âmes sauvées) l’emporte sur toute réserve légale ou morale.
Laurence Foschia : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252840, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252840/.