De la présence des musulmans dans les fêtes religieuses célébrées par les Gens du Livre
Est-il permis au musulman de se rendre aux fêtes des non-musulmans pour vendre ses marchandises?
من العتبية من السماع ابن القاسم: سئل مالك عن أعياد الكتابيّين يحمل إليها المسلمون المتاع والثياب وغيرها للبيع، قال: لا بأس بذلك
Abī Zayd al-Qayrawānī, Al-Nawādir wa-al-ziyādāt ‘alā al-Mudawwana min ghayrihā min al-ummahāt, ‘Abd al-Fattāḥ M. Ḥulw, ed. ( Beyrouth, 1999), vol. 3, 383.
Ceci provient d’al-ʿUtbiya d’après l’audition d’Ibn al-Qāsim : « Mālik a été interrogé au sujet des musulmans qui se rendent aux fêtes des gens du Livre pour y vendre des marchandises (matāʿ), des vêtements et d’autres choses. Il (Mālik) a répondu : “il n’y a pas de mal à cela.” »
A. Oulddali
L’opinion juridique de Mālik b. Anas (m. 179/795) rapportée par Abī Zayd al-Qayrawānī provient de la compilation juridique (connue sous le titre de al-‘Utbīya) du juriste andalous Muḥammad b. Aḥmad al-‘Utbī (m. 255/869). Al-‘Utbī rapporte de son professeur l’égyptien Ibn al-Qāsim (m. 191/806), et ce dernier rapporte de son maître Mālik. Selon celui-ci, il est permis aux musulmans de se rendre aux fêtes religieuses des gens du Livre qui sont essentiellement les juifs et les chrétiens, pour des raisons commerciales. La participation de musulmans à des festivités non-musulmanes est strictement interdite selon la loi islamique. À ce propos, l’exception admise par Mālik est assez intéressante, compte tenu des opinions strictes que celui-ci défend habituellement et dans lesquelles il s’oppose à toute sorte d’intimité entre les musulmans et les non-musulmans. Cependant, l’exception ici concédée est liée à la promotion de l’activité commerciale des musulmans plutôt qu’à la volonté d’autoriser la participation aux fêtes non-musulmanes.
Dès le début de l’islam, les juristes musulmans ont introduit des règles strictes afin de maintenir séparés les musulmans et les populations non-musulmanes des territoires conquis. La principale préoccupation des juristes était d’éviter tout type d’innovations qui pourraient être adoptées par les musulmans, à cause de leur interaction avec les non-musulmans, et qui en conséquence pourraient corrompre leur croyance. Les avertissements concernant la corruption de la croyance par les chrétiens et les juifs étaient évidents dans les versets coraniques et dans les traditions prophétiques. En conséquence, l’acculturation, les mariages inter-religieux, et les échanges avec les non-musulmans posaient d’importants problèmes pour les juristes musulmans qui essayaient d’établir les limites de contact entre les musulmans et les non-musulmans. Une des préoccupations des juristes musulmans dans ce domaine était la participation de musulmans aux fêtes religieuses des non-musulmans. Les communautés non-musulmanes vivant sous la loi islamique avaient pleine liberté pour pratiquer leurs religion et traditions, aussi bien que de célébrer leurs jours sains et fêtes communales ; et il n’était pas rare pour certains musulmans de participer à ces festivités et de recevoir des cadeaux des non-musulmans, ce qui étaient fortement condamnés par les juristes musulmans. Par exemple, lorsque l’on parla au juriste nord-africain Abū Zakarīyā Yaḥyā b. Sulaymān (m. 238/852) d’un imām qui célébrait les fêtes chrétiennes, il répondait que cet imam ne devrait plus être considéré comme un musulman. Le juriste andalous et célèbre rapporteur du Muwaṭṭa’ de Mālik, Yaḥyā b. Yaḥyā al-Laythī (m. 234/848), condamnait le fait de donner des cadeaux lors des fêtes chrétiennes ou de participer de quelque manière que ce soit aux festivités célébrées par les non-musulmans. Saḥnūn b. Sa‘īd (m. 240/854) désapprouvait le fait que des musulmans mangent les plats que les chrétiens préparaient pour la naissance de Jésus (Noel, al-mīlād). Un contemporain d’Abī Zayd al-Qayrawānī, Abū al-Ḥasan al-Qābīsī (m. 403/1012), condamnait également le fait que des musulmans prennent part aux fêtes des infidèles. D’un autre côté, les échanges entre les musulmans et les non-musulmans dans la sphère du commerce étaient permis selon la loi islamique, et ils étaient assez fréquente dans les marchés. Bien que la célébration des fêtes non-musulmanes ait été fortement désapprouvée par les juristes, Mālik permettait aux musulmans de se rendre à ces fêtes, mais seulement afin d’y vendre leurs marchandises.
commerce ; fête ; fête chrétienne ; fête juive
Ahmed Oulddali : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252783, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252783/.