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De nupciis Judeorum

Auteur

Richard of Swinfield

Titre en français

Au sujet d'un mariage juif

Texte

Ricardus, etc., dilecto in Christo filio, cancellario Herefordensi, vices decani ejusdem ecclesie gerenti, etc. Quot et quantis sit plena dispendiis et periculis Christianorum et eciam magistra rerum efficax experiencia manifestat, quos propria culpa perpetue servituti dampnatos licet pietas Christiana receptet et sustineat pacienter, ipsis tamen Christianis pro gracia contumeliam et pro familiaritate contemptum reddere non verentur, et, quod dictu horrendum est, multipliciter ipsis illudere, et in Creatoris sui contumeliam prosilire presumunt. Sane ex frequenti relacione recepimus quod quidam Judei, hac instanti die Mercurii proxima post festum beati Bartholomei, apostoli, in civitate Herefordia quedam nupcialia communia secundum ritum suum detestabilem prepararunt, ad que nonnullos Christianorum non solum occulte sed palam et solempniter invitaverunt, ut sic fidei Christiane, cujus hostes gratis existunt, detrahere valeant et sinistra simplicibus predicare, ex quorum tam solempni conversacione adinvicem non est dubium posse scandalum generari. Cum igitur illius dissimulare opprobrium non debemus qui de summis celorum ad yma mundi descendens, et tandem mortem subiens temporalem, probra nostra delevit, vobis mandamus in virtute obediencie firmiter injungentes quatinus per omnes ecclesias civitatis predicte, sub pena districcionis canonice, hac instanti die Martis et ipsa die Mercurii, faciatis publice inhiberi ne quis Christianorum hujusmodi conviviis cum Judeis interesse presumat. Et ne aliquos per ignoranciam hujus mandati contigat errare, quod absit, hoc idem per vicos civitatis ejusdem faciatis, eo modo quo melius convenit publicari, contravenientes vel huic nostro mandato rebelles, si qui fuerint, per censuram ecclesiasticam compescendo. Valete. Datum apud Bosebury, vij ka. Septembris, etc.

Langue

Latin

Source du texte original

Registrum Ricardi de Swinfield, Episcopi Herefordensis, A.D. MCCLXXXIII.-MCCCXVII (Episcopal Registers of Richard de Swinfield), transcribed and edited by W. Capes, Canterbury and York Society, 6 (1909): 120–1.

Datation

  • Date fixe : 26/08/1286

Aire géographique

Traduction française

Richard, etc., à son fils bien-aimé dans le Christ, chancelier d’Hereford, vice-doyen chargé de la même église, etc. Combien de pertes et combien de dangers pour les chrétiens [recèle la fréquentation des juifs], non seulement la loi en est pleine, mais l’expérience se montre aussi riche d’enseignements. Il est permis que la piété chrétienne accueille et nourrisse patiemment ceux condamnés à la servitude perpétuelle du fait de leur propre faute, cependant à ces mêmes chrétiens, ils n’ont pas honte de rendre l’outrage pour la grâce le mépris pour la familiarité, et, ce qui est horrible à dire, ils se jouent souvent de ces derniers, et ils osent cracher leur outrage à leur Créateur. Nous avons assurément appris, de témoignages répétés, que certains juifs, ce présent mercredi, après la fête de l’apôtre Barthélemy, 1 dans la ville d’Hereford, préparaient des noces communes selon leur rite détestable, auxquelles quelques chrétiens, non seulement de manière dissimulée, mais aussi ouvertement et solennellement ont été invités, et qu’ainsi ils cherchent à les détourner de la foi chrétienne, dont ils sont injustement les ennemis, et à prêcher de mauvais enseignements aux naïfs, et on ne peut douter qu’un grand scandale naîtrait de leurs conversations solennelles. Comme donc nous ne devons pas dissimuler la honte de Celui qui, descendant dans les profondeurs du monde depuis le sommet des cieux, et cependant subissant la mort sur terre, effaça notre péché, nous vous ordonnons que, en vertu de l’obéissance, vous appliquiez fermement cela, à savoir qu’à travers toutes les églises de la ville susdite, sous peine de châtiment canonique, ce présent mardi et le jour-même, le mercredi, vous fassiez publiquement interdire aux chrétiens d’assister de quelque façon que ce soit à ce mariage entre juifs. Et afin qu’il n’arrive à personne de pécher par ignorance de ce mandat, que cela puisse ne pas advenir !, nous vous ordonnons de faire de même dans les rues de la ville, de telle sorte qu’il se trouve la meilleure publication, en réprimant les contrevenants qui se rebellent contre notre mandat, s’il s’en trouve, d’une censure ecclésiastique. Portez-vous bien. Fait à Bosbury, le septième jour avant les calendes de Septembre, etc.

1 . (en 1286, la fête de Saint Barthélemy, le 24 août, tombait un samedi ; le mercredi suivant, jour des noces, devait être le 28 août)

Source traduction française

C. Chauvin

Résumé et contexte

Les lois romaines et canoniques ont fréquemment interdit aux chrétiens de partager leur nourriture avec les juifs : à la fois parce que les juifs refusaient la nourriture des chrétiens et parce que partager sa nourriture pouvaient potentiellement amener une dangereuse fraternisation, menant possiblement à des relations sexuelles interconfessionnelles et à l’apostasie. Richard Swinfield, évêque de Hereford, est donc tout à fait dans la tradition des lois canoniques quand il interdit aux chrétiens d’assister à un mariage juif. Il présente les juifs comme des blasphémateurs qui «crachent des insultes à leur Créateur », et (dans la tradition des papes comme Innocent III) comme des ingrats qui auraient dû accepter humblement leur statut de servitude éternelle, mais qui au contraire trompent les chrétiens. L’évêque veut clairement tuer cela dans l’œuf, car il ordonne à son chancelier de publier cette interdiction non seulement dans les églises mais également dans les rues de la ville. Étant donné qu’il envoie ses ordres depuis sa résidence à Bosbury (23 kms à l’est de Hereford) deux jours avant le mariage (de fait, les festivités commenceront la nuit du mardi 27), le temps lui est compté. Alors que l’évêque n’indique pas le nom du jeune marié, Joe Hillaby (p. 463-4) a spéculé sur le fait que le seul juif de Hereford disposant d’une prééminence sociale suffisamment importante pour organiser pareille fête de mariage était Aaron le Blund, qui dirigeait la communauté juive de Hereford, et le futur marié pouvait bien être son petit-fils Bonenfaunt.

Signification historique

L’évaluation sévère de l’évêque sur les juifs n’est clairement pas partagée par un nombre significatif de ses ouailles, qui se préparent (il le craint) à assister à ce mariage juif. Ce qui le choque le plus, à ce qu’il semble, c’est le caractère ouvert de l’invitation, car ni les juifs ni les chrétiens ne semblent avoir le moindre besoin de dissimuler ce qui est pour l’évêque une dangereuse fraternisation. La menace d’une censure ecclésiastique ne dissuadera pas les chrétiens de Hereford de se rendre au mariage (voir le commentaire sur le texte de Swinfield Contra accedentes ad eas).

Textes apparentés inclus dans le corpus

Etudes

  • J. Hillaby, "The Hereford Jewry, 1179-1290 (third and final part): Aaron le Blund and the last decades of the Hereford Jewry, 1253-90",Transactions of the Woolhope Naturalists' Field Club 46 (1990), 432-87

Mots-clés

banquet ; commensalité ; mariage

Auteur de la notice

John   Tolan

Collaborateurs de la notice

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°252629, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252629/.

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