Les chrétiens sont-ils autorisés à intégrer les marchés (des musulmans) ?
Sur la question du commerce entre les chrétiens et les musulmans
فال سحنون: ويمنعوا من السوق، وكذلك من لا يبصر البيع من المسلمين ، يريد: لا يعلم ولا يتوقف عن الأمور البينة من فساد البيوع
Abī Zayd al-Qayrawānī, Al-Nawādir wa-al-ziyādāt ‘alā al-Mudawwana min ghayrihā min al-ummahāt, ‘Abd al-Fattāḥ M. Ḥulw, ed. ( Beyrouth, 1999), vol. 8, 246.
Saḥnūn a dit : « Ils [les chrétiens] sont empêchés d'entrer au marché. Il en va de même pour celui qui ne sait pas commercer avec les musulmans. » Il veut dire par là : celui qui ne connaît pas et (ou) ne s’interdit pas les pratiques clairement prohibées dans les ventes.
A. Oulddali
Le juriste nord africain de l’école mālikite Saḥnūn b. Saʿīd (m. 240/855) affirme qu'il ne faut pas permettre aux chrétiens d’être présents dans les marchés musulmans. Cette opinion est comparable à une tradition attribuée à ʿUmar b. Khaṭṭāb (m. 23/644) selon laquelle la présence des juifs dans les marchés musulmans est interdite. Cependant, Abī Zayd al-Qayrawānī (m. 386/996) commente les propos de Saḥnūn et considère que ceux à qui se réfère Saḥnūn dans cette déclaration sont ces chrétiens qui ne connaissent pas ou ne respectent pas les règles du droit musulman relatives aux commerce et aux contrats de vente. Bien que cela soit mal perçu par Mālik b. Anas (d. 179/795) ainsi que par la majorité de ses partisans, il n’y a pas de prohibition des échanges avec les non-musulmans. Tant que chrétiens et musulmans ne font pas de transactions interdites, leurs engagements commerciaux réciproques ne sont pas interdits.
En dehors des circonstances politiques et militaires, le commerce était un élément important d’interaction entre les musulmans et les non-musulmans au moyen age. De nombreuses traditions du Prophète décrivent son engagement dans le commerce avec les non-musulmans. C’est pourquoi, en principe il n’y avait pas d’interdiction des échanges avec les non-musulmans. Cependant, les interactions commerciales et les partenariats commerciaux entre musulmans et non-musulmans étaient mal vues en raison des marchandises interdites et des pratiques contraires à la loi musulmane, communes parmi les non-musulmans, telles que le vin, le porc et l’usure. Les interactions commerciales dans lesquelles un musulman pourrait être inférieur à un non-musulman étaient également limitées selon la loi islamique. Mālik (m. 179/795) acceptait mal la présence de marchands et d’agents de change non-musulmans dans les marchés musulmans du fait de leur pratique de l’usure. De même, il désapprouvait les engagements des non-musulmans dans les échanges avec les musulmans et les prêts ou emprunts d’argent des musulmans aux chrétiens. Cependant, il n’interdit pas ces activités. Les musulmans avaient également le droit de louer des maisons et des magasins aux chrétiens, à la condition qu’ils n’y achètent ou n’y vendent pas de produits interdits par la loi islamique, et qu’ils n’établissent pas d’églises dans les propriétés louées.
chrétiens ; commerce ; marchand ; marché
Ahmed Oulddali : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252610, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252610/.