Fuero de Cuenca
Franchises des colonisateurs, maures, chrétiens, et juifs
I.X. De prerrogativa populatorum Omnibus etiam populatoribus hanc prerogatiuam concedo, quod quicumque ad Concham uenerit populari, cuiuscumque sit condicionis, id est, siue sit xristianus, siue maurus, siue iudeus, siue liber, siue seruus, ueniat secure et non respondeat pro inimicia, uel debito, aut fideissura, uel herencia uel maiordomia, uel merindatico, neque pro alia causa, quamqumque fecerit antequam Concha caperetur . Et si ille qui inimicus fuerit antequam concha caperetur suum inuenerit,det uterque fideiussores de saluo ad forum conche, ut sint in pace. Et qui fideiussores dare noluerit, exeat ab urbe adque ad termino suo.
Fuero de Cuenca, éd. R. Ureña y Smenjaud, Madrid, 1935, (Forma sistematica), 120.
I.X. Franchises des colonisateurs, A tous les colonisateurs de Cuenca, je vous donne également cette prérogative : quiconque peut venir vivre à Cuenca, quelle que soit sa condition, chrétien, maure ou juif, libre ou servile, il peut habiter en toute sécurité. Personne n'a à répondre de l’hostilité, de la dette, de l’obligation fiduciaire, de l’héritage, de la mayordomia, du merindadico 1 ou de toute autre chose réalisée avant la conquête de Cuenca. Mais quiconque avait un ennemi auparavant, s’il le rencontre à Cuenca, les deux parties doivent désigner des garants selon le code de Cuenca, de sorte qu'ils restent en paix. Celui qui ne veut pas désigner un garant doit quitter la ville et son domaine.
1 . Les impôts spéciaux versés aux fonctionnaires royaux connus comme le mayordomo et le merinus
M.Bueno
Maures, chrétiens et juifs, libres et serfs étaient appelés pour peupler la ville de Cuenca, et toutes leurs fautes étaient pardonnées. De même ils recevaient un statut privilégié d'exonération fiscale.
Le type de franchises et de libertés établi par cette disposition était caractéristique d'un contexte d'expansion guerrière dans une région frontalière.
Un droit local aux caractéristiques spéciales fut développé pendant la seconde moitié du XII et pendant le XIII siècle. Le droit Cuenca-Teruel a été étendu aux territoires frontaliers de Castille et à quelques uns d’Aragon.
Cette famille de fueros a comme caractéristique commune d'offrir des garanties identiques en ce qui concerne la sécurité aux colons de ces villes, chrétiens, juifs, ou musulmans. C'est un droit qui proclame l’égalité de tous les résidents de la ville sans considérer leur condition sociale ou religieuse ou leur origine. Mais cette loi proclame une liberté théorique dans la mesure où la participation au gouvernement de la ville été réservée aux chrétiens. De même en ce qui concerne les délits de violence physique, le statut des juifs et musulmans était défavorable.
La conquête définitive de la ville par les chrétiens et la nécessité de consolider la frontière a exigé que le roi donne des privilèges aux colons qui ont choisi de s’installer sur la zone frontalière. Ces privilèges font référence principalement à l'exemption du paiement de certaines taxes, à l'égalité de tous devant la loi et au pardon impératif des crimes que les résidents auraient commis avant de venir à Cuenca.
Cette prérogative de la loi de Cuenca apparaît dans toutes ses lois dérivées, Alcaraz, Alarcón, Alcazar, Úbeda, Baeza, Sepúlveda 1 dans certains cas avec des modifications comme celui de Sepúlveda, qui interdit aux Juifs toute propriété personnelle 2. Tous ces codes dérivés du Fuero de Cuenca proviennent d’une édition en latin médiéval (roman) qui comprend les Francs comme faisant partie des nouveaux colonisateurs, alors qu’ils n'apparaissent pas dans la version latine plus ancienne. Maures, Chrétiens et Juifs sont reconnus comme colonisateurs avec égales franchises, indépendamment de leur religion ou de leur statut juridique, esclave ou libre. Cette reconnaissance se fonde sur une politique pragmatique associée à l’attraction des colons pour la ville conquise. En plus d’établir l'égalité entre tous les colonisateurs, Le Fuero de Cuenca établit la distinction entre les chrétiens, les musulmans et les juifs. Les Juifs vivaient en liberté, dédiés à de multiples métiers et activités commerciales dans le cadre d'une communauté sous la protection spéciale du roi qui n'est pas considéré comme ennemi. Les juifs soumis au souverain 3 apparaissent non seulement dans la famille de Fuero de Cuenca mais dans toutes les traditions hispaniques comme la famille de Fuero de Léon, particulièrement dans les Fueros de Béjar, Salamanca et Ledesma, ainsi que dans les Fueros de Castilla et dans toute la législation royale du XIIIe siècle, Partidas VII.. Les Juifs occupaient les territoires hispaniques depuis l'Antiquité, et étaient nécessaires au repeuplement des villages après la « reconquête ». Selon Baer cette égalité apparente entre les juifs et les chrétiens s'applique aux questions économiques régies par le droit civil, alors que la plupart des différences apparaissent dans les questions de juridiction criminelle. L'égalité politique et l'égalité sociale ne sont pas toujours associées4 Les musulmans ont été assimilés aux chrétiens et aux juifs, et toutes leurs infractions et obligations existantes avant de vivre à Cuenca ont été oubliées. Mais cette liberté et cette égalité dans le développement du texte juridique, sont tempérées. Les limites sont construites et exprimées par un statut juridique différent pour les maures libres et pour les serfs.
1 . Fuero de Alcaraz , titre 12, Fuero de Alarcon , titre 10, I, Fuero de Ubeda, titre 2, 256, Fuero de Baeza, Titre 11
2 . Fuero de Sepulveda, Titulo XII, ed. R. Gibert, Los Fueros de Sepulveda, Segovia, 1953
3 . M. Kriegel, Les juifs a la fin de Moyen Age dans l’Europe Mediterranée, Paris, 1979, 13
4 . Y . Baer, A History of the Jews in Christian Spain, 2 vols, Baltimore, 1961, 87.
Claire Chauvin : relecture
Notice n°252458, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252458/.