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תקנות קנדיאה[E. Artom and U. Cassuto, eds., Taqqanot Qandiya ve-Zikhronoteha (Jerusalem, 1943).]

Auteur

Elijah Capsali et al.

Titre en français

Taqqanot Qandiya (Les ordonnances de Candia)

Titre descriptif

Ordonnance : on ne doit pas dénoncer ses amis à des gentils violents

Type de texte

Taqqana

Texte

גדר שלא ימסור אדם את חבירו בידי הגוים אלמים עת לעשות לי''י בראותי כי עבירה גוררת עבירה והיה כאשר יריב איש את רעיהו יביא לעזרתו אלמים אשר לא מבני ישראל המה ימסור חברו בידם אשר לא כדת תורתנו הקדושה ולא כנימוס השררה י''ק וגורם קלקולים רבים לכן הנני גוזר בכח תורתנו הקדושה ובהסכמת לומדי הקהלה וגדוליה ויתר כל הקהל אשר קבלו עליהם לבל יוסיף עוד שום אחד מבני ישראל היושבים פה ואשר ימצאו פה איש או אשה לעשות כדבר הרע הזה בשום אופן ואשר חס ושלום יעשה כזה אשר לא כדת מעכשיו יהיה מנודה ומוחרם ויהיה מובדל מקהל ישראל והוא מכלל המסורות ולא יהיה רשאי שום אחד להתיר לו נדויו אם לא ישוב מחטאו ויקבל לבל יעשה עוד ואז לומדי הקהלה הקדושה יעיינו בדינו ויתירו לו אם יראה להם ואף על פי שחרפה היא לנו לעשות תקנה בזה הכל לפי העת והעובר על דברינו אלה ישכנו נח''ש והשומע ישכון לבטח נאם אליא דלמדיגו בו לא''א מהר''ר משה דלמדיגו זלה''ה

Langue

Hébreu

Source du texte original

E. Artom and U. Cassuto, eds., Taqqanot Qandiya ve-Zikhronoteha (Jerusalem, 1943), no. 68, pages 69-70.

Datation

  • Entre 1450 et 1500
  • 15ème siècle
  • Précisions : La datation de cette ordonnance est difficile parce qu'aucune date interne n'est donnée et que l'identité de l'auteur n'est pas entièrement sûre. Cette ordonnance est probablement née à la fin du XVe siècle puisqu'elle a été rangée par l'éditeur du XVIe siècle du texte, Elijah Capsali, parmi d'autres ordonnances de la fin du XVe siècle. De plus, il est hautement probable que cet Elijah b. Moses Delmedigo est la même personne que le célèbre philosophe et professeur de l'hébraïsant chrétien Pic de la Mirandole, Elijah b. Moses Delmedigo qui vécut entre 1460 et 1497 environ.

Aire géographique

  • Crète
  • Candia (moderne Iraklion), Crète

Traduction française

Ordonnance : on n'est pas autorisé à dénoncer son coreligionnaire aux gentils brutaux. Il est temps que l'Éternel opère (Psaumes 119 :126) quand j’ai vu que le péché entraîne le péché. Quand un homme se dispute avec son coreligionnaire, il profite du soutien des brutaux qui ne sont pas des enfants d'Israël. Il dénonce auprès d'eux son coreligionnaire — ce qui ne se conforme pas aux lois de notre Sainte Torah ni aux usages des autorités [de Venise], que Dieu fasse grandir leur force [lit : Que Dieu lève leur corne], et mène à plusieurs désastres. Je décrète donc, avec le pouvoir de notre Sainte Torah et avec l’accord des hommes instruits et des grands hommes de la communauté ainsi que le reste de la communauté qui acceptent que personne parmi les enfants d'Israël qui habitent là et qui se seront installés là, que ni l’homme, ni la femme ne fassent cette chose exécrable. Celui qui le fera, que Dieu nous en préserve, ce qui est désormais illicite, sera excommunié, banni et exclu de la communauté d'Israël. Il sera considéré comme tous les dénonciateurs et personne ne sera autorisé à le dégager de l’ostracisme à moins qu'il ne se repente de son péché et qu'il prenne sur lui de ne plus le faire. Ensuite les hommes instruits de la sainte communauté examineront son jugement et ils le dégageront si cela leur semble correct. S’il est honteux pour nous de donner un tel ordre, cela répond aux besoins du temps. Qu’un serpent morde celui qui viole nos ordonnances (Ecclésiaste 10:8) et que celui qui nous écoute puisse dormir tranquille (paraphrase de Proverbes 1:23). Ainsi parle Elijah Delmedigo, fils de mon Maître, mon père, mon grand professeur et rabbin Rabbi Moses Delmedigo, on se souviendra de lui pour la vie dans le monde à venir [Il est à noter que les platitudes autour du nom du père de l’auteur sont des lieux communs et dans la littérature hébraïque elles sont indiquées par des abréviations].

Source traduction française

Nadezda Koryakina

Résumé et contexte

La Crète à l'époque vénitienne hébergeait une communauté juive significative d'origine gréco-byzantine et de nombreux immigrants juifs venus de la Méditerranée et d'Allemagne. À partir de 1228, les responsables de la communauté promulguèrent des ordonnances qu'ils considéraient comme nécessaires pour maintenir les standards de la communauté sur les plans moral, religieux et social. Ce texte constitue l'une de ces ordonnances qui, collectivement, forment l'ouvrage connu sous le nom de Taqqanot Qandiya. Cette ordonnance interdit le comportement nommé "mesirah", c'est-à-dire l'action de dénoncer le comportement d'un juif (qu'il soit ou non illégal) à un non-juif ou à une autorité non-juive. Non propre à la communauté juive de Candia, le principe bien accepté du "mesirah" est parfois la contraction ou la limitation d'un principe parallèle connu comme "dinah de-malkhutah dinah" (litt. "la loi de la terre, c'est la loi") qui demande aux juifs de respecter la loi séculière lorsqu'elle n'est pas en contradiction avec la loi juive, notamment dans les domaines concernant les impôts. 1 L'exemple qui pose difficulté dans cette ordonnance semble concerner le cas dans lequel un juif dénonce son coreligionnaire juif non pas au gouvernement vénitien mais à un gentil à titre individuel dont la disposition violente met en danger le juif victime de dénonciation.

1 . Un exposé précis sur "dinah de-malkhutah dinah" figure dans le code de lois de la fin du XVIe siècle de Caro, Shulchan Aruch, Choshen Mishpat 369:8. On trouvera de plus amples explications sur son développement dans le contexte médiéval chez Lorberbaum

Signification historique

Comme dans de nombreuses ordonnances des Taqqanot Qandiya, nous voyons qu'une distinction est faite entre les relations existant entre les juifs et le gouvernement vénitien (presque toujours positives) et les relations entre les juifs et leurs voisins chrétiens (presque toujours négatives). Les données tirées des archives suggèrent que juifs et chrétiens étaient engagés dans des affaires et des arrangements productifs, des relations personnelles positives et même parfois des relations sentimentales. 1 Néanmoins, la position officielle des leaders juifs issus de l'élite est sans aucun doute faite de suspicion et de crainte envers leurs voisins chrétiens. Pourtant, et il est important de le noter, dans cette ordonnance nous sommes aussi les témoins d'une division entre la crainte théorique qu'inspirent les chrétiens et une réalité admise — qu'il est exceptionnellement commun pour les juifs de Candia d'amener avec eux un allié chrétien en cas de conflit avec un juif (qu'il s'agisse d'une question d'argent ou d'un autre sujet, cela n'est pas clair). Car malgré la honte inhérente à l'admission de tels comportements dans la communauté candiote, Delmedigo décide que le caractère fréquent de cette pratique le pousse à publier cette ordonnance et à décrire de manière très détaillée et très précise le genre d'excommunication socio-religieuse que devait engendrer un tel comportement. On ignore si ce gentil-là était en quelque façon lié avec l'autorité judiciaire coloniale vénitienne présente en Crète vers laquelle se tournaient couramment les juifs lorsqu'ils étaient en conflit avec d'autres juifs pour des questions d'argent ; ou bien si le gentil "brutal" est un ami du juif qui fait appel à un gentil pour l'aider à obliger son adversaire à rembourser une dette. Sur ce plan-là, cette ordonnance n'est pas claire parce que nous ne sommes pas sûrs qu'elle critique l'usage que faisaient les juifs des cours séculières ou bien qu'elle soit liée aux relations entre les juifs, à titre privé, et les chrétiens. Cette ordonnance porte peut-être sur l'usage de "mesirah" comme moyen pour obliger un juif à rembourser une dette, étant donné que le prêt était un des mécanismes d'interaction les plus courants entre juifs et chrétiens en Crète.

1 . Voir, par exemple, D. Jacoby, “Jews and Christians in Venetian Crete"

Manuscrits

  • Jérusalem - The National Library of Israel Ms. Heb. 28°7203

Etudes

  • D.Jacoby, “Jews and Christians in Venetian Crete: Segregation, Interaction, and Conflict”, in U. Israel, R. Jutte, and R. Mueller, eds. “Interstizi”: Culture ebraico-cristiane a Venezia e nei suoi domini dal Medioevo all’Età Moderna (Rome, 2010), 243-279.
  • M.Lorberbaum, Politics and the Limits of Law: Secularizing the Political in Medieval Jewish Thought (Stanford, 2001).

Mots-clés

autonomie communautaire ; communauté ; dette ; droit juif ; délation ; excommunication ; gentil ; Halakha ; humiliation ; Juifs/Judaïsme ; Trahison ; violence

Auteur de la notice

Rena   Lauer

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Nadezda   Koryakina  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°252259, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252259/.

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