Constitutions de la III Cour de Barcelone convoquée par le seigneur roi Jacques II
Interdiction d'insulter les convertis du judaisme ou du paganisme au christianisme
constitution et interprétation
Statuimus insuper imperpetuum et firmiter sub pena peccuniaria, arbitrio iudicis infligenda, prohibemus ne alicui de iudaysmo vel paganismo ad fidem nostram catholicam converso presumat aliquis, cuiuscumque condicionis sit, impproperare condicionem suam dicendo vel vocando eum renegat vel tornadis, vel consimile verbum.
Real Academia de la Historia, Cortes delos antiguos reinos de Aragón y de Valencia y principado de Cataluña, t. I, p. 1 (Madrid: Est. Tip. de la Viuda e Hijos de Manuel Tello, 1896), 218
De même, nous décrétons à perpétuité et interdisons fermement sous peine d'amende imposée à la discrétion du juge, qu'aucun n'ose insulter avec sa condition tout converti du judaïsme ou du paganisme à notre foi catholique, en disant ou en l'appelant renégat ou déserteur ou un mot similaire.
J. X. Muntané Santiveri
Pendant le concile ecclésiastique de Lérida de mars de 1243, Jacques I, qui alors se trouvait dans l’étape finale de la conquête du royaume de Valence, promulgua un statut général qui représenta le début de l’offensive missionnaire contre les juifs et musulmans de ses terres. En effet, il y poursuivit le favorem et aucmentacionem Christiane fidei à travers la conversion de ces infidèles, ce qui fut confirmé par le pape Innocence IV avec une bulle adressée à l’archevêque de Tarragone et qui fut insérée aussi dans l’édition des Constitucions de Catalunya de 1495 (fol. 1v-2r). Il a été suggéré que la main de l’ex général dominicain catalan frère Raymond de Penyafort soit derrière la rédaction de ce statut 1 qui, de manière réaliste et pragmatique, structure le programme de conversion au christianisme en seulement trois points.
1 . J. Cohen, The Friars and the Jews, 106.
Le second point du programme approuvé en 1243 pour convertir les juifs et les Sarrasins à la foi chrétienne – que nous reproduisons ici tel qu'il se trouve dans la constitution de confirmation de la Cour générale de Barcelone de 1311– voulait éviter que l’appréciation sociale des convertis ne se dégradât suite à l’utilisation de noms et d'étiquettes, clairement péjoratifs, relatifs à leur condition de néophytes. 1 L’apostasie d’un membre de la communauté juive était un fait qui altérait l’équilibre fragile de l’aljama à différents niveaux (familial, fiscal, de travail, religieux, etc.) dont la répercussion pouvait inciter –et il y a des lois qui précisément interdisent ces réactions– les plus fanatiques et prosélytes soit à ramener les convertis à leur foi d’origine soit à les bafouer physiquement ou moralement. 2 Les insultes se trouvent parmi cette deuxième catégorie. Malgré le fait que le statut de Jacques I ne spécifie pas l’auteur des mots injurieux (ce pouvait être un juif comme un chrétien : cuiuscumque condicionis) 3], nous avons des divers cas où ce sont les juifs qui les profèrent contre leurs anciens coreligionnaires : comme à Lérida (2e moitié du XIIIe siècle), un homme qui soutenait que le mot hébraïque avec lequel il avait été insulté, meshummad, équivalait à renégat– ce qui a eu des conséquences pécuniaires–, 4 ou comme dans le cas du maître Jean d’Osca qui fut bénéficiaire d’une lettre de l’infant Alfons (1320) où ce dernier, en plus d’ordonner aux officiers royaux d’obliger les juifs et les Sarrasins à écouter les prédications de Jean d'Osca, ils devaient le protéger et éviter que pendant son activité de missionnaire quelqu’un l’insultât : mandamus quatinus predictum magistrum Johannem et conversos adherentes eidem ipsiusque familiam et personas ac bona eorum manutenentes et deffendentes in jure ac benigne recipientes et tractantes eosdem, non permitatis oes ab aliquo in persona vel bonis offendi, injuriari, agravari vel eis aliquod dampnum vel malum seu violenciam irrogari, nec eis in modum contumelie sive blasfemie dici ab aliquo vel proferri verba injurie vel opprobi, sicut « abnegati », « tornadicii » vel similia . 5. Dans son Apparatus, T. Mieres (188) recensa un troisième insulte : « retallat », laquelle, pour sa claire référence a la circoncision, n'avait de sens que quand elle était proférée par un chrétien contre un converti. Dans ce cas, on ne se référait pas au fait d’avoir abandonné une religion pour une autre, mais tout simplement à la condition juive préalable du converti.
1 . J. Le Goff, « Les marginaux dans l'Occident médiéval », 24-25.
2 . Pour quelques exemples d’agression physique, B. Blumenkranz, Juifs et chrétiens, 155-157.
3 . Traitant de cette duplicité d’agents on a, parmi d’autres, le document de Pierre II de 1279 où il interdit explicitement aux juifs et aux chrétiens de déranger et d'ennuyer les convertis, J. Régné, History of the Jews in Aragon, num. 2616.
4 . E. Feliu, « Mots catalans en textos hebreus medievals: Els dictàmens de Salomó ben Adret », 69-70 ; Y. T. Assis, The Golden Age of Aragonese Jewry, 57.
5 . J. Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns (Segles XIII-XIV). Apèndix documental », num. 2.
amende ; conversion au christianisme ; insulte ; Juifs/Judaïsme
Josep Xavier Muntane Santiveri
Youna Masset : relecture -corrections
Adam Bishop : relecture -corrections
Notice n°245437, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait245437/.