Abraham ben David de Posquières
Les écritures de Rabad de Posquières
Responsum écrit par Rabad sur le raisin dans la cuve touché par un gentil
כתב הראב"ד ז"ל אמרו הצרפתים שאם נגע הגוי בתוך הגת בענבים או אפילו בפסולת הענבים שמשליכין מקום מגעו והשאר מותר ובלבד שלא יגע במקום משקה וזה תימה אם יש משקה טופח במקום מגעו וטופח להטפיח פני כל הגת הוי חבור כדהוי לענין טהרות, ואם היה נגוב מקום מגעו מותר
ha-Rabad, "Teshuvot u-psakim" (Jerusalem, 1964).
Selon les écrits de Rabad de mémoire bénie, les Français dirent que si un gentil toucha le raisin ou même les parties solides dans la cuve à vin, on jette le matériel de la surface où il mit sa main, et tout le reste est permis. Cela s'applique seulement s’il n’y a pas de liquide dans l'endroit où il mit sa main. Il est étonnant pour moi, si l'humidité est présente dans l'endroit touché par lui, car, s’il y a encore assez d'humidité sur la surface de la cuve pour humidifier ce que la touche, cela constituera une seule unité comme on le sait à l’égard des lois de pureté. Si l'endroit où il mit sa main fut sec, cela [i.e. le contenu restant dans la cuve] est donc permis.
N. Koryakina
L'interdiction concernant le vin des gentils est ancienne. Le fait de s'abstenir du vin produit par les non-juifs est évoqué pour la première fois dans les textes juifs de la période du Second Temple. Les autorités rabbiniques distinguèrent deux interdictions différentes : la première est contre yayin nesekh qui est le vin offert en offrande. Le penchant supposé des gentils pour l’idolâtrie rendit le vin des gentils interdit ainsi que le vin des juifs qui avait été seulement touché par un gentil. La seconde interdiction fut lancée contre le vin des gentils non utilisé dans le domaine rituel, mais qui pouvait mener à des relations étroites entre les juifs et les gentils (stam yeinam). Au cours de la période gaonique, il y a eu un débat pour déterminer si le vin touché par les musulmans devenait interdit. Maïmonide permit aux juifs de tirer profit du vin produit par les juifs et manipulé par des musulmans, mais il interdit de le boire ou de l'utiliser en cuisine [Mishneh Torah, Maakhalot Asurot (Les aliments interdits), 11:7]. D’après Rashi, à son époque les gentils n’offraient plus de vin en offrande, donc il y avait quelques rabbins qui étaient disposés à permettre de tirer profit du vin juif touché par des gentils. Les rabbins de Provence adoptèrent une attitude plus rigoureuse en interdisant toute utilisation de ce vin. R. Abraham ben R. Nathan de Lunel rapporta que dans quelque communautés en Espagne les juifs n'attachèrent aucune importance à ce que leur vin soit manipulé par les musulmans et qu'ils achetèrent même les vins des vendeurs gentils [Sefer ha-Manhig, Halakhot yayin nesekh (Warsaw, 1885)].
Ce Responsum reflète l'intention des rabbins de Provence de limiter autant que possible la participation des gentils dans la vinification. Cela illustre la tendance persistante des rabbins à faire appliquer la Halakha concernant la production et la vente de vin de manière très stricte.
Notice n°244130, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait244130/.