Code Théodosien
Reconnaissance d'une compétence rationae materiae des instances de régulation juives
Imppp. Theod(osius), Arcad(ius) et Honor(ius) AAA. Tatiano p(raefecto) p(raetori)o Iudæorum querellæ quosdam auctoritate iudicum recipi in sectam suam reclamantibus legis suæ primatibus adseverant, quos ipsi iudicio suo ac voluntate proiciunt. Quam omnino submoveri iubemus iniuriam nec eorum in ea superstitione sedulus coetus aut per vim iudicum aut rescripti subreptione invitis primatibus suis, quos virorum clarissimorum et illustrium patriarcharum arbitrio manifestum est habere sua de religione sententiam, opem reconciliationis mereatur indebitæ. Dat. XV kal. mai. Constant(ino)p(oli) Arcadio A. II et Rufino conss.
T.Mommsen & P.Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1904, 4th reed. 1971), 889.
Les trois empereurs augustes Théodose, Arcadius et Honoris à Tatien, préfet du prétoire. Des plaintes portées par les juifs soutiennent que l’autorité des juges a réintégré dans leur secte, malgré les protestations des chefs de leur Loi, certains hommes qu’ils avaient rejetés par leur jugement et volonté. Nous ordonnons que soit complètement abolie cette atteinte au droit, et qu’aucun groupe zélé au sein de cette superstition n’oblige à favoriser une réconciliation indue en ayant recours à la violence des juges ou, plus exactement, à un rescrit subreptice, contre la volonté de leurs chefs dont il est manifeste, selon l’avis des clarissimes et illustres patriarches, qu’ils ont pouvoir de rendre des sentences en matière de religion. Donné le quinzième jours avant les calendes de mai à Constantinople par Arcadius Auguste pour la deuxième fois et Rufin consul.
C.Nemo-Pekelman
Cette loi a été édictée le 17 avril 392 par la chancellerie de Constantinople. Les circonstances qui ont conduit à son édiction peuvent être reconstituées comme suit. Des juifs frappés d'exclusion de leur communauté ont sollicité et obtenu de la chancellerie impériale un rescrit qui leur a permis d'obtenir, de la part du juge romain, un jugement favorable ordonnant leur réintégration dans la communauté de laquelle ils avaient été exclus. Les chefs de cette communauté ont fait appel, "querella", de la décision du juge de province en faisant valoir que le prononcé de sentences d'excommunication (il s'agit peut être du hehem) était de leur compétence exclusive. Le consistoire, après demande d'avis aux clarissimes et illustres patriarches juifs, infirme le jugement du gouverneur de province en reconnaissant que les chefs de communauté avaient pouvoir de prendre toute décision en matière de religion.
Ce texte qui reconnaît aux instances de régulation du judaïsme pouvoir de juger leur ouailles, et de leur infliger des sanctions aussi afflictives pour des juifs qu'une excommunication (hehem), est ambigu. En effet, l'utilisation du critère rationae materiae de la religion pour distinguer les compétences revenant respectivement aux tribunaux juifs et romains est incertain car ce qui, pour les juifs, est religieux peut, pour les romains, être du ressort du droit civil. Le problème se posera une année plus tard, à propos des pratiques matrimoniales juives (CJ 1. 9.7), et sera partiellement résolu par la loi du 3 février 398 (CTh 2.1.10).
conflit de lois ; droit juif ; Juifs/Judaïsme ; patriarche
Adam Bishop : traduction
Notice n°238488, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait238488/.