Fraternitatis amore
Convertir les juifs
Leo episcopus, servus servorum dei, reverentissimo et sanctissimo confratri nostro Fridurico, sanctae Mogonciensis aecclesiae archiepiscopo, diebus vitae tuae tantummodo. Fraternitatis amore constringimur et apostolicae sedis moderamine convenimur, ut consultis fratrum, prout dominus dederit, respondeamus eosque apostolicae sedis auctoritate instruamus. Et quia dilectio tua exigit apostolicae sedis consulta, quae vobis denegare nec debemus nec possumus, eo quod et praedecessores nostros multarum regionum episcopis hoc egisse liquet, quod et nos, qui in eadem sede domino largiente collati sumus, agere debere fraterna caritas compellit. Unde hanc sanctam catholicam et apostolicam, caput omnium aecclesiarum, Romanam scilicet aecclesiam, quae semper sanctorum patrum sincerissimas auctoritates in omnibus suis actibus sequitur, nostramque apostolicam sedem consulere voluistis, procul dubio, quae agenda vobis sunt, inretractabiliter mandare curamus. Igitur quia in vestris litteris nostrum apostolarum expetere voluistis, quatenus nostra auctoritate vicarius et missus nostrae apostolicae sedis totius Germaniae vos concedamus esse, et quod asseritis, quia prisci Moguntinae sedis metropolitani a nostra apostolica sede ex auctoritate beatissimi Petri apostolorum principis vicarii et missi apostolici totius Germaniae fieri meruerunt, scitote, nos diligenter in scrinio sanctae aecclesiae nostrae privilegiorum scedas, quae a praedecessoribus nostris, duobus videlicet Gregoriis, Zachariae, et Stephani, ut asseritis, Bonifacio vestrae sedis, antistiti apostolica roboratione esse concessa, sub diligenti cura et vehementi sollicitudine inves[tigar]e praecipimus, [sed et] unam scedam cum illa auctoritate tantum potuimus invenire. Unde qui totis praecordiis et humili supplicatione efflagitatis, ut nostra apostolica auctoritate praeceptum et licentiam vobis nostra concedat clementia, quatenus vice nostra sceleratos et praevae vitae homines habeatis potestatem corripere et ad viam veritatis vestris [cohortationibus] revocare, concedimus vobis vice nostra licentiam, eo quod vos huic sanctae sedi subiectionem et omnem fidelitatem exhibere promittitis. Ex auctoritate beati Petri apostolorum principis damus vobis potestatem, ut sitis noster vicarius et missus in cunctis regionibus totius Germaniae, ut, ubicunque episcopos, presbiteros, diaconos vel monachos contra canones et constituta sanctorum patrum sive contra aecclesiasticam regulam excessisse repperietis, apostolica auctoritate iuxta canones et instituta sanctorum patrum illos corrigere et ad viam veritatis reducere non omittatis. De Iudaeis autem, unde vestra fraternitas nostram conquaesivit auctoritatem, utrum melius sit eos sacrae subiugare religioni an de civitatibus vestris expellere, hoc vobis praeceptum mandamus, ut fidem sanctae trinitatis et mysterium dominicae incarnationis cum omni sagacitate et prudenti consilio dei cum reverentia illis praedicare non desistatis. Et si credere et baptizari toto corde voluerint, immensis laudibus omnipotenti domino referimus gratias. Si autem credere noluerint, de civitatibus vestris cum nostra auctoritate illos expellite; qui non debemus cum inimicis dei societatem habere dicente apostolo: Que enim communicatio lucis ad tenebras, aut que pars fideli cum infidele (2 Cor. 6.14-15)? Per virtutem autem et sine illorum voluntate atque peticione nolite eos baptizare, qui scriptum est: Nollite sanctum dare canibus et nollite mittere margaritas vestras ante porcos, ne forte conculcent eas pedibus suis (Mt. 7.6).Caeterum fidem sanctae trinitatis, quam Judaeis et gentibus praedicatis, quam et ad sanctam Romanam aecclesiam, matrem videlicet vestram, approbandam misistis, ita integram inlibatamque creditis et tenetis, sicut apostoli eorumque successores nobis tradiderunt et sancta Romana aecclesia omnibus ubique gentibus praedicat.
H. Zimmerman, ed., Papsturkunden 896-1046 (Vienna, 1984), 133-34, and S. Simonsohn, ed., The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents, 492-1404 (Toronto, 1988), 32-33.
Léon, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à notre plus respectueux et confrère pieux Friederich, archevêque de la sainte église de Mayence. . . Cependant, concernant les juifs, pour lesquels votre fraternité a demandé notre avis [pour savoir] ce qui serait le mieux, les soumettre à la sainte religion, ou les expulser de vos communautés, nous vous donnons ce précepte : vous ne devez pas abandonner de leur prêcher le respect de la foi de la sainte trinité ou le mystère de l'incarnation du Seigneur, avec toute la sagacité et la connaissance du conseil de Dieu. Et, s’ils souhaitent de tout cœur croire et être baptisé, nous rendons grâce au Seigneur tout-puissant avec d’infinies louanges. Toutefois, s’ils ne veulent pas croire, expulsez les de vos communautés par notre autorité ; nous qui ne devons pas fréquenter les ennemis de Dieu, comme le dit l'apôtre : qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres, ou quelle part les fidèles avec l’infidèles ? (cf. 2 Cor 6,14 à 15.) Mais, ne les baptisez pas par la force et sans leur volonté ou leur demande, comme cela est écrit : Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds (cf. Mt. 7,6). Sinon, croyez et gardez, entière et intacte, la foi en la sainte Trinité, que vous prêchez aux juifs et aux Gentils, que vous avez également envoyée à la sainte Eglise romaine, à savoir votre mère, pour être approuvée ; tout comme les apôtres et leurs successeurs nous l’ont léguée, et la sainte Église romaine l’a prêchée à toutes les nations, partout.
Y. Masset
Léon VII écrivit une réponse à une demande de Friedrich, l'archevêque de Mayence nouvellement élu. Selon cette lettre, Friedrich posa des questions sur la primauté de son diocèse en Allemagne et de la licéité de l'expulsion des juifs. Léo répondit que, bien qu'il ait été incapable de trouver toutes les lettres sur lesquelles reposaient les prétentions de Friedrich, il accordera à ce dernier le pouvoir d'agir comme son vicaire et missus en Allemagne. Selon Léo, l'archevêque avait également demandé s’il était préférable de forcer les juifs à se convertir au christianisme ou les expulser. Il lui répondit de prêcher aux juifs afin qu'ils puissent se convertir mais que, s’ils refusaient de croire, ils devaient être expulsés. Cependant, il interdit à Friedrich de les baptiser de force. La lettre de Léon a été écrite peu de temps après celle arrivée en chrétienté latine qui visait à décrire la conversion généralisée des juifs à Byzance après un miracle à Jérusalem. Cette lettre, adressée au roi Henri I et le prédécesseur de Friedrich, Hildebert, fut lue au Conseil d’Erfurt en 932, et conseillait que les juifs qui ne souhaitaient pas se convertir soient exilés. La lettre de Léon est aussi postérieure à la collectio sur ces questions et d'autres sujets compilées par Gerhard de Mayence pour son archevêque. Ce que Friedrich avait fait ou avait l'intention de faire n’est pas tout à fait clair, mais ensemble, Léon et Gerhard indiquent à la fois que Friedrich tentait de consolider sa position, et (éventuellement dans le cadre de cet effort) voulait forcer le baptême des juifs ou les expulser de son diocèse.
La décrétale de Léon, notamment, a rompu avec la position de longue date selon laquelle les juifs ne devaient jamais être contraints ou forcés au baptême. Alors qu'il donne ses conseils en rappelant à Freidrich que les juifs ne devaient être baptisés que s’ils le désirent, son vision de l’expulsion rompt notamment et remarquablement avec les interdictions claires contre la contrainte dans le droit romain et canonique. Sa lettre reflète les prémices d'un changement dans l’attitude chrétienne au sujet des conversions forcées. Où les récits antérieurs avaient dissimulé la coercition à travers des récits de miracles et de sainteté épiscopale, Léon, comme le Conseil de Erfurt avant lui et des croisés après, n'avait aucun scrupule à mentionner explicitement la coercition. Pourtant, la lettre de Léon eu peu d’effets sur le droit canon. L'interdiction contre la conversion coercitive ostensible restait la norme dans le droit canonique et de la politique papale, comme en témoigne l'émission plus tard, et la re-délivrance du Sicut Iudeis.
Notice n°137006, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait137006/.