Code Théodosien
Peine capitale prescrite contre les juifs qui enlèveront des ouvrières dans les ateliers impériaux
Imp. Constantin[n]us A. ad Evagrium Quod ad mulieres pertinet, quas iudæi in turpitudinis suæ duxere consortium in gynæceo nostro ante versatas, placet easdem restitui gynæceo idque in reliquum observari, ne christianas mulieres suis iungant flagitiis vel, si hoc fecerint, capitali periculo subiugentur. Dat. Id. aug. Constantio A. II cons.
Th. Mommsen & P. Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges Novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1905), 896.
L’empereur Constantin à Evagrius
En ce qui concerne les femmes que des juifs, dans leur turpitude, ont emmenées dans leur communauté et qui appartenaient auparavant à notre gynécée, Nous décidons qu’elles lui soient restituées. On prendra gare à l’avenir qu’ils n’associent pas de femmes chrétiennes à leurs ignominies et s’ils le faisaient, ils seraient soumis à la peine capitale.
Donné aux ides d’août sous le second consulat de Constance Auguste
C. Nemo-Pekelman
La constitution ordonne la restitution d’ouvrières textiles issues du gynaeceum de l’empereur – ou textrinum, c’est-à-dire les ateliers de tissage où l’on confectionnait des vêtements pour les besoins des fonctionnaires et des soldats. Les esclaves des ateliers étaient en effet d’une grande valeur, en raison du savoir-faire qu’ils avaient acquis dans les manufactures publiques. Le titre 20 du Code Théodosien consacré aux ateliers impériaux traite le problème récurrent de la fuite des esclaves des ateliers de tissage. La répression ne vise pas tant les fugitifs que ceux qui les hébergent, qui sont menacés d’une amende. En l’espèce, des juifs avaient probablement enlevé ou recueilli des ouvrières en fuite et affecté ces précieuses esclaves à leurs textrina privés. On sait par exemple que des juifs palestiniens tenaient en Galilée des centres de fabrication textile. Une révolte avait d’ailleurs éclaté en ces lieux en 354, et Michael Avi-Yona l’assimile à une révolte corporatiste faisant suite précisément à la présente loi, qui aurait entraîné des conséquences désastreuses sur l’économie de ces ateliers. La loi accuse les juifs d’avoir associé les ouvrières à leur flagitum, une allusion assez explicite à des atteintes sexuelles sur ces femmes vulnérables, ce qui était chose courante dans la société esclavagiste romaine. Le législateur ne s’offusque donc de cette pratique que parce que les maîtres sont juifs et que les femmes se trouvent être chrétiennes. Le pouvoir admettait déjà difficilement la présence de chrétiennes dans les gynécées, car l’origine de leur asservissement remontait, pour certaines, à l’époque des persécutions contre les chrétiens. Dans la logique du premier paragraphe de la loi qui menaçait de mort les atteintes au corps des esclaves par la circoncision, le législateur frappe de la même sanction les atteintes sexuelles portées contre les femmes.
Cette loi est parfois considérée comme le premier témoignage d’interdiction des unions matrimoniales entre juifs et chrétiens, et constituerait donc un précédent de la loi d’Arcadius du 30 décembre 393 (CJ 1.9.7). Mais nous avons préféré traduire l’expression "duxere in consortium" par "emmener dans leurs communautés" car les ouvrières du gynécée n’avaient sans doute pas le statut de femmes libres. Des constitutions du Livre 10, titre 20 consacré aux "murilegulis et gynæceariis et monetariis et bastagariis" désignent en effet les ouvrières textiles comme des "mancipia", le gynécée comme une "familia" (maison d’esclaves), et qualifient le mariage des hommes du gynécée de "contubernium" (unions entre esclaves). En outre, cette disposition fait partie d’une constitution plus générale concernant les esclaves des juifs (CTh 16.9.2), ce qui suggère que le propos concerne bien toujours des personnes non-libres.
; esclaves ; relations sexuelles
Notice n°136548, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136548/.