Général
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Clément V (1305-1314)
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Les cardinaux-prêtres de Saint-Vital, Pierre de La Chapelle-Tailhefer, et des Saints-Achillée-et-Nérée, Bérenger Frédol
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Des habitants des régions de Carcassonne, Albi et Cordes
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III idus martii, anno primo
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Charolles
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Mandement (littere cum filo canapis)
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[Autre copie médiévale] F. FRANCE, Albi, Archives départementales du Tarn, Archives communales d’Albi, GG 1.
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[Copie moderne] G. FRANCE, Paris, Bibliothèque nationale de France, Collection Doat 34, fol. 46.
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Ici reprise de Jean-Marie Vidal, Bullaire de l’Inquisition française au XIVe siècle et jusqu'à la fin du Grand Schisme, Paris : Letouzey et Ané, 1913, n. 3, p. 9-13 [en ligne], d'après l'édition de Douais.
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Clément Compayré, Études historiques et documents inédits sur l’Albigeois, le Castrais et l’ancien diocèse de Lavaur, Albi : Maurice Papailhiau, 1841, p. 241 [en ligne].
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Joseph-Alphonse Mahul, Cartulaire et archives des communes de l’ancien diocèse et arrondissement administratif de Carcassonne, VII, Paris : Didron, Dumoulin, 1867, p. 656.
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Célestin Douais, Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le Languedoc, Paris : Imprimerie nationale, 1900, II, p. 306-310 [en ligne], d'après F.
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Clément V, ému des plaintes de nombre de personnes d’Albi et de Carcassonne, injustement poursuivies pour hérésie et incarcérées par ordre de Bernard de Castanet, évêque d’Albi, et des inquisiteurs1, ordonne aux cardinaux Taillefer de la Chapelle2 et Bérenger Frédol3 de délivrer des lettres de sauvegarde à Bernard Blanc4 et à François Aymeric5, dominicains, ainsi qu’aux gens de Carcassonne, d’Albi et de Cordes, chargés de poursuivre cette affaire. En attendant la conclusion du procès, les commissaires devront visiter les cachots de l’Inquisition, surseoir à toute affaire d’hérésie et veiller à ce que nul prévenu ne soit condamné à la prison ou soumis à la torture, ni même appelé en jugement devant l’inquisiteur sans le concours de l’évêque diocésain. Pour le cas présent, l’évêque d’Albi étant intéressé dans la cause, le pape lui substitue l’abbé de Fontfroide6. En outre, les commissaires auront à s’informer des interpolations ou changements pratiqués, disait-on, au préjudice des imputés, dans les livres de l’Inquisition.
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Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis P[etro] tituli sancti Vitalis et Berengario tituli sanctorum Nerei et Achillei presbyteris cardinalibus, salutem et apostolicam benedictionem.
Lacrimosa quorumdama hominum de partibus Carcassonensibus et Albiensibus et Cordue nostrum multotiens propulsavit auditum quod multi homines illarum partium per venerabilem fratrem nostrum B[ernardum], episcopum Albiensem, et dilectos filios inquisitorem seu inquisitores qui sunt aut fuerunt pro tempore in partibus illis heretice pravitatis perpetuo muro adjudicati fuerunt et privati omnibus bonis suis contra Deum et justitiam et inique, cum illi homines catholici essent et veri ac boni christiani communiter usque tunc in illis partibus haberentur, prout dicti proponentes se offerunt probaturos et de iniquis processibus episcopi ac inquisitorum multorum qui in partibus illis fuerunt se sufficienter docturos.
Verum, quia, pendente hujusmodi questione, dubitant, ut asserunt, de personis prosequentium dictum negotium, quod graventur ab inquisitoribus supradictis, quodque nulli ad ferendum testimonium contra inquisitores ipsos audeant conparere, qui si conparuerint quod inquisitores seviant contra eos, et quod contra illos de quorum agitur condempnatione injusta, qui in dictorum episcopi et inquisitorum muris seu carceribus detinentur et adeo gravantur et hactenus sunt gravati carceris angustia, lectorum inedia et victualium penuria et sevicia tormentorum quod reddere spiritum sunt coacti, adhuc amplius agraventur, nos providere illis de oportuno remedio curaremus...
Licet autem causam seu questionem de dictorum episcopi et inquisitorum processibus in nostra curia coram venerabilibus fratribus nostris ecclesie Romane cardinalibus deputatis ad hoc tam a nobis quam a felicis recordacionis Benedicto papa XI, predecessore nostro, agitari velimus, quia tamen de premissis articulis incidentibus vos, qui de personis et negociis illarum partium pre ceteris cardinalibus notitiam obtinetis et per partes illas transire habetis, ex aliquibus justis causis facilius poteritis providere, circumspectioni vestre committimus et mandamus quatinus fratribus Bernardo Blanchi et Francisco Aymerici, de ordine Predicatorum, necnon et aliis tribus vel quatuor de quolibet predictorum locorum, Carcassonnensi scilicet et Albiensi et Cordue, qui dictum negotium prosequantur, auctoritate nostra securitatem prestetis, negotio supradicto pendente ; quodque interim predictis incarceratis et immuratis, si eos videritis indigere, taliter providere velitis quod contra justiciam non graventur.
Et quia publice utile est scire veritatem an inquisitores bene processerint, ut optamus, an perperam egerint et inique, quod absit, ut quilibet testes venire possint ad testimonium perhibendum, volumus et mandamus quod, dictorum processuum inquisitione pendente vel saltem donec Sedes apostolica aliter duxerit ordinandum, inquisitores heretice pravitatis in illis partibus aut episcopus Albiensis predictus aliquem pro heresis facto captum vel capiendum duro carceri sive arto non tradant nec tormentis exponant nec ad inquisitionem procedant nisi cum diocesano episcopo vel alio bono viro deputato ab eo. Loco vero dicti episcopi Albiensis, quoniam de ipsius processu agitur, quantum ad hec, dilectum filium abbatem Fontis Frigidi, cisterciensis ordinis, Narbonensis diocesis, vel alium bonum virum de quo vobis expedire videatur, per vos volumus subrogari, stilo inquisitionis in ceteris salvo et libero permanente ; presertim quod quicumque de heresi suspecti habeantur per inquisitores predictos capi possint.
Sane cum de cancellatione, aut suspensione, mutationeque aliquorum librorum inquisitionis factis apud Carcassonam aliquando fuit propositum coram nobis, vobis mandamus, quatinus super premissis vos informetis, informationem ipsam, cum ad nos redieritis, relaturi, ne inquisitorem ipsum ad presentiam nostram deferre oporteat dictos libros.
Porro in premissis omnibus et in aliis, si qua circa premissa occurrerint incidenter, auctoritate nostra, non obstantibus quibuscumque privilegiis que contra premissa nulli volumus suffragari, appellatione postposita, solum Deum habentes pre oculis procedatis, facientes quod decreveritis seu ordinaveritis in premissis per censuram ecclesiasticam firmiter observari, procuratoribus seu procuratori dicti episcopi Albiensis ac inquisitoribus sepe dictis, necnon et dictis fratribus B[ernardo] et Francisco, et aliis impugnatoribus processuum predictorum certum terminum peremptorie prefigentes, quo Burdegalis compareant coram nobis vel coram cardinalibus antedictis, quibus dictum negotium est commissum, in ipso prout justum fuerit processuri.
Datum Carriole, III idus martii, pontificatus nostri anno primo. -
(a) suppléez querimonia avant quorumdam.
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1. Bernard de Castanet, de Montpellier, auditeur du palais apostolique, évêque d’Albi (mars 1275-juillet 1308), puis du Puy (1308-1316), fut créé cardinal-évêque de Porto, le 18 décembre 1316, et mourut le 17 août 1317. Eubel, Hierarchia p. 14, 80, 91. Il réprima vivement l’hérésie. Mgr Douais a fait le compte des audiences présidées par lui à l’Inquisition, en 1285-1286 et 1299-1300 : cent vingt-neuf pour quarante-sept accusés. Documents, p. xcii, clxxxiii-clxxxvi, cxciii-cxcv.
Les poursuites auxquelles il est fait allusion dans la présente bulle remontaient aux années 1286 et 1299-1300. Elles avaient été entamées par l’évêque d’Albi et par les inquisiteurs Jean Galand et Nicolas d’Abbeville. Sur ces inquisiteurs, leurs travaux et les manuscrits contenant les procès intentés aux bourgeois d’Albi, voir Douais, Documents, etc., p. xcii-xcvi, clxxxii-cxcvii ; J.-M. Vidal, Un inquisiteur jugé par ses victimes. Jean Galand et les Carcassonnais, Paris, 1903. Bien que l’orthodoxie de ces gens ne parût pas douteuse, ils avaient été incarcérés, jugés et condamnés rapidement. D’aucuns n’avaient même pas reçu leur sentence. Le populaire, ne s’expliquant pas pourquoi on les avait traités de la sorte, accusait les inquisiteurs de leur avoir extorqué des aveux à force de tortures, d’avoir falsifié leurs dépositions ; tout cela par cupidité : ils convoitaient le patrimoine de leurs victimes. Des appels adressés au roi, au pape, au prieur des dominicains de Paris, à l’autorité diocésaine (cf. Jean Galand, p. 6 sq., 39-43) formulèrent les griefs des villes mécontentes. Le roi envoya deux réformateurs ; il prit certaines mesures partielles, comme la révocation des inquisiteurs (n. 2, note 2), porta des ordonnances qui tendaient à diminuer la puissance des juges monastiques en leur imposant le contrôle des ordinaires. Il ordonna aussi d’améliorer le régime des cachots, mais refusa d’accorder la liberté aux prisonniers. Hist. de Lang., t. x, col. 379-386, 428-431. Las des refus du roi, les citoyens d’Albi s’adressèrent au pape. Clément V, passant à Toulouse, avait entendu les doléances des femmes des prisonniers. Il reçut à Lyon les deux dominicains Bernard Blanc et François Aymeric qui apportaient une nouvelle instance. Il se laissa apitoyer et, le 13 mars 1306, il expédia la présente commission. Les deux cardinaux visitèrent les murs de Carcassonne et d’Albi. Dans celui de Carcassonne languissaient quarante prisonniers jadis justiciables de Bernard de Castanet, évêque d’Alb.. D’aucuns étaient vieux et malades et ils se plaignaient de leurs geôliers. Ceux-ci furent destitués. On créa deux surveillants généraux, l’un au compte de l’évêque, l’autre à celui de l’inquisiteur. Chacun fut muni d’une clef des cellules, et chaque porte de cellule eut une double serrure. On fit réparer les cachots ; on accorda plus de latitude aux détenus. A Albi, des mesures semblables furent prises. Voir les procès-verbaux de ces visites dans Douais, Documents..., t. ii, p. 302-333. Mais bientôt de sérieuses difficultés vinrent entraver l’action des commissaires. Le pape, circonvenu sans doute par les influences des gens intéressés, désavoua ses légats (le 12 août 1308), déclarant qu’ils avaient outrepassé ses instructions en exigeant la participation de l’évêque diocésain aux travaux de l’Inquisition (n. 5). Les cardinaux avaient terminé leurs travaux en 1310. Les prisonniers languissaient toujours dans leurs cachots. En vain, sur les instances de dix d’entre eux, Clément V invita-t-il (8 février 1310) Bertrand Desbordes, évêque d’Albi, et l’inquisiteur à statuer sur leur sort (n. 7), ce fut en pure perte. Un nouvel appel présenté trois ans plus tard, une nouvelle exhortation du pape aux deux juges (19 avril 1313 : n. 11) n’eurent pas plus de succès. Les protestations s’éteignirent avec la vie de ces malheureux. Voir le sort de quelques survivants dans Douais, op. cit., p. xciv-xcvi, cxciv-cxcvi, ccxxx-ccxxxii ; La formule Communicato, p. 35, 62 ; dans Doat, t. xxxiii et xxxiv, on trouve les comptes des biens de ces condamnés confisqués pour hérésie ; cf. Lea, Hist. de l’Inquis., t. ii, p. 110 ; Molinier, L’Inquisition dans le Midi, p. 101-104. On trouvera au n. 166 une lettre de Benoît XII (1er juin 1337) intéressant l’un d’eux. Sur toute cette histoire, voir encore Hauréau, op. cit., p. 127-142 ; Molinier, op. cit., p. 88-105 ; Hist. de Lang., t. ix, p. 86, 227, 334-337 et notes ; Lea, op. cit., t. i, p. 472-473 ; t. ii, p. 83, 89-96, 100-102, 105-110. -
2. Pierre de la Chapelle-Taillefer, évêque de Carcassonne, le 15 mai 1291 ; évêque de Toulouse, le 25 octobre 1298 ; cardinal du titre de Saint-Vital, le 15 décembre 1305 ; évêque de Palestrina, en décembre 1306 ; mort le 16 mai 1312. Baluze, Vitae pap. Avenion., t. i, col. 626 ; Gall. christ., t. vi, col. 892, t. xiii, col. 35 ; Hist. de Lang., t. ix, Table, p. 1364 ; Hist. littéraire de la France, t. xxvii, p. 423 ; Eubel, Hier., t. i, p. 13, 172, 515.
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3. Bérenger Frédol, neveu de Clément V, d’abord évêque de Béziers (1294) ; promu au cardinalat le même jour que le précédent, reçoit le titre des Saints-Nérée-et-Achillée, et, le 10 août 1309, celui de Tusculum ; meurt le 11 juin 1323. Baluze, op. cit., t. i, col. 631 ; Gallia christ., t. vi, col. 341-344 ; Eubel, Hier., t. i, p. 13, 141.
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4. Ce religieux étudia la philosophie au couvent des dominicains de Narbonne (1289), la théologie dans ceux de Carcassonne (1290) et de Toulouse (1293), fut sous-lecteur dans celui de Béziers, en 1296, lecteur dans ceux de Nîmes (1299) et de Rieux (1301) ; poursuivit ses études à Paris, en 1302. Douais, Acta capitul. provinc. ord. praed., p. 326, 334, 375, 404, 436, 458, 479.
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5. François Aymeric fut nommé, en 1301, lecteur de la Bible au couvent de Toulouse. Douais, op. cit., p. 459.
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6. Fontfroide (Aude), près Narbonne. Abbaye cistercienne. Arnaud Novelli, de Saverdun (Ariège), abbé de Fontfroide, dès l’an 1297 ; vice-chancelier de l’Église romaine, en 1308 ; cardinal du titre de Sainte-Prisque, le 18 décembre 1310 ; légat en Angleterre, en 1312 ; mourut le 14 août 1317. Baluze, op. cit., t. i, col. 660 ; Hist. de Languedoc, t. ix, p. 333-334 ; t. x, notes, p. 69-71 ; Gall. christ., t. vi, p. 209 ; Eubel, Hier., t. i, p. 13 ; Hist. littéraire de la France, t. xxxi, p. 205-213.
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Julien Théry, « La revanche de l’Inquisition languedocienne, de Clément V à Jean XXII : Bernard de Castanet, Bernard Gui, Bernard Délicieux et la ‘réconciliation des empêcheurs’ de Carcassonne (v. 1310-v. 1320) », dans Résister à l’Inquisition, XIIIe-XVe s., dir. Sylvain Parent, Martine Ostorero, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2024, p. 229-254, à la p. 233.
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(CIHAM (UMR 5648)), dans
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APOSCRIPTA database – Lettres des papes, dir. J. Théry, CIHAM/UMR 5648, éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 20163 (aposcripta-150), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/aposcripta/notice/20163 (mise à jour : 17/05/2024).