Abū Yūsuf, K. al-kharāğ. La capitation. 3
Collect de la capitation (ğizya)
و أما السواد فتقدم إِلى ولاتك على الخراج أن يبعثوا رجالا من قبلهم يثقون بدينهم وأمانتهم يأتون القرية فيأمرون صاحبها بجمع من كان فيها من اليهود والنصارى والمجوس والصابئين والسامرة . فإذا جمعوهم إليهم أخذوا منهم على ما وصفت لك من الطبقات، وتقدم إليهم في امتثال ما رسمته ووصفته حتى لا يتعدوا إِلَى سواه، ولا يأخذوا من لم تر الجزية واجبة عليه بشيء، ولا يقصدوا بظلم ولا تعسف. فإن قال صاحب القرية: "أنا أصالحكم عنهم وأعطيكم ذلك" لم يجيبوه إِلى ما سأل لأن ذهاب الجزية من هذا أكثر، لعل صاحب القرية يصالحهم على خمسمائة درهم وفيها من أهل الذمة من إِذا أخذت منهم الجزية بلغت ألف درهم أو أكثر، وهذا مما لا يحل ولا يسع مع ما ينال الخراج منه من النقصان لعله أن يجبي من بضيعته أهل الذمة فيصيب الواحد منهم أقل من اثني عشر درهما ولا يحل أن ينقص من ذلك بل لعل فيهم من المياسير من تلزمه ثمانية وأربعون درهما ويحملها ولاة الخراج مع الخراج إِلى بيت المال لأنه فيء للمسلمين .
Abū Yūsuf, Kitāb al-kharāğ (Beyrouth, 1979), 124.
Quant au Sawād, prescris à ceux que tu y as chargés de l'impôt foncier (kharāğ) d'envoyer de leur part des messagers dont la religion et la probité leur inspirent confiance, qui se rendront dans chaque localité, par le chef de laquelle ils feront réunir les juifs, les chrétiens, les mages, les sabéens et les samaritains qui y résident, et sur qui, quand ils seront assemblés, ces messagers percevront l'impôt d'après les catégories que je t'ai indiquées. Prescris-leur de se conformer aux règles que je t'ai développées pour qu'ils ne les transgressent point, ne perçoivent sur personne une capitation dépassant en rien ce que tu auras estimé, et ne procèdent pas par injustice et violence. Ils n'accepteront pas les propositions que pourrait faire un chef de village de traiter pour les assujettis et de verser l'impôt réclamé, car les fuites dans le rendement de la capitation sont plus fortes, vu qu'il se peut que ce chef traite par exemple pour 500 dirhems, alors que l'impôt prélevé directement en fournira mille ou davantage. Cela n'est ni légal ni admissible, sans parler de la moins-value de l'impôt (kharāğ), car il est possible que la somme prélevée par ce chef sur ses ressortissants représente moins de 12 dirhems par tête, alors qu'il n'est pas permis de réduire ce minimum, et qu'il peut se trouver parmi eux des riches redevables de 48 dirhems. Les percepteurs du kharāğ opèrent le versement du produit de la capitation ainsi que du kharāğ au Trésor, parce que c'est là un fay’ (butin) attribué aux musulmans.
Abū Yūsuf Yaʿqūb, Le livre de l’impôt foncier (Kitāb al-kharāğ), E. Fagnan, trad. (Paris, 1921), 190.
Ce texte d’Abū Yūsuf (m. 798) est extrait d’un long chapitre du K. al-Kharāğ consacré à la taxe de capitation. L’auteur y délivre quelques conseils pratiques concernant la collecte de cet impôt payable par les dhimmīs. C’est ainsi qu’il recommande aux percepteurs de veiller à ce que les tributaires s’acquittent eux-mêmes de la taxe, chacun selon sa capacité, et non pas par l’intermédiaire des chefs de villages lesquels sont enclins à vouloir sous-évaluer les sommes dues au fisc. Cette manière de concevoir la perception de la ğizya s’explique par le fait que, pour les hanafites, le montant prélevé doit être proportionnel à la fortune et qu’il ne peut être inférieur à 12 dirhams, ni supérieur à 48 dirhams. Toute taxation qui ne tient pas compte de ces critères est considérées comme illicite.
Sous les Califats omeyyade et abbasside, l’empire islamique comptait de nombreuses populations non-musulmanes dont les membres versaient la taxe de capitation en échange d’une promesse de protection. La perception de cette taxe était confiée à des fonctionnaires nommés par les califes eux-mêmes ou par les gouverneurs de provinces. Des registres fiscaux furent également établis au cours des années qui suivirent la conquête. La procédure de collecte de la ğizya variait selon les régions et les époques. En règle générale, les tributaires imposables devaient se présenter personnellement devant le percepteur afin de s’acquitter de leur dû et pour marquer leur soumission à la loi de l’Islam. Mais dans beaucoup de cas, cette tradition n’était pas respectée. Par exemple, certaines communautés juives et chrétiennes ayant conclu un accord de paix avec les autorités musulmanes pouvaient verser collectivement une somme annuelle stipulée dans leur traité. Il arrivait aussi que, pour des raisons politiques ou autres, l’administration fiscale traite directement avec les chefs religieux ou tribaux lesquels négociaient le montant de l’impôt au nom de leurs coreligionnaires.
capitation ; chrétiens ; Juifs/Judaïsme ; kharāğ ; Sabéens ; Taxe ; ğizya
Laurence Foschia : relecture
Jessie Sherwood : traduction
Notice n°30356, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait30356/.