Abū Yūsuf, K. al-kharāğ. La taxe de capitation (ğizya) 5
Persécution des dhimmīs pour cause de non-paiement de la capitation
حدثنا هشام بن عروة عن أبيه أن عمر بن الخطاب رضي الله عنه مر بطريق الشام وهو راجع في مسيره من الشام على قوم قد أقيموا فِي الشمس يصب على رءوسهم الزيت فقال: ما بال هؤلاء ؟ فقالوا: عليهم الجزية لم يؤدوها، فهم يعذبون حتى يؤدوها . فقال عمر : فما يقولون هم وما يعتذرون به في الجزية ؟ قالوا : يقولون: لا نجد قال: فدعوهم ، لا تكلفوهم ما لا يطيقون، فإني سمعت ر سول الله صلّى اللهُ علَيه وسلّم يقول : " لا تعذبوا الناس فإن الذين يعذبون الناس في الدنيا يعذبهم الله يوم القيامة " وأمر بهم فخلى سبيلهم .
Abū Yūsuf, Kitāb al-kharāğ (Beyrouth, 1979), 125.
Nous tenons de Hishām b. ʿUrwa, parlant d’après son père, que ʿUmar b. al-Khaṭṭāb, passant par une route de Syrie, lors de son retour de ce pays, auprès de gens qu’on tenait exposés au soleil et sur la tête de qui l’on versait de l’huile, demanda ce qu’ils firent [pour mériter cela]. On lui répondit : Ils sont redevables de la capitation, et comme ils ne la payent pas, ils sont châtiés jusqu’à ce qu’ils l’acquittent. » ʿUmar dit : « Et eux, qu’ont-ils à dire pour justifier leur refus de payer la capitation ? On lui répondit : « Ils disent qu’il n’ont pas de quoi payer. » Il dit : « Laissez-les, ne leur imposez pas ce qu’ils ne peuvent supporter. En effet, j’ai entendu le Prophète dire : « Ne persécuter point les hommes, car celui qui les persécute en ce monde, Dieu le tourmentera au jour de la résurrection. » Et il donna l’ordre de les laisser partir.
A. Ducellier, Le miroir de l'Islam : musulmans et chrétiens d'Orient au Moyen âge (VIIe-XIe siècles) (Paris, 1971), 88. (Trad. modifiée).
Conformément à loi musulmane, les dhimmīs devaient verser un impôt de capitation appelé ğizya dont le non-paiement pouvait donner lieu à des persécutions très dures, comme en témoigne ce texte d’Abū Yūsuf. Le Calife ʿUmar I, réputé pour son intransigeance morale et son grand sens de l’équité, interdit le recours à la contrainte physique et aux supplices lors du recouvrement de la ğizya. Il a également intimé l’ordre aux officiers de l’armée de faire preuve de clémence à l’égard de populations placées sous protection musulmane. Les sources arabes abondent en récits allant dans ce sens. Mais pour l’historien, il est difficile de savoir si les faits relatés sont réels ou s’il s’agit parfois d’inventions ultérieures visant à créer un modèle parfait de gouvernance. Dans l’ensemble, la politique instaurée par ʿUmar I permit aux populations non musulmanes de bénéficier d’une certaine sûreté.
Ici, comme dans d’autres passages de son K. al-Kharāğ, Abū Yūsuf argumente contre l’opinion qui consiste à légitimer l’humiliation des dhimmīs. La tradition rapportée par Hishām b. ʿUrwa lui permet d’affirmer que le Calife ʿUmar I s’est personnellement opposé à l’usage des châtiments corporels pour obtenir le paiement de la ğizya ; ce qui constitue un argument de poids, étant donné la place qu’occupe ʿUmar b. al-Khaṭṭāb dans l’histoire politique et institutionnelle de l’Islam.
capitation ; Persécution ; ğizya
Laurence Foschia : relecture
Jessie Sherwood : traduction
Notice n°30337, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait30337/.