Pervenit ad audientiam
Lettre à l’archevêque de Bourges contre la construction de nouvelles synagogues.
Honorius episcopus servus servorum Dei, venerabili fratri archiepiscopo Bituricensi, salutem et apostolicam benedictionem. Pervenit ad audientiam nostram quod iudei in tua diocesi habitantes synagogas de novo, contra sanctiones canonicas, construere presumpserint. Ideoque fraternitati tue per apostolica scripta mandamus quatinus, si ita est, synagogas ipsas facias demoliri, fideles si qui se opposerint, per censuram ecclesiasticam, appellatione postposita, compescendo. Dat. Laterani, XIIII kalendas iunii, pontificatus nostri anno quinto.
BnF, Paris, Baluze 79, f. 10r
Honorius évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à notre vénérable frère l’archevêque de Bourges salut et bénédiction apostolique. Nous avons appris que les juifs qui habitent dans ton diocèse, contre les sanctions canoniques, ont osé bâtir des nouvelles synagogues ; ainsi, par lettres apostoliques, nous commandons à ta fraternité que tu, s’il est vrai, fasses démolir lesdites synagogues ; en obligeant par censure ecclésiastique, sans la possibilité d’appel, les fidèles qui s’y opposeront. Donné à Latran, le XIII des calendes de juin, dans la cinquième année de notre pontificat.
L. Fois
Le pape ordonne à l’archevêque de Bourges de vérifier si les rumeurs sur la construction de nouvelles synagogues dans son diocèse sont vraies et, si cela se confirmait, de faire procéder à leur démolition. La bulle confirme et impose l’application de certaines prohibitions de la bulle Consuluit nos d’Alexandre III, incluses par la suite dans les décrets du troisième concile du Latran.
La question de la construction de nouvelles synagogues à Bourges et dans son diocèse se prolongeait depuis quarante ans, ce qui poussa l’archevêque (probablement Guarin Gérard) à demander au pape s’il était possible de concéder une telle faculté aux juifs de la ville. La réponse négative du pontife, intégrée immédiatement dans les décrets du Troisième concile du Latran, n’avait évidemment pas abouti à une solution définitive. En fait, bien que la communauté juive de Bourges ait souffert de quelques confiscations par Philippe Auguste, il est presque certain qu’elle ne fut pas affectée par l’expulsion du 1182 et, pendant les premières décennies du XIIIe siècle, profita d’une certaine prospérité. En plus, la cohabitation fut favorisée par la présence dans la ville d’un groupe d’hébraïstes chrétiens modérés qui s’était rassemblé atour de Guillaume de Bourges, un juif converti qui était devenu diacre de la cathédrale. Dans ce climat, la construction d’un nouveau lieu de culte était probablement tolérée par l’archevêque Simon de Sully, avec l’appui des autorités locales. Cependant, la violation des décrets conciliaires ne pouvait pas être consentie par Honorius III, qui intervint promptement pour soigner la situation. Comprenant la portée universelle du problème le pape Grégoire IX intégra cette interdiction dans le Liber extra (5.6.7).
Notice n°272744, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait272744/.