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Magna Carta[10-11]

Auteur

John, King of England

Titre en français

Magna Carta

Type de texte

Charte royale

Texte

X Si quis mutuo ceperit aliquid a Judaeis, plus vel minus, et moriatur antequam debitum illud solvatur, debitum non usuret quamdiu haeres fuerit infra aetatem, de quocumque teneat; et si debitum illud inciderit in manus nostras, nos non capiemus nisi catallum contentum in carta. XI

Et si quis moriatur, et debitum debeat Judaeis, uxor ejus habeat dotem suam, et nihil reddat de debito illo; et si liberi ipsius defuncti qui fuerint infra aetatem remanserint, provideantur eis necessaria secundum tenementum quod fuerit defuncti, et de residuo solvatur debitum, salvo servitio dominorum; simili modo fiat de debitis quae debentur aliis quam Judaeis.

Langue

Latin

Source du texte original

http://magnacarta.cmp.uea.ac.uk/read/magna_carta_1215/!all

Datation

  • Date fixe : 12/15/615

Aire géographique

Traduction française

10 Si quiconque a emprunté à un juif, quelque soit la taille de l’emprunt, et s’il meurt avant le remboursement de la dette, cette dette ne génèrera pas d’intérêt tant que l’héritier sera mineur quelle que soit la personne dont il tient ses terres. Et si la dette vient entre nos mains, nous prendrons seulement le montant principal stipulé dans le contrat. 11 Si quiconque meurt en étant débiteur d’un juif, son épouse aura son douaire et ne paiera aucune partie de la dette. S’il le défunt laisse des enfants et qu’ils sont mineurs, il conviendra de subvenir à leurs besoins en proportion des biens du défunt, et la dette sera réglée à partir du surplus, après déduction des droits des seigneurs. Les dettes dues à un autre qu’à un juif doivent être traitées de la même manière.

Source traduction française

Nicolas Stefanni

Résumé et contexte

Les clauses 10 et 11 de la Grande Charte (Magna Carta) éclairent (quoiqu’indirectement) des aspects du statut des juifs en Angleterre au début du XIIIe siècle. Ils ne se préoccupaient pas de leur protection ou de leur avantage mais, comme la quasi totalité des autres clauses de la charte, étaient ébauchées dans l’intérêt des propriétaires libres et dans le but des les protéger des exactions du roi. Les relations entre les juifs et le roi étaient pourtant telles qu’elles prenaient ces premiers en considération quand la conduite de ce dernier devenait politiquement inacceptable. La position des juifs dans la société anglaise, celle d’un peuple pratiquant une religion étrangère et proposant des services économique — principalement des prêts financiers à intérêts (en Angleterre, le taux usuel était de deux pence par livre par semaine, ou 43% par an) — que les chrétiens n’étaient pas autorisé à pourvoir, était de nature à provoquer presque inévitablement le ressentiment et à les exposer au danger d’attaques, voire de massacres. La protection contre de tels risques était quelque chose que les rois successifs ont apportée, mais selon des termes qui leur donnaient un droit quasi illimité sur les ressources des juifs, y compris les créances contractées envers eux. Ainsi, les souverains exploitant les profits de l’usure, et les juifs dont les prêts créaient du profit, partagèrent peu à peu l’impopularité de l’autre. Le statut des juifs était à la fois particulier et précaire. Il impliquait un haut degré de dépendance envers leur relation avec le roi qui pouvait annuler une créance leur revenant, ou accorder des délais de paiement, et qui se prévalait de manière habituelle d’un tiers des biens d’un juif à sa mort (encore que davantage pouvait être saisi). Le grand prêteur Aaron Lincoln a beaucoup prospéré durant le règne d’Henri II, mais quand il est mort en 1186, le roi a confisqué l’ensemble des propriétés d’Aaron, évalué à hauteur de 100 000 £. Les créances dues à Aaron ont continué à être collectées au nom du roi pendant plus de vingt ans.

La pression sur les ressources juives, sous Henri II et Richard I ainsi qu’au début du règne de Jean, était intermittente plutôt que continue, et les trois rois ont imposé des chartes de droits aux juifs d’Angleterre. Cependant, des développements institutionnels, notamment la nomination dès 1194 de responsables de l’administration des intérêts de la couronne auprès des affaires concernant les juifs, et l’amélioration considérable des livres de comptes, ont rendu possible pour le roi d’exploiter les sujets juifs plus efficacement qu’auparavant, chose dont Jean sans Terre ne se priva pas. À de nombreuses reprises il mit son autorité à disposition des juifs pour leur permettre de recouvrir des dettes, mais seulement à la condition qu’il en reçoive une partie. Après 1210, la pression augmentât considérablement, en partie par l’imposition de la Taille (taxe arbitraire) — un total de 40 000 £ fut imposé avec une grande brutalité en 1210 ce qui causa le départ à l’étranger de nombreux juifs — mais surtout à travers le recouvrement de dettes à des juifs, que le roi déclarait lui être dues. Il est clair que les riches laïcs comme les monastères exploitaient de telles obligations, en achetant les dettes des juifs, sans aucun doute au rabais, puis saisissant les garanties, habituellement sous forme de terres, de ceux ne pouvant pas payer. Les preuves directes sont rares, mais suffisantes pour suggérer que juste avant 1215 le roi Jean a fait usage de ce pouvoir sans ménagement. Ses actions ont potentiellement affecté tous les niveaux de la classe des propriétaires terriens, mais les Clauses 10 et 11 suggèrent qu’elles eurent un impact et provoquèrent un certain outrage quand elles étaient pratiquées aux dépens des plus faibles, les veuves et les mineurs.

Signification historique

La Clause 10, portant principalement sur les biens meubles, était censée protéger les héritiers mineurs d’hommes libres contre l’accumulation d’intérêt durant leur minorité. Les créditeurs impliqués étaient principalement les juifs, mais aussi le roi. Dans les cas où les juifs étaient concernés, le paiement des intérêts était sous contrôle. Ils étaient en droit d’en demander le versement, mais pas avant que l’héritier n’atteigne l’âge légal, vingt-et-un dans la majorité des cas. Là où le roi était concerné, aucun intérêt n’était versé, il ne touchait que le montant principal du prêt. En émettant cette provision, les barons ne plaçaient pas seulement des contraintes envers le pouvoir du roi de lever de l’argent à leur dépens, ils émettaient également un commentaire les opportunités économiques diverses disponibles aux juifs et aux chrétiens. Sous la loi canon, les chrétiens, contrairement aux juifs, ne pouvaient pas prêter à intérêt ; en conséquence cette interdiction pouvait être soumise au roi Jean sans qu’il ne puisse s’y substituer. La Clause 11 traite de la terre, de manière à la maintenir hors des mains des créditeurs et de protéger les veuves et les mineurs des hommes qui meurent endettés. Les veuves touchaient leur douaire — un tiers de la propriété du défunt — et ne payaient rien. Les dettes étaient recouvrables sur les terres assignées aux enfants, mais uniquement après que leurs besoins eurent été satisfait, et en aucune manière dans une proportion pouvant affecter les services dues aux seigneurs des terres en question. Il est probable que cette clause ait eu pour effet des remboursements extrêmement lents des dettes ! Encore une fois, la protection contre les créditeurs juifs fut étendue, cette fois à tous les créanciers, mais le roi est celui qui fut probablement le plus impacté. Les créances qui lui étaient dues, qu’elles eurent été à l’origine des dettes envers des juifs, n’étaient remboursées qu’après que l’intérêt d’autrui ait prévalu.

Les Clauses 10 et 11 furent abandonnées de la version de 1216 de la Grande Charte et de toutes les versions qui suivirent (bien que la Clause 10, sauf les références aux juifs, fut incluse en Clause 5 dans les Statuts de Merton en 1236). La raison en est probablement que les affaires des juifs ont continué à être considérées comme essentiellement un monopole royal, que seul le souverain pouvait réguler. C’est dans cet esprit qu’en 1218 le gouvernement exerçant l’autorité au nom du roi Henri III, alors âgé de dix ans, ordonna à l’évêque de Hereford de laisser leurs juifs sans les brutaliser car « rien ne le concerne eu égard à nos juifs ». L’engagement du roi envers les affaires juives, que Jean avait largement exploitées, et qui mena à l’inclusion des Clauses 10 et 11 à la Grande Charte, déclencha leur suppression dès lors qu’il mourut.

Liens

Traductions

  • G. Davis, Magna Carta (London, 1989).

Etudes

  • Commentary by Henry Summerson on the website of the Magna Carta Project: http://magnacarta.cmp.uea.ac.uk/read/magna_carta_1215/Clause_10 http://magnacarta.cmp.uea.ac.uk/read/magna_carta_1215/Clause_11
  • P. Skinner (ed.), The Jews in medieval Britain (Woodbridge, 2003)
  • R. Bartlett, England under the Norman and Angevin kings (Oxford, 2000), 346-60
  • P.R. Hyams, `The Jewish minority in medieval England’, Journal of Jewish studies 25 (1974), 270-93
  • H.G. Richardson, The English Jewry under Angevin kings (London, 1960)
  • R.C. Stacey, `Jews and Christians in twelfth-century England: some dynamics of a changing relationship’, M.A. Signer and J. Van Engen (eds.), Jews and Christians in twelfth-century Europe (Notre Dame, 2001), 340-54

Mots-clés

Héritage ; prêt ; taux d'intérêt

Auteur de la notice

Henry   Summerson

Comment citer cette notice

Notice n°252625, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252625/.

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