Est-il permis d'employer un chrétien comme secrétaire?
Emploi des chrétiens comme fonctionnaires dans l'administration musulmane
من العتبية من سماع ابن القاسم: قيل لمالك: يُكتتب النصراني؟ قال: لا أرى ذلك، الكاتب يُستشار في أمور المسلمين، فلا يعجبني ذلك. ونهى عمر أن يُستعملوا
Abī Zayd al-Qayrawānī, Al-Nawādir wa-al-ziyādāt ‘alā al-Mudawwana min ghayrihā min al-ummahāt, ‘Abd al-Fattāḥ M. Ḥulw, ed. ( Beyrouth, 1999), vol. 8, 246.
[Il est écrit] dans al-ʿUtbiyya, d’après la transmission d’Ibn al-Qāsim: « On a demandé à Mālik s’il était permis d’employer un chrétien comme secrétaire. Il a répondu : je suis d’avis qu’il ne faut pas le faire, car le secrétaire est consulté dans les affaires concernant les musulmans. C’est la raison pour laquelle je n’aime pas cela (i.e. que cette charge soit confiée à un chrétien). Et ʿUmar a interdit de les investir d’une fonction [publique]. »
A. Oulddali
Cette opinion rapportée par Abī Zayd al-Qayrawānī provient de la compilation juridique (connue sous le nom al-ʿUtbīya) du juriste andalou Muḥammad b. Ahmad al-ʿUtbī (m. 255/869). Rappelons que celui-ci rapporte l’enseignement que l'égyptien Ibn al-Qāsim (m. 191/806) a transmis de son professeur Mālik b. Anas (m. 179/795). Selon al-ʿUtbī, Mālik réprouve la nomination des chrétiens dans l’administration comme secrétaires, et son raisonnement est basé sur la nature de cette fonction : « le secrétaire est consulté dans les affaires des musulmans », ce qui signifie d’une part, qu’il doit être digne de confiance, et d’autre part, qu’il aura une position d'autorité sur les musulmans. Dans sa réponse, Mālik ne dit pas clairement s’il possible de faire confiance aux chrétiens (ou aux non-musulmans). Il déclare seulement qu’il ne préfère pas qu’un non-musulman ait une position de pouvoir et qu’il soit consulté dans les affaires des musulmans. Pour appuyer son opinion, il rapporte que ʿUmar b. Khaṭṭāb (m. 23/644) n’autorisait pas l’emploi des non-musulmans dans les charges publiques. On rapporte qu’un jour, alors qu’il était assis dans la mosquée de Médine, ʿUmar demanda à Abū Mūsā al-Ashʿarī (m. 44/664), un Compagnon du Prophète et un gouverneur sous le règne de second Calife, de faire venir son secrétaire. Abū Mūsā lui répondit que celui-ci était chrétien et qu’en tant que tel il ne pouvait pas entrer à la mosquée. ʿUmar le frappa et lui récita le verset coranique 5,51 : « Ô les croyants ! Ne prenez pas pour alliés les Juifs et les Chrétiens ; ils sont alliés les uns des autres. Et celui d'entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs. Allah ne guide certes pas les gens injustes. » En conséquence de quoi, Abū Mūsā congédia son secrétaire chrétien.
En dépit des nombreuses traditions plaidant contre la nomination de non-musulmans dans les fonctions publiques, et malgré les restrictions établies par les juristes musulmans de la première période de l'Islam, les non- musulmans (en particulier, les chrétiens et les juifs) ont occupé nombre de fonctions dans l’État musulman. Non seulement ils ont été employés comme fonctionnaires dans les administrations publiques, mais ils ont également été nommés vizirs (c’est la fonction la plus élevée après celle de calife), surtout pendant les périodes abbāssides et fatimide. Leur emploi dans l'administration islamique a commencé dès l’époque des conquêtes avec l'approbation des autorités musulmanes. L'explication la plus acceptée de cette politique était la nécessité pratique : dans les terres nouvellement conquises, les musulmans étaient minoritaires et ils avaient besoin des indigènes pour administrer ces territoires en maintenant les systèmes administratifs existants. C’est pourquoi, l’emploi des non-musulmans qui connaissaient ces territoires et étaient capables de tenir des registres dans les langues locales des zones conquises était devenu indispensable au fonctionnement de l’administration musulmane. Cependant, le recours aux non-musulmans dans la fonction publique conduisait, d’une part, à leur faire confiance dans les affaires de l’État et, d’autre part, à leur permettre d’exercer une certaine autorité sur les musulmans. Ces deux points étaient problématiques pour la majorité des juristes musulmans ainsi que pour certains dirigeants musulmans. On rapporte que ʿUmar b . Khaṭṭāb ( m. 23/644 ) et ʿAlī b. Abī Ṭālib ( m. 41/661 ) ont tous deux réprouvé l'emploi des non-musulmans dans les fonctions publiques. En outre, le Calife omeyyade ʿUmar b. ʿAbd al-ʿAzīz (m. 101/720) a ordonné leur renvoi des services de l’État. Cette décision n’a pas mis fin à leur présence dans l’administration où ils ont continué à servir durant les siècles suivants. C’est ainsi qu’en Espagne musulmane, certains courtisans juifs ont joué un rôle important dans la diplomatie, et de nombreux chrétiens et juifs ont servi comme vizirs ou responsables militaires, en dépit de la désapprobation des juristes Mālikites. L'emploi constant de non-musulmans dans les charges publiques indique que certains dirigeants ont pris leurs décisions en fonction des besoins pratiques de l'administration, sans tenir compte des opinions hostiles des juristes, ce qui a parfois provoqué des tensions aiguës entre les juristes et les califes à différentes périodes de l'histoire islamique.
chrétiens ; fonction publique ; scribe ; Secrétaire
Ahmed Oulddali : traduction
Notice n°252609, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252609/.