Fuero de Cuenca
Relations sexuelles entre une chrétienne et un infidele.
De mulier que con infideli fuerit deprehesa. Mulier que cum mauro uel iudeo derprehesa fuerit conburatur uterque.
R.Ureña y Smenjaud, Fuero de Cuenca, (Madrid, 1935),382
La femme qui est surpris avec un infidèle. Si une femme est surprise avec un Maure ou un juif, les deux devraient être brûlés vifs
Bueno, Marisa.
Les relations sexuelles entre membres de différents groupes religieux constituaient la plus grande des transgressions. Cette loi crée une interdiction des relations sexuelles entre personnes de différentes religions dans la ville de Cuenca, elle fut d’abord d’application municipale et plus tard elargie à differentes villes castillanes. Le texte du Fuero de Cuenca a eu une énorme influence dans la formation de la loi municipale castillane.
Dans l’Espagne chrétienne les relations sexuelles entre une femme chrétienne et un musulman ou juif étaient généralement trés risquées. Dans ce texte les relations sont considerées comme illicites et la femme chrétienne et l’infidèle doivent être brûlés. Le châtiment pour la femme est plus dur que pour l’homme chrétien qui aurait eu des rapports avec une maure ou juive (Fuero de Cuenca, XI, 25). Ces relations devaient être plus fréquentes, et elles étaient condamnées mais tolérées par la société.
La sexualité est un facteur culturel, et comme tel, elle est soumise aux principes régulateurs de la vie en communauté, et celle-ci, est à son tour soumise aux normes de la convivialité qui émanent de la coutume, de la morale et de la législation.
La peur que les chrétiens ont du mariage et des relations sexuelles avec les non chrétiens est un phénomène ancien et une des caractéristiques des églises primitives (1,Cor,7, 12-16).
L’union des juifs avec des chrétiennes est interdite par l’Empereur Constantin dans un édit de 339 . Et cette interdiction était présente dans la plupart des lois de la législation conciliaire hispanique, ainsi le Concile d’Elvire (309-310) inclut un canon interdisant le mariage entre les juifs et les femmes chrétiennes1. . Plus tard, pendant la période visigotique, l’influence de cette interdiction continue et elle inspire le IIIe concilie de Tolède (589) –canon 14- ; le IVe Concilie de Tolède (633) –canon 63-, le Xe Concile de Tolède -canon 7 -2
Cette disposition du Fuero de Cuenca se concentre sur l’acte même du rapport sexuel. Il existe des parallèles dans les autres lois municipales ibériques, telles que el Fuero de Teruel(loi 386) ou les Costums de Tortosa(9.2.7) . Dans tous ces cas évoqués, les deux accusés étaient condamnés à être brûlés. Les lois tentent de maintenir un certain niveau de ségrégation: le mariage et les relations sexuelles entre musulmans, juifs et chrétiens ont été interdits. En revanche ces interdictions n’existaient pas dans la loi islamique. Depuis les premiers jours de l'Islam, les lois que régissent le mariage étaient relativement claires: un musulman pouvait épouser une femme juive ou bien chrétienne, mais certains juristes considèrent que se marier avec une femme musulmane était de loin préférable. En revanche une femme musulmane pouvait seulement épouser un homme musulman , car une femme croyante ne devait pas avoir dans une position d'infériorité par rapport à un dhimmi. 3
Par contre, aucune mention n'est faite des relations sexuelles entre un homme chrétien et une musulmane ou juive; il semble qu’elles étaient tacitement acceptées. Selon les codes municipaux, il semble que les relations sexuelles entre les hommes chrétiens et les filles esclaves musulmanes étaient monnaie courante. (Voir fiche RELMIN, 252464)
L’influence du Fuero de Cuenca sur la législation forale castillane fut énorme, et tous les Fueros de sa famille reproduisent le même châtiment (Fuero de Alcaraz, Libre IV,48 Alarcon, Titre 256 , or Baeza, Titre 270). La transmission était différente dans le Fuero Étendu de Sepúlveda -Loi 41 où les témoins étaient admis pour prouver l’innocence de la femme et le châtiment pour le crime était assez different, l’homme devait être précipité du haut d’une falaise et la femme devait être brulée.
Entre le XIe et XIVe siècle les canonistes ont mis au point une littérature sur l’interdiction de tout contact sexuel entre chrétien et non chrétien, notamment à partir du IVe Concile de Latran –canon 68-, et cette doctrine canonique se refléta dans la création du droit municipal et territorial castillan au Moyen Âge royal dans la Couronne de Castille.
De nombreuses lois ont interdit les relations interreligieuses comme par example Las Partidas. Le mariage intereligieux a été interdit, sauf dans le cas d’un musulman déjà marié ou d’un juif converti au christianisme: une telle personne a le droit de rester mariée à un conjoint non chrétien, selon le Decretum de Gratien du pape Grégoire IX qui a confirmé ce droit en 1234.
1 . S. Leuchild, Power and Sexualite :The Emergence of Canon Law at the Synod of Elvira, (Philadelphia, 1972)
2 . Colección canónica hispana. Concilios Hispanos, segunda parte, edit. G. Martínez Díez , F. Rodríguez, (Madrid,1992), 120-121.239-240,551.
3 . A. Fattal, Le statut légal des non musulmans en pays de l’Islam (Beirut : Dar-el-Machreq, 1995),62.
Adam Bishop : relecture
Notice n°252466, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252466/.