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Forum Conche[I, 23]

Auteur

Alfonso VIII

Titre en français

Fuero de Cuenca

Titre descriptif

Achat d'un Maure pour l' échanger contre captif chrétien

Type de texte

fuero

Texte

De eo qui maurum comparauerit (si captium xristianum pro eo dare uoluerit , quid emptor habeat accipere). Quicumqque maurum conparauerit in Concha pro quo captiuum xristianum dare uelint, accipiat dominus mauri precium quod constitit, et decem aureos de lucro, et det eum, postquam maurus testificatus fuerit, si uenditus aut male missus fuerit, dominus mauri extrat xristianum de captiuitate, recipiendo precium supradictum.

Langue

Latin

Source du texte original

Fuero de Cuenca, éd. R. Ureña y Smenjaud, Madrid, 1935, (Forma sistematica),130.

Datation

  • Entre 1190 et 1250
  • Précisions : Le Code de Cuenca est un des plus anciens codes municipaux européens. L'original du Fuero donné par Alphonse VIII n'a pas été préservé. La plus ancienne version de ce code est le manuscrit de la Bibliothèque de l'Escorial (MS.Q.III.23) utilisé dans l'édition critique d'Ureña , datée de la première moitié du XIIIe siècle. Aussi, ont été préservées autres copies du final du XIIIe siècle en latin et romance ainsi que de nombreuses copies faites pour les autres villes de l'Extrémadure Castillane, La Mancha et l'Andalousie avec quelques variations par rapport au texte original. Le code pourrait être donné a la ville de Cuenca par Alphonse VIII en 1189-1190, il est un synthèse de la politique royale combinant les traditions locales et islamiques frontalières.

Aire géographique

  • Castille
  • Royaume de Castille, XIIe siècle.

Traduction française

Achat d'un Maure pour l’échanger contre captif chrétien Quiconque achète un Maure à Cuenca à donner en échange d'un captif chrétien doit payer le propriétaire du Maure le prix que le Maure lui a coûté, plus dix aurei de profit, et le propriétaire doit lui remettre ; après que le Maure aura été attesté, qu'il soit vendu à bon prix ou non, le propriétaire du Maure devra libérer le chrétien de la captivité après avoir reçu le prix convenu.

Source traduction française

M.Bueno

Résumé et contexte

Cette disposition du Fuero de Cuenca prévoit la procédure générale pour l'achat des captifs d’échange à appliquer à la plupart des villes castillanes. La guerre dans le contexte ibérique médiéval était l'une des plus importantes sources de richesse. La capture de prisonniers en tant que butin de guerre et comme objet d’échanges avait une importance particulière dans les chevauchées et les expéditions militaires menées par les chrétiens et les musulmans.1

L'échange de prisonniers était une pratique courante dans les régions frontalières de Castille et d'Aragon entre le XIIe et XIIIe siècle, avec des traitements différents lors des siècles suivants. La règle générale était l'échange de prisonniers, et seulement dans des cas exceptionnels la collecte de rançons était permise pour racheter un captif. Dans la société musulmane comme dans la société chrétienne, diverses formules ont été créées pour protéger les droits civils et patrimoniaux des captifs, ainsi que des systèmes pour les racheter. Il y avait deux procédures pour racheter un captif : d’une part en échange d'une somme d'argent et d’autre part en échange d’un autre captif. Cette pratique a donné naissance à des institutions et à des normes juridiques de l’échange. Dans la société musulmane la communauté participait collectivement dans cette activité à travers des quêtes publiques et des fondations pieuses. 2

Dans les Fueros castillans et aragonais l’échange de captifs était prévu. Les prisonniers musulmans capturés pendant des chevauchées destinées aux échanges ne faisaient pas partie du butin (Fuero de Cuenca, XXX,32). L’échange pouvait être réalisé pendant la chevauchée comme cela était réglementé dans le Fuero de las Cabalgadas (Titre LI), ou dans le Fuero de Uclés (Cap.157) ainsi qu’après celle-là, une fois que les maures objets de l’échange étaient sélectionnés. Les guerriers maures capturés pendant la campagne militaire pouvaient être utilisés pour l’échange contre un prisonnier chrétien ainsi que les captifs achetés aux marchés dans l’état permis par la législation médiévale. Cette situation a donné lieu à une casuistique compliquée en ce qui concerne l'indemnité pour être applicable au propriétaire du captif arraché et régie par la loi de Cuenca.

1 . R. Pinilla, « Aproximación al estudio de los cautivos cristianos fruto de la guerra santa en al-Andalus », La liberazione dei captivi tras cristianita e islam :oltre la crociata e il yihad, tolleranza e servizio umanitario, ed. G. Cipollone (Rome, 2000), 311-322 ; J.M. Calderón Ortega, F. J. Díez González, « Los intercambios de prisioneros en la Península Ibérica hasta el final de la Edad Media : notas para su estudio », Anuario Facultad de Derecho, Universidad de Alcalá II (2009), 405-439.

2 . A. García Sanjuàn, « Frontera , yihad, y legados píos en al-Andalus (siglos X-XV) » III Estudios de frontera, Jaén,2000 ,317-330, 323-324 , Till God inherits Earth, Islamic Pious Endowments in al-Andalus (Leiden-Boston, 2007), 113,123,191,205,210,213,261.

Signification historique

L'achat des captifs pour l'échange de prisonniers était une pratique courante qui a été réglementée par des lois municipales avec une forte influence de la pratique de la loi islamique en al-Andalus. La question du commerce des captifs dans les textes municipaux de Castille et Aragón fut influencée par la loi appliquée en al-Andalus, la première réglementation de rachat de captif était donc logiquement l'achat et les obligations des parents et propriétaires de captifs maures destinés à l'échange contre des chrétiens. En al-Andalus il y avait une riche jurisprudence en ce qui concerne l’échange de captifs chrétiens contre des musulmans prisonniers. Dans deux fatwas de Cordove de Ibn Rush al Yadd (m.1126) e Ibn al-Hayy (1134), on rapporte l’histoire d’un captif musulman qui n’avait pas une autre occasion de rachat, à part être échangé contre un captif chrétien dont le propriétaire refusait la vente à moins d’obtenir un profit supérieur à sa valeur. Le rachat des captifs était une norme obligatoire dans la société islamique et les deux juristes ont formulé un avis sur la question. Le premier admit l’achat du captif avec un prix plus haut que celui payé pour sa vente. Le deuxième mufti consulté, Ibn al Hāyy, donnait un réponse plus sévère : seulement devait être payé au propriétaire du captif chrétien le prix initial du l’achat, plus des frais d’entretien et vêtements du captif. 1

Ces dispositions de Ibn Hāyy sont transmises presque littéralement aux Fueros aragonais du XIIe siècle, qui prévoyaient des conditions favorables pour l'acquisition des captifs. Le Fuero de Calatayud réglementait qu’on ne payait que le prix d'achat du captif, une loi pleine de bonnes intentions mais vraiment très injuste parce qu'elle ne reconnaissait pas au propriétaire les coûts engagés dans leur maintien. Les Fueros postérieurs ont inclus de nouvelles normes pour établir des compensations au propriétaire. Le Fuero de Daroca établit que les parents du captif devaient payer au propriétaire le prix de vente au marché et de plus les frais d’entretien. Dans les fueros de Castille, les dispositions concernant les captifs étaient très abondantes, et dans toutes les dispositions le propriétaire recevait une compensation pour les frais d’entretien du captif. La pratique la plus fréquente était d’établir un profit pour le propriétaire du captif. Le montant du profit variait d’une somme en amont parfaitement fixée de 10 maravedís dans le Fuero de Cuenca et les textes apparentés (Fuero d’Alarcon Loi 26, Fuero d’Alcaraz Titre 22, Fuero de Baeza, Loi 24, Fuero d’Úbeda Titre VI, Fuero de Sepúlveda Titre 20) jusqu’à la troisième partie de sa valeur, où était incluse la moitié du prix payé pour le captif dans le Fuero d’Alba de Tormes. Las Partidas définissent les captifs comme « ceux qui tombent prisonniers d’hommes d'autres croyances » et pour cette raison ils avaient un pouvoir absolu sur eux, donc ils pouvaient être réduits en esclavage, « en les soumettant à de tels services qu’ils préféraient la mort à la vie ». Le mot asir était utilisé en al-Andalus pour définir toute personne capturée au cours d’une intervention de guerre contre un ennemi non musulman, ainsi al- Mawārdī considérait les prisonniers de guerre comme des « combattants infidèles vivants qui ont été pris pour les musulmans vainqueurs ».2 Ce mot comprend aussi les captifs comme prisonniers et entraîne un statut socio-religieux particulier, identique dans le droit castillan. La captivité à la fois en al-Andalus et en Castille entraînait d’énormes infortunes personnelles, telles que la vente du captif ou la séparation des familles. Parmi quelques situations mentionnées dans le code d’Alphonse X (Partidas II,29,3), il y eut des situations qui obligeaient à rechercher la liberté pour les prisonniers telles que l’appartenance à un même lignage, la relation matrimoniale et la descendance, la vassalité et l’amitié avec le captif.

Le Code Alphonsin recensa toutes les situations possibles en ce qui concerne le rachat de captif. Plus tard les Cours castillanes durent faire face à des problèmes plus pratiques telles comme la régulation des taxes dérivées du rachat des captifs qui devaient être payées aux fonctionnaires du Royaume de Castille, ce qui rendait plus difficile la libération. Cette situation fut réglée par des Cortes de Madrid de 1329 , Cortes de Valladolid 1351 , Cortes de Ocaña de 1422 3 et Cortes de Toledo de 1462 qui mettaient en évidence les grands abus des fonctionnaires et le haut prix des captifs pendant la Guerre de Grenada. 4

La situation d'un captif était assez précaire, comme celle d'une personne qui a perdu sa liberté, et même si théoriquement certains droits lui étaient reconnus comme avoir une famille et son propre patrimoine, dans la pratique, il était considéré comme rei sans droits. Son statut était correctement reflété dans un document de 1280 dans lequel le Maître de l'Ordre de Sainte-Marie de l'Espagne –plus tard intégré dans l’Ordre de Santiago- s’adresse à l'évêque de Jaén pour rappeler que le roi avait donné certains droits sur "les choses vacants et les Maures, chevaux, juments, mulets et mules et tout autre bétail et les biens perdus sur la terre." 5Ce fut le statut social qu'avaient les musulmans en Castille, comparable à celui des chrétiens en terres de Grenade. 6

1 . F. Vidal Castro, « Los prisioneros de guerra en manos de musulmanes : la doctrina legal islámica y la práctica en al-Andalus (siglos VIII-XIII) » in M. Fierro, F. García Fitz (eds.) El cuerpo derrotado: como trataban musulmanes y cristianos a los enemigos vencidos (Península Ibérica, ss. VIII-XIII), CSIC (Madrid, 2008), 501.

2 . Al Mawārdī , Les statuts gouvernementaux ou régles de droit public et administratif, E. Fagnan, (trad.) (Beirut, 1982) (Reimp. Argel, 1915), 276.

3 . Cortes de los Antiguos Reinos de León y Castilla, RAH (Madrid, 1883) Cortes I, pet.67,428; Cortes II, pet.17,57, Cortes III, pet.10,42-43

4 . Cortes de los Antiguos Reinos de León y CastillaRAH (Madrid, 1883) Cortes III, pet.54,742-743. E. Cabrera Muñoz, « De nuevo sobre cautivos cristianos en el Reino de Grananda », Meridies, 3 (1996)137-160; J. Torres Fontes, « La frontera de Granada en el siglo XV y sus repercusiones en Murcia y Orihuela : los cautivos », Instituciones y sociedad en la Frontera murciano-granadina, (Murcia,2004) 191-218.

5 . Archivo Municipal de Ubeda, Carpeta 4, n°3, 8 Enero de 1280.

6 . C . Argente del Castillo, « Los cautivos entre la frontera entre Jaén y Granada », Relaciones exteriores del Reino de Granada IV del Coloquio de Historia Medieval Andaluza (coord ), C. Segura Graíño, (1988), 211-225 212-225.

Manuscrits

  • Le Fuero original donné par Alphonse VIII n'a pas été préservé. La plus ancienne version de ce code est le manuscrit de la Bibliothèque du Escorial (MS.Q.III.23) utilisé dans l'édition critique d'Uruena , datée de la première moitié du XIII siècle. Aussi, ont été trouvées autres copies des XIIIe et XIVe siècles: manuscrit de Paris Ms. 12927 (latin, la version originale), et les versions en roman du Codice Valentino (Ms.39 B. Université de Valence) et la version Conquense (XIVe siècle, Archives municipales de Cuenca).

Editions

  • G.H. Allen, Forum Conche, (Cincinati, 1909-1910).
  • R.Ureña y Smenjaud, El Fuero de Cuenca (Formas primitiva y sistematica/texto latino, texto castellano y adpatacion del Fuero de Iznatoraf, (Madrid, 1935).

Traductions

  • J.F. Powers, The Code of Cuenca. Municipal Law on the twelfth-Century Castillian Frontier, Pennsylvania, 2000.
  • A. Valmaña Vicente, El fuero de Cuenca, 2nd ed. (Cuenca ,1978).

Etudes

  • C . Argente del Castillo, « Los cautivos entre la frontera entre Jaén y Granada », Relaciones exteriores del Reino de Granada. IV del Coloquio de Historia Medieval Andaluza , (coord ), C. Segura Graíño, (1988), 211-225.
  • J.M. Calderón Ortega, F. J. Diez González, « Los intercambios de prisioneros en la Península Ibérica hasta el final de la Edad Media : notas para su estudio », Anuario Facultad de Derecho, Universidad de Alcalá, II (2009), 405-439.
  • R. Pinilla, « Aproximación al estudio de los cautivos cristianos fruto de la guerra santa en al-Andalus », La liberazione dei captivi tras cristianita e islam :oltre la crociata e il yihad,tolleranza e servizio umanitario, ed. G. Cipollone, (Rome, 2000) ,311-322
  • James J. Powers, "The Early Reconquest of Episcopate at Cuenca, 1177-1284", The Catholic Historical Review, vol.87,1, (2001), 1-16.
  • J. Torres Fontes, « La frontera de Granada en el siglo XV y sus repercusiones en Murcia u Orihuela: los cautivos », Instituciones y sociedad en la frontera murciano-granadina, (Murcia,2004) 191-218
  • F. Vidal Castro, « Los prisioneros de guerra en manos de musulmanes : la doctrina légal islámica y la practica en al-Andalus (siglos VIII-XIII) » in M. Fierro, F. Garcia Fitz (eds.) El cuerpo derrotado: como trataban musulmanes y cristianos a los enemigos vencidos (Península Ibérica, ss. VIII-XIII), CSIC, (Madrid, 2008), 485-506.

Mots-clés

Captifs ; rachat

Auteur de la notice

Marisa   Bueno

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°252459, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252459/.

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