Code Théodosien
Fermeture aux juifs des emplois civils et militaires
Idem AA. Paladio, praefecto praetorio. In Iudaica superstitione viventibus adtemptandæ de cetero militiæ aditus obstruatur. Quicumque igitur vel inter agentes in rebus vel inter palatinos militiæ sacramenta sortiti sunt, percurrendæ eius, et legitimis stipendiis terminandæ remittimus facultatem, ignoscentes facto potius quam faventes, in posterum vero non liceat quod in præsenti paucis volumus relaxari. Illos autem, qui gentis huius perversitati devincti armatam probantur adpetisse militiam, absolvi cingulo sine ambiguitate decernimus, nullo veterum meritorum patrocinante suffragio. Sane Iudæis liberalibus studiis institutis exercendæ advocationis non intercludimus libertatem et uti eos curialium munerum honore permittimus, quem prærogativa natalium et splendore familiæ sortiuntur. Quibus cum debeant ista sufficere, interdictam militiam pro nota non debent æstimare. Dat. VI id. mart., Ravennae, Honorio XII et Theodosio VIII AA. Conss.
T.Mommsen & P.Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1904, 4th reed. 1971), 893 .
Les mêmes Augustes à Palladius, préfet du prétoire. Tous les services seront fermés à ceux qui vivent dans la superstition judaïque. Cependant Nous acceptons que ceux qui ont prêté les serments du fonctionnariat, qu'ils soient agentes in rebus ou fonctionnaires palatins, puissent mener leur service à terme, voulant ignorer le fait sans pourtant l’approuver. Mais la tolérance que Nous voulons admettre présentement pour un petit nombre ne sera plus permise à l’avenir. Quand à ceux dont il est établi qu’ils appartiennent à l’armée tout en étant liés à ce peuple pervers, Nous décidons sans discussion possible qu’on leur ôtera leur ceinturon, sans que leurs mérites anciens puissent plaider en leur faveur. Pour ce qui est des juifs instruits dans les disciplines libérales, Nous ne leur enlevons absolument pas la possibilité de pratiquer le métier d’avocat, et Nous les autorisons à jouir des honneurs attachés aux fonctions curiales, qu’ils ont la chance d’espérer en vertu des prérogatives de leur naissance et de la gloire de leur famille. Puisqu’ils doivent se contenter de ces avantages, ils ne doivent pas considérer l’interdiction du service impérial comme une marque d’infamie. Donné le 6 des ides de mars, à Ravenne, sous le douzième consulat d'Honorius et le huitième de Théodose, Augustes.
C. Nemo-Pekelman
La chancellerie occidentale de Ravenne, pour des raisons tant politiques et militaires que religieuses et idéologiques, rend cette constitution le 10 mars 418. Pour les juifs fonctionnaires civils du Palais, la loi n’est valable que pour l’avenir, ne touchant pas ceux qui sont déjà en poste. Mais pour les juifs militaires dans l'armée occidentale, elle est d'applicabilité immédiate. On leur « ôtera leur ceinturon » (cingulum militis absolvi), une expression qui figure l’exclusion de l’armée ou de l’administration en général. La loi précise que cette mesure, qui venait classiquement en sanction de fautes très graves, n’est pas justifiée par les motivations classiques. Le fonctionnaire juif ne pourra pas protester de ses mérites personnels pour contester la mesure. Dans le troisième paragraphe, le législateur précise aussi que les juifs pourront continuer de pratiquer le métier d’avocat. L’avocature était, au Bas-Empire, un tremplin pour ceux qui ambitionnaient d’accéder au cursus honorum. La loi signifiait donc aux juifs que si cette dernière étape dans leur carrière leur était désormais fermée, rien ne les empêchait pour autant de pratiquer le métier d’avocat, à condition qu’ils se contentent d’exercer cette profession à titre privé. En outre, les juifs pourront continuer de servir à la curie. On a cru lire ici l’hypocrisie du législateur, puisque beaucoup de citoyens éligibles à la curie cherchaient à éviter cette charge. Mais cette précision avait en réalité un objet bien précis. Elle visait à ce que les juifs ne « considèrent pas l’interdiction du service impérial comme marque d'infamie. » Il se pourrait que la chancellerie ait répondu à un argument soulevé par des juifs du Palais pendant l’élaboration de la loi, qui avaient tenté de faire reculer la chancellerie en arguant que l’incapacité d’accéder au fonctionnariat impliquait, dans la logique du droit, qu’ils seraient « rabaissés au statut infâmes. » La chancellerie avait adopté une attitude de dénégation, sans oser assumer jusqu’au bout sa décision de faire des juifs des « infâmes. »
Cette constitution est la première du genre, et on a tort de citer comme précédent la loi du 22 avril 404 (CTh. 16.8.16), d'esprit et de portée très différents. La constitution, qui n'affectait au départ que les fonctionnaires juifs appartenant aux administrations civiles et militaires de la partie occidentale de l'Empire, fut étendue à l'Orient avec la publication du Code Théodosien le 1er janvier 438. Elle fut encore renforcée par la Novelle III du 31 janvier 438.
armée ; avocat ; conseil municipal ; curie ; fonction publique ; infamie
Adam Bishop : traduction
Notice n°238329, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait238329/.