Iudaeorum filios vel filias, ne parentum ultra involvantur errore, ab eorum consortio separari decernimus deputatos aut monasteriis aut christianis viris ac mulieribus Deum timentibus, ut sub eorum conversatione cultum fidei discant atque in melius instituti tam in moribus quam in fide proficiant.
Nous ordonnons que les fils ou filles de juifs soient séparés de la société de leurs parents de peur qu'ils ne deviennent plus encore cernés par l'erreur de ceux-ci et qu'ils soient assignés soit à des monastères soit à des hommes chrétiens et des femmes craignant Dieu. Ainsi pourront-ils se familiariser avec la foi et ses coutumes en vivant la vie [de ces chrétiens], et, comme ils auront bénéficié d'une meilleure éducation, ils pourront progresser dans leur conduite aussi bien que dans leur foi.
Source traduction française
L. Foschia
Résumé et contexte
C'est l'un des neuf canons qui fut émis à Tolède IV au sujet des juifs, des convertis et de leurs enfants. Publié comme une partie d'un plan législatif plus vaste visant à contrôler les frontières entre judaïsme et christianisme et à inverser le recul des convertis de force, ce canon ordonna que les enfants juifs soient retirés aux soins de leurs parents pour être élevés par des chrétiens. Dans des manuscrits plus tardifs, on trouve à la première ligne l'ajout "baptizatos" à "filios vel filias". Certains en ont conclu que le concile à l'origine souhaitait que ce canon ne s'appliquât qu'aux enfants de juifs convertis relaps.
Signification historique
Comme avec les autres canons de Tolède, le canon 60 était sans précédent ; il resta aussi très largement inappliqué dans l'Espagne du VIIe siècle et ailleurs. Néanmoins, il fit aussi partie des recueils canoniques plus tardifs et fut republié au concile de Paris-Meaux en 845-846. Pourtant, des copies de ce canon datant du XIe siècle proclament que ce sont les enfants issus de convertis relaps qui devaient être enlevés à la garde de leurs parents plutôt que les enfants de tous les juifs indistinctement. Lorsque Gratien a intégré ce canon dans son Decretum, il a de la même façon spécifié qu'il s'appliquait aux fidèles, i. e. chrétiens, qui étaient fils de parents juifs. En effet, la plus grande partie de la législation postérieure en contradiction avec le canon 60 interdit de baptiser des enfants juifs sans l'accord de leurs parents.
Les canons de Tolède répercutent les bouleversements religieux dans l'Espagne des VIe et VIIe siècles, après que Reccard eut décrété la conversion des Ariens au catholicisme en 589 et que Sisebut eut ordonné aux juifs de se convertir au christianisme. Le baptême forcé des juifs et leur reconversion subséquente semblent avoir déconcerté plus d'un ecclésiastique d'Espagne, mais certainement pas tous. Ce concile et ceux qui suivront ont adopté des moyens divers pour convertir au christianisme les juifs baptisés et leur progéniture, promulguant pour cela une série de canons inhabituellement sévères. Le véritable effet qu'ils eurent sur les juifs du VIIe siècle reste cependant inconnu. D'après la législation wisigothique postérieure, nombreux sont les nobles et prélats qui n'ont pas appliqué ces lois ; et la communauté juive d'Espagne survécut au royaume des Wisigoths.
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Traductions
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Notice n°1060, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)» Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait1060/.