./.

Tuae fraternitatis discretio

Auteur

Innocent III

Titre en français

Tuae fraternitatis discretio

Titre descriptif

Éclaircissements à l’évêque d’Auxerre sur le paiement des dîmes par les Juifs et sur l’usure.

Type de texte

Bulle pontificale

Texte

EPISCOPO AUTISIODORENSI. Tuae fraternitatis discretio postulavit per sedem apostolicam edoceri qualiter contra Judaeos illos procedere debeas qui cum villas, praedia et vineas emerint, decimas ex eisdem ecclesiis et personis ecclesiasticis debitas reddere contradicunt, cum per censuram ecclesiasticam compelli nequeant, quam contemnunt. Nos autem inquisitioni tuae taliter respondemus, quod terrae princeps est sollicite admonendus ut ipsos ad solutionem earum tradita sibi potestate compellat. Quod si forsan ille id exsequi non curaverit, sub districtione anathematis interdicendum est Christianis ne habeant commercia cum eisdem, donec satisfecerint de praemissis.[...] Caeterum cum in dioecesi tua sint quamplurimi usurarii, de quibus minime dubitatur quin sint usurarii manifesti, contra quos propter timorem principum et potentum, qui tuentur eosdem, non apparet aliquis accusator, nec iidem sunt per sententiam condemnati, qualiter procedere valeas contra ipsos, oraculum duxisti sedis apostolicae requirendum. Nos autem fraternitati tuae taliter respondemus, quod licet contra ipsos non appareat accusator, si tamen aliis argumentis illos esse constiterit usurarios manifestos, in eos poenam in Lateranensi concilio contra usurarios editam libere poteris exercere. Datum Laterani, XVII Kal. Junii, anno decimo.

Langue

Latin

Source du texte original

ASV, Reg. Vat. 7a, f. 14v., n. 61.

Datation

  • Date fixe :

Aire géographique

Traduction française

À L’ÉVÊQUE D’AUXERRE. Le discernement de vôtre fraternité vous a porté à demander à la Siege Apostolique d’être renseingé sur comment procéder contre les Juifs qui, en ayant acheté des villas, des fermes et des vignobles, ne veulent pas payer sur eux les dîmes dues aux églises et aux religieux, car on ne peut pas les obliger par la discipline ecclèsiastique, qu’ils meprisent. Ainsi nous répondons à vôtre question: vous devez soigneusement rappeller au prince du pays d’utiliser le pouvoir lui confié pour leur imposer le payement. Et si, par hasard, il ne veut pas le faire, vous devez interdire aux Chrétiens, sous la contrainte d’excommunication, tous les commerces avec eux (les juifs) tant qu’ils n’aient payé lesdites dîmes. [...] Pour le reste: puisque dans vôtre diocèse il y a un certain nombre d’usuriers, qui sont sans doute des usuriers manifestes, mais à cause de la peur des princes et des puissants, qui les protègent, il n’y a pas d’accusateurs et ils ne sont pas condamnés par sentence, vous avez demandé une réponse à la Siège Apostolique sur comment procéder contre eux. Nous répondons ainsi à vôtre fraternité: bien que contre eux il n’y a pas d’accusateurs, si il y a des autres arguments pour lesquels ils sont clairement des usuriers, vous pouvez librement appliquer contre eux la peine établie contre les usuriers par le Concile du Latran. Donné au Latran, le dix-septième jour avant les Calendes de juin, dans le dixième année.

Source traduction française

L. Fois

Résumé et contexte

Avec des autres lettres du même période (Non Minus au roi de Castille, 1205 mai 5 ; Precibus dilectorium au chanteur de Sagunto, 1207 janvier 4), la Tue fraternitatis discretio aborde la question du payement par le juifs des dîmes sur les propriétés achetées ou même acquises comme gage des chrétiens. Innocent III écrit en réponse à l’évêque d’Auxerre qui était préoccupé pour la diminution de ses revenues et pour l’impossibilité de contraindre les juifs à payer. Le pontife, comme dans les autres lettres sur ce sujet, suggère au prélat de demander l’aide des pouvoirs séculiers ou d’appliquer l’ « excommunicatio indirecta » en prohibant aux fidèles chrétiens – sous la peine d’excommunication – de commercer avec les juif jusqu’au moment du payement de l’impôt. La deuxième partie de la lettre est dédiée à l’usure et nous montre comment les normes promulguées par le quatrième Concile du Latran (c. 67) fussent aisément contournées avec la connivence des pouvoirs laïques. Le pape suggère d’ouvrir les actions en justice par la fama, pour subvenir à la faute de témoins d’accusation (évidement intimidés par les pouvoirs locaux) nécessaires pour la procédure ordinaire.

Signification historique

Au début du XIIIe siècle les dîmes étaient devenues le principal moyen de subsistance du clergé local et pour cette raison les institutions ecclésiastiques étaient très intéressées à leur perception. Les biens des juifs n’étaient toutefois sujets à cette forme d’impôt, donc chaque parcelle achetée par eux signifiait une diminution des rentes d’une église ou d’un monastère. Pour faire face à ce problème l’Église essaya d’imposer le principe selon lequel les juifs étaient obligés à payer la dîme au moins sur les biens qu’ils avaient acheté dès chrétiens, qui étaient déjà sujets à cet impôt. Des premières essais dans cette direction avaient été faits par Alexandre III (avec la Quia super his de 1159-1179 et, surtout, avec la Non sine multa du 1274-1279) et Célestin III avec la Cum Iudaice duricia du 23 mai 1193, mais fut Innocent III à revenir avec insistance sur la question. Le principe fut différemment appliqué en chaque pays d’Europe. En France la situation variait d’une région à l’autre, mais en général il était très difficile obliger les juifs à payer et les barons n’étaient pas impatient d’appliquer la norme dans leur domaines. Dans le Midi, l’Église et les communautés juives parvinrent-ils à un accord pour lequel en lieu de la dîme chaque famille juive devait payer une somme pour la subsistance du clergé. En Espagne les pontifes insistèrent beaucoup afin de faire payer la dîme aux juifs, parfois contre la volonté des souverains ; en certains cas – comme celui de l’archevêque de Tolède – furent stipulées des accords similaires à celui du Midi.

Manuscrits

  • ASV, Reg. Vat. 7a, f. 14v., n. 61.

Editions

  • E. Baluze, Epistolarum Innocentii III Romani pontifici libri undecim II, (Paris 1682), 33.
  • Migne, PL II, 1157-1158, n. 61
  • S. Grayzel, The church and the Jews in the XIIIth Century I, (Philadelphia 1933), 124, n. 22.
  • Die Register Innocenz’ III. 9. Pontifikatsjahr, 1206/1207: Texte und Indices, (A. Sommerlechner O. Hageneder, C. Egger, R. Murauer e H. Weigl eds.), (Wien 2004), n. 61.
  • S. Simonsohn, The Apostolic See and the Jews. I Documents: 492-1404, (Toronto 1991), 91-92, n° 86.

Traductions

  • S. Grayzel, The church and the Jews in the XIIIth Century I, (Philadelphia 1933), 125, n. 22.

Etudes

  • H. Gilles, «Commentaires méridionaux des prescriptions canoniques sur les juifs», Juifs et judaïsme de Languedoc, (Cahiers de Fanjeaux 12), (Toulouse 1977), 23-50.
  • S. Grayzel, The church and the Jews in the XIIIth Century I, (Philadelphia 1933), 36-38
  • S. Simonsohn, The Apostolic See and the Jews VIII History, (Toronto 1991), 103, 180-185.

Mots-clés

dîme ; Juifs/Judaïsme ; usure

Auteur de la notice

Luca   Fois

Comment citer cette notice

Notice n°326594, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait326594/.

^ Haut de page