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Impia judeorum perfidia

Auteur

Innocent IV

Titre en français

Impia judeorum perfidia

Titre descriptif

Lettre au roi de France sur la destruction des copies du Talmud et sur l’interdiction faite aux juifs d’avoir des nourrices chrétiennes.

Type de texte

Bulle pontificale

Texte

Illustri regi Francie. Impia judeorum perfidia, de quorum cordibus propter immensitatem suorum scelerum Redemptor noster velamen non abstulit, sed in cecitate, que contigit ex parte, in Israel adhuc manere permittit, prout convenit, non attendens, quod ex sola misericordia pietas ipsos Christiana receptet et cohabitationem illorum sustineat patienter, illa committit enormia que stupori audientibus et referentibus sunt horrori. Ipsi enim ingrati domino Jhesu Christo, qui conversionem eorum ex sue longanimitatis affluentia patienter expectat, nullam pretendentes verecundiam culpe sue, nec reverentes honorem fidei Christiane, omissis seu contemptis lege Mosayca et prophetis, quasdam traditiones seniorum suorum sequuntur. Super quibus eos in Evangelio Dominus obiurgatur dicens: “Quare vos transgredimini mandatum Dei, et irritum fecistis propter traditiones vestras, hominum doctrinas et mandata dicentes” (Mt. XV, 3). In huiusmodi namque traditionibus que Thalamuth Ebraice nuncupantur, et magnus liber est apud eos, excedens textum Biblie in immensum, in quo sunt blasphemie in Deum et Christum eius ac Beatam Viriginem manifeste intricabiles fabule, abusiones erronee ac stultitie inaudite filios suos docent ac nutriunt; et a legis et prophetarum doctrina reddunt ipsos penitus alienos. Verentes ne veritate, que in eisdem lege ac prophetis est, intellecta, aperte de unigenito Dei filio venturo in carnem testimonium perhibente, convertantur ad fidem et ad Redemptorem suum humiliter revertantur. Et hiis non contenti, faciunt Christianas filiorum suorum nutrices in contumeliam fidei Christiane, cum quibus turpia multa committunt. Propter que fidelibus est verendum, ne divinam indignationem incurrant, dum eos perpetrare petiuntur indigne, que fidei nostre confusione inducunt. Et licet dilectus filius cancellarius Parisiensis et doctores regentes Parisii in sacra pagina, de mandato felicis recordationis G(regorii) pape predecessoris nostri, tam predictum abusionis librum, quam alios quosdam cum omnibus glosis suis perlectos in potestate, ac examinatos ad confusione perfidie Judeorum, publice coram clero et populo incendio concremarint, prout in litteris eorum perspeximus contineri, quibus tu, tanquam Catholicus rex, et princeps Christianissimus, impendisti super hoc auxilium congruum et favorem, pro quo regalem excellentiam dignis in Domino laudibus commendamus, ac prosequimur actionibus gratiarum. Quia tamen nondum Judeorum ipsorum abusio prophana quievit, nec adhuc dedit eis vexatio intellectum; celsitudinem regiam attentius rogamus, moniendo, et obsecramus in domino Jhesu Christo, quam excessus huiusmodi detestabiles, et enormes, commissos in contumeliam Creatoris, et injuria nominis Christiani, prout pie incepisti laudabiliter prosequendo, faciens debite severitate percelli; tam predictos abusionum libros, reprobatos per doctores eosdem, quam generaliter omnes cum glosis suis, qui per ipsos examinati et reprobati fuerint, mandes per totum regnum tuum, ubicumque repperiri poterunt igni cremari; firmiter inhibendo ne de cetero nutrices, seu servientes habeant Christianos, ne filii libere famulentur ancille, sed tamquam servi reprobati a Domino, in cuius mortem nequiter conspirarunt, saltem per effectum operis, servos se recognoscant illorum, quos Christi mors, et istos liberos, et illos constituit esse servos; ut proinde sinceritatis tue zelum possimus in Domino dignis laudibus commendare. Dat. Laterani, VII Id. maii, anno primo.

Langue

Latin

Source du texte original

Reg. Vat. 21, ff. 105v-106r, n. DCLXXXIII.

Datation

  • Date fixe : 1244
  • Précisions : 09/05/2144

Aire géographique

Traduction française

À l’illustre roi de France L’impie perfidie des juifs, dont par suite de l’immensité de leurs crimes Notre-Seigneur n’a pas arraché le voile de leur cœur, mais les laissa demeurer toujours dans l’aveuglement qui encore regarde Israël, comme il convient, n’empêchant cependant pas que, par pure miséricorde, la compassion chrétienne les reçoive et tolère patiemment leur coexistence, leur fait commettre de telles énormités qui causent la stupeur de ceux qui les entendent et l’horreur de ceux à qui elles sont relatées. Ils, en effet, ingrats au seigneur Jésus-Christ qui attend patiemment leur conversion dans l’abondance de son indulgence, en négligeant et en méprisant la loi Mosaïque et les prophètes, suivent certaines traditions de leurs ancêtres et ne montrent pas la moindre honte pour leur faute, ni révérence pour l’honneur de la foi chrétienne. Sur ces traditions le Seigneur les blâme dans l’Évangile en disant : « Et vous, pourquoi désobéissez-vous au commandement de Dieu au nom de votre tradition, en enseignant les doctrines et les commandements des hommes ? ». En effet, dans ces traditions qui sont nommées Talmud en langue juive – et ce livre est très important parmi eux et, en dépassant le texte de la Bible en longueur, il contient des blasphèmes évidents contre Dieu et son Christ et la Vierge, des histoires compliquées, des outrages erronés et des folies inouïes – les juifs instruisent et nourrissent leurs fils et les éloignent complètement des enseignements de la loi et des prophètes, en redoutant que, après avoir connu la vérité contenue dans la loi et les prophètes, qui donnent un témoignage évidente que le fils unique de Dieu s’incarnera, ils se convertissent à la foi et qu’ils reviennent humblement à leur Rédempteur. Et, pas encore satisfaits, dans le mépris de la foi chrétienne, ils rendent des femmes chrétiennes nourrices de leurs enfants, en commettant un grand nombre d’actions abjectes avec elles. Pour cette raison les fidèles doivent craindre d’encourir la colère divine pour autant qu’ils leur permettent honteusement de faire des actions qui causent la confusion dans notre foi. Et quoique notre bien-aimé fils le chancelier de Paris et les docteurs régents en écriture sacré à Paris – auxquels tu, en tant que roi catholique et prince très chrétien, avais garanti le soutien nécessaire et la faveur dans cette affaire, pour laquelle nous recommandons à Dieu ta royale excellence avec les éloges adéquats et nous faisons suivre notre remerciements – par mandat de notre prédécesseur le pape Grégoire d’heureuse mémoire, comme nous avons vu contenu dans leurs lettres, ils aient brûlé publiquement dans le feu devant le clergé et le peuple ledit livre d’abus autant que quelques autres, qu’ils avaient lu minutieusement et examiné avec toutes leurs gloses, selon leur faculté, afin de confondre la perfidie des juifs ; néanmoins, car l’abus profane de ces juifs n’a pas encore cessé et même la persécution ne leur a pas permis de comprendre, nous demandons plus vivement à ta majesté royale, en t’avisant, et nous implorons pour notre seigneur Jésus Christ que tu fasses sanctionner avec la sévérité due – en continuant louablement, comme tu avais déjà dévouement commencé à faire – les excès détestables et énormes qui ont été commis, offensant le Créateur et faisant honte au nom chrétien ; en ordonnant de brûler dans le feu soit lesdits livres d’abus, condamnés par lesdits docteurs, et en général tous ceux qui, avec leur gloses, seront examinés et condamnés par eux, de partout où on pourra les trouver dans ton royaume ; en défendant fermement que dorénavant ils [les juifs] puissent avoir des nourrices ou des domestiques chrétiennes et que les enfants d’une femme libre soient soumis à ceux d’une servante, mais au contraire, comme des serfs condamnés par le Seigneur, pour la mort duquel ils ont ignoblement conspiré, au moins pour cette raison, ils se reconnaissent servants de ceux que la mort du Christ destinait à la liberté et à leur servitude ; afin que nous puissions recommander au Seigneur la sincérité de ton zèle avec des éloges adéquats. Donné à Latran, le septième jour des Ides de mai de la première année.

Source traduction française

L. Fois

Résumé et contexte

Le pape Innocent IV demande au roi de France de punir sévèrement et poursuivre ceux qui ont continué à utiliser le Talmud et d’autres textes rabbiniques après leur condamnation par une commission ecclésiastique ; de trouver et brûler tous les exemplaires restants de ces livres ; et d’interdire aux juifs d’avoir des nourrices chrétiennes. Trois ans après les accusations de Nicolas Donin, un juif converti, le pape Grégoire IX promulgua une série de bulles condamnatoires, en ordonnant aux souverains et aux prélats de l’Europe chrétienne de saisir, le premier Sabbat de carême, tous les copies du Talmud et d’autres écrits juifs et de les soumettre aux autorités ecclésiastiques pour une inspection de leur contenu. Les décrets pontificaux ont été exécutés uniquement dans les domaines de la couronne de France, où le roi Louis IX confisqua les textes rabbiniques et convoqua les plus importants rabbins français pour défendre le Talmud contre les accusations de Donin. Après un procès en 1240, à la lumière des opinions d’une commission ecclésiastique, le roi procéda au brûlement du Talmud à Paris en 1242. Peu après son élection, Innocent IV renouvela les décrets de son prédécesseur avec la bulle Impia Judaeorum perfidia.

Signification historique

Au cours du printemps 1244, Innocent IV promulgua cette bulle, en renouvelant les ordres de son prédécesseur et en répétant les accusations contre les lois orales des juifs, en ajoutant que dans le Talmud il y avait beaucoup des blasphèmes et d’erreurs contre la religion chrétienne. Malgré cela, la question de l’allégeance à l’Ancien Testament était la préoccupation principale du pontife, comme on peut voir clairement dans l’appel de la communauté juive de France : il n’y a aucune mention de blasphème mais, au contraire, l'appel est lié exclusivement à la compatibilité du Talmud avec la loi biblique. En effet, le pape avait des doutes sur la possibilité de priver injustement les juifs de leurs livres, en les empêchant de respecter leurs lois. Pour cette raison, Innocent chargea Odo de Châteauroux de présider une autre commission d’enquête pour vérifier si le Talmud était nécessaire pour expliquer la vraie loi de Moïse, comme déclaré par les juifs, ou s’il était en soi une autre loi, comme Grégoire et Innocent même l’avaient initialement dit. En mai 1248, la commission d’Odo décida que le Talmud devait être condamné.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Reg. Vat. 21, ff. 105v-106r, n. DCLXXXIII.

Editions

  • Mansi, Sacrorum Conciliorum XXIII, col. 591-592
  • S. Grayzel, The church and the Jews in the XIIIth Century I, (Philadelphia 1933), pp. 250-252, n. 104.
  • Sbaralea, Bullarium Franciscanum I, p. 322, n. 41

Traductions

  • The Trial of the Talmud Paris 1240, J. Friedman, J. Connel Hof, R. Chazan (eds.), pp. 95-97, n. 5
  • S. Grayzel, The church and the Jews in the XIIIth Century I, (Philadelphia 1933), pp. 251-253, n. 104
  • S. Simonsohn, The Apostolic See an the Jews, (Toronto 1988), pp. 181-181, n. 171.

Etudes

  • R. Chazan, “The condemnation of the Talmud reconsidered (1239-1248), Proceedings of the American Academy for Jewish Research 55 (1988), pp. 11-30.
  • J. Cohen, “Scholarship and Intolerance in the Medieval Academy: the Study of Evaluation of Judaism in European Christendom”, The American Historical Review 91 (1986), pp. 592-613.
  • J. Cohen, Living Letters of the Law. Ideas of the Jews in Medieval Christianity, (Berkeley, Los Angeles, London 1999).
  • J. Rembaum, “The Talmud and the popes: reflections on the Talmud trials of the 1240s”, Viator: Medieval and Renaissance Studies 13 (1982), pp. 203-223.
  • J.M. Rosenthal, “The Talmud on Trial: The Disputation at Paris in the Year 1240”, The Jewish Quarterly Review, New Series 47 (1956), pp. 58-76, 145-169.
  • The Trial of the Talmud Paris 1240, J. Friedman, J. Connel Hoff, R. Chazan (eds.), (Toronto 2012).

Mots-clés

blasphème ; nourrices ; Roi de France ; Talmud

Auteur de la notice

Luca   Fois

Comment citer cette notice

Notice n°272599, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait272599/.

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