Foral de Évora
Les voyageurs et les marchands juifs ou musulmans ne doivent pas voir leurs biens saisis à moins qu’ils ne soient cautions ou débiteurs
Testamus uero et perenniter firmamus ut quicumque pignorauerit mercatores uel uiatores christianos iudeos siue mauros nisi fuerit fideiussor uel debitor quicumque fecerit pectet LX solidos a palacio1 et duplet ganatum quod prendiderint a suo domino et insuper pectet C morabitinos pro cauto quod fregit. Rex habeat medietatem et concilium medietatem.
R. de Azevedo, ed., Documentos medievais portugueses. Documentos régios, vol. 1, tome 1 (Lisboa, 1958), 371-373, at 372.
Nous attestons et confirmons perpétuellement que quiconque effectuerait une saisie chez des marchands ou des voyageurs, chrétiens, juifs ou maures, sans être garant ou débiteur, quiconque le fera paiera 60 solidi au trésor du palais et il paiera le double des biens qu’il saisira à leur possesseur, et de plus il paiera l’amende de 100 morabitini pour la sécurité du passage qu’il aura violée. Le roi en recevra la moitié et le conseil (recevra l’autre) moitié.
Claire Chauvin
Sur la charte pour les habitants d’ Évora (1166), dans laquelle se trouve le passage cité ci-dessus, voir la notice 254662.
Ce passage indique que les marchands et les voyageurs (viatores) bénéficiaient de la sécurité du passage et ne pouvaient pas être saisis, à moins qu’ils ne soient débiteurs ou garants de parties qui auraient fait défaut. Il indique également que les juifs et les musulmans étaient inclus parmi les marchands et les viatores qui bénéficiaient de la sécurité du passage.
La clause est répétée dans la plupart des chartes dérivées du modèle d’Évora et, bien que ces textes latins et portugais présentent nombre de variantes, le sens général de la règle persiste : quiconque saisit un marchand ou un voyageur doit payer à celui qui est saisi le double des biens qui lui furent saisis. La moitié de l’amende supplémentaire de 100 morabitini est conservée par le conseil municipal ; l’autre moitié va aussi bien au roi, le maître de l’ordre militaire, qu’à un ecclésiastique, selon lequel des trois avait émis la charte respective.
La clause ne se trouve pas dans un sous-groupe de la famille de la charte d’Évora, la recension descendante de la charte de Penamacor (1209).1
1 . Au sujet de la recension de Penamacor, composée des forais de Penamacor (1209), Proença a Velha (1218), Idanha Velha (1229), Salvaterra (1229), Sortelha (s.d.), et Penagarcia (1256), voir Cunha, “Forais que tiveram por modelo o de Évora” 80 et passim.
Ce texte du XIIème siècle fait référence à la saisie, une procédure légale utilisée dans de nombreuses sociétés médiévales selon laquelle un particulier saisissait la propriété d’un autre pour faire appliquer une plainte contre un autre, généralement sans recourir à une cour de justice. Il suggère par ailleurs que la saisie pouvait aussi être employée par des chrétiens contre des débiteurs musulmans ou juifs. Des sources tardives, soulignant la procédure à suivre plus couramment dans le règlement des disputes civiles entre chrétiens et musulmans/juifs, décrivent le déroulement judiciaire de l’action : le plaignant chrétien doit prendre contact avec le juge de la cour du défendant.1
Le texte semble également suggérer que les chrétiens pouvaient employer des garants juifs ou musulmans dans les contrats légaux. Toutes les sources portugaises ne témoignent pas d’une telle permission dans les procédures légales. Par exemple, une loi instituée par Alphonse III bannissait les témoignages des juifs et des musulmans dans les affaires opposant seulement des chrétiens.2
1 . Ordenações Afonsinas ii.92 (sur les disputes entre juifs et chrétiens), ii.100 (sur les disputes entre musulmans et chrétiens). Voir aussi Ferreira, Estatuto jurídico 262-63; Ferro, Judeus em Portugal 29 note 93 et pp. 72-74 .
2 . Edité par Herculano, PMH-LC ii 310; discuté par Soyer, “Social Status” 47-48; Ferro, Judeus em Portugal 75 note 168.
action en justice ; contrat ; crédit ; Juifs/Judaïsme ; marchand ; musulmans ; saisie ; sauf-conduit (amān)
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254661, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254661/.