Alfonso I de Aragón 'El Batallador'
la reddition de Tudèle
Reconnaissance des droits individuels
4. Et que faciant illos stare in lures hereditates in Tutela et ubicumque abuerint illos in illas uillas de foras. 12. Et si habuerit sospeita ad illo moro de aliquo moro guerrero, non scrutinient suam casam si non habuerit testimonias. Et si fuerit probatus et habuerit testimonias super illum scrutinamentum, solum suam casam et non de suo vicino. 15. Et non intret nullus christianus in casa de moro nec in orto per força. 17. Et qui voluerit stare in suo orto et in sua almunia foris de illa almedina, non sit eis deuetato. 25. Et quando illos moros erunt populatos in lures barrios de foris, illos christianos non devetent illos moros ire per Tutelam et transire per illum pontem ad lures hereditates. 26. Et non deuedent . nullus homo ad illos moros lures armas. 27. Et si illos almorabites faciant aliquam mutationem super illos mozarabes christianos, no se tornasent illos christianos ad illos moros de Tudela.
José Ángel Lema Pueyo, Colección Diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona (1104-1134), Donostia-San Sebastián, 1990, doc. 91
4. Et qu'il demeurent en leurs possessions (litt. héritages) de Tudèle et partout où ils en ont dans les villes alentours. 12. Et si l'on soupçonne un maure [de dissimuler] un rebelle maure, on n'entreprendra pas de recherches dans sa maison sans témoins. Et si c'est prouvé et qu'il y a des témoignages pour la fouille, on fouillera seulement sa maison et non celles de ses voisins. 15. Et aucun chrétien ne pénètrera dans la maison d'un maure ni dans son jardin par la force. 17. Et que celui qui veut conserver son jardin et son verger en dehors de la ville n’en soit pas empêché. 25. Et quand les maures habiteront dans leurs quartiers à la périphérie de la ville, les chrétiens ne les empêcheront pas d’aller à Tudèle et de traverser leurs ponts, non plus qu’à leurs descendants. 26. Et nul ne peut interdire aux maures le port de leurs armes. 27. Et si les Almoravides s’en prennent aux mozarabes chrétiens, les chrétiens ne devront pas se retourner contre les maures de Tudèle.
C. Chauvin
A la suite de la conquête de Tudèle en 1119, un ensemble de conditions relativement favorables qui tendent à confirmer le statu quo de la pré-conquête a défini les termes de la continuité de la présence de la population musulmane soumise à la règle chrétienne. [Le texte complet du traité se trouve dans le texte en relation Capitulación de Tudela 1] Dans cet ensemble de dispositions, les droits de base individuels des musulmans sont soulignés. Ceux-ci incluent l’inviolabilité de leurs habitations au-delà des murs de la ville (#4, #17), incluant les cas où des fugitifs sont recherchés, à moins qu’il existe de très solides suspicions (#12), et particulièrement en référence aux autorités chrétiennes(#15) ; leur droit à circuler librement à travers la cité (bien que n’y résidant pas) et à accéder à leur propriété (#25), et leur droit de porter des armes(#26). De plus, nous découvrons que même si les Almoravides persécutent la population chrétienne en al-Andalous, il n’y a pas de persécution équivalent des maures de Tudèle (#27), en référence peut-être à une possible conversion – c’est-à-dire leur droit de culte est garanti, peu importent les évènements ailleurs.
Le traité de reddition de Tudèle est le texte-clé pour comprendre comment la population libre maure commença à être intégrée aux royaumes de Navarre et d’Aragón à partir du milieu du XIème siècle. Dans cette sélection de dispositions, des droits significatifs sont accordés à la population musulmane, ce qui contraste avec leurs conditions à Nájera, à peine à 100 kms au nord-ouest, où, dans le fuero de la même période (1076-1138) les musulmans continuaient à être traités comme des objets. L’extension de ces libertés est d’autant plus frappant dans le contexte de la guerre en cours contre les Almoravides, auxquels il est fait explicitement référence #27 (et dans une certaine mesure en #12), et est sûrement indicatif des besoins démographiques du royaume aragonais (cf. Catlos).
arme ; conversion forcée ; propriété ; quartier musulman
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254446, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254446/.