Ibn Rušd
Relations commerciales entre musulmans et ḏimmī
Liberté pour un non-musulman de louer le bien d’un musulman
وأما الإجارة المكروهة فهي ما تتعارض الأدلة في صحة عقده مع السلامة من الجهل والغرر كالإجارة على الصلاة والحج وكإجارة المسلم نفسه من الذمي أو فيما فيه من الجهل والغرر.
Abū al- Walīd Muḥammad b. Aḥmad b. Ibn Rušd, al-Muqaddimāt al-mumahhidāt, éd. M. Haǧǧī, (Beyrouth, 1988), II, p. 170
La location de services répréhensibles (makrūha), c’est celle dont les arguments de loi s’opposent quant à sa validité malgré l’absence de doutes (ǧahāla) et de tout caractère aléatoire (ġarar). À l’instar d’une prestation pour [diriger] la prière ou pour [accomplir à la place d’un autre] le pèlerinage ou encore qu’un musulman loue ses services pour un ḏimmī.
M. Hendaz
Après avoir défini ce qu’est la location de services (iǧāra), qu’il faut la distinguer du contrat de location immobilière (kirā’), Ibn Rušd procède à une classification des différentes catégories de location de services en fonction du caractère prohibé de cette dernière ou non. Ainsi, il distingue trois catégories : à savoir celles qui sont permises (ǧā’iza), celles qui sont répréhensibles (makrūha) et enfin celles qui sont prohibées (maḥẓūra). Il semblerait que, pour Ibn Rušd, il est détestable qu’un musulman s’emploie à œuvrer au service d’un ḏimmī y compris moyennant un salaire. Cette qualification juridique, donnée par Ibn Rušd, se situe entre ce qu’il y a de licite et d’illicite. Cela reviendrait à énoncer, en d’autres termes, qu’il n’est pas interdit mais déconseillé de louer ses services à un bénéficiaire de la ḏimma. Mais la transaction reste valide. Cette conception des choses n’est, vraisemblablement, pas arbitraire pour Ibn Rušd. Son exposé juridique ne semble pas révéler d’éventuels paramètres socio-politiques exogènes ayant influencé son jugement. Selon lui, il y a un problème dans les sources scripturaires ayant force de loi. Celles (Coran et Sunna) dont dispose le Cadi cordouan restent, à ses yeux, équivoques et ne lui permettent donc pas de se prononcer catégoriquement, de façon positive ou négative, sur ce genre de transaction. La seule hypothèse probable reste, pour lui, cette position intermédiaire et flottante. Cependant, il n’est pas impossible, compte tenu du contexte politique difficile que dû affronter Ibn Rušd, que ses positions aient été influencées. Voyant ainsi une forme d’infériorité sociale et une soumission du musulman que d’œuvrer pour le compte d’un ḏimmī quand bien même il recevrait en contrepartie un salaire.
Ibn Rušd (m. 1126), célèbre juriste andalou, montre à travers ce passage que les ḏimmī étaient libres d’exercer différentes sortes d’activités économiques. Les seules restrictions, au regard de cet extrait de texte, ne sont vraisemblablement pas liées intrinsèquement au statut de ḏimmī mais concerne en réalité le code du commerce auquel sont affiliés les musulmans.
Anna MATHESON : traduction
Notice n°254431, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254431/.