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Fuero judío de Haro[1]

Auteur

Alfonso VIII

Titre en français

Fuero juif de Haro

Titre descriptif

Fuero juif de Haro de Alfonso VIII

Type de texte

fuero

Texte

Concedo castrum de Faro uobis toti aliame judeorum de Faro ad inhabitandum … ad hec dono et concedo uobis, et uos et omnes posteri uestri secundum subscriptas consuetudines et foros in predicto castello uiuatis. 1. Judeus aut judea qui in aqua aut oppressione petre aut parietis aut ligni aut alicuius ruppe mortua fuerit libere sepeliatur, et nec homicidum nec calumpnia pro ea pectetur. 2. Nullum pectetur a judeis homicidium aut calumpnia pro aliquo interfecto qui extra januas castelli inueniatur. 3. Quicumque petra aut sagitta aut lancea aut aliquibus armis castellum impugnauerit pectet mille aureos regi. 4. Judeo qui in aliquo tenebitur debito domino ville aut cuilibus alii, in carcerem aut in compedes non mitatur, sed in quandam domo ad hunc usum a judeis destinata, a qua si exierit ante debiti persolutionem, pectet regi XXXa solidos. 5. Nemo pignoret judeum aut judeam qui ad castellum adduxerit panem, aut vinum aut aquam aut escas aliquas in propriis uestibus aut in conducto quod traxerit. 6. Nullus judeus de Faro in aliqua parte regni mei portaticum aut emendam pectet; nec pignoretur nisi debitor aut fideiussor. 7. Judeus aut judea qui sub certa pactione usure aut pro ceuera ad nouum aut pro uvis ad nouum pecuniam cristiano mutuauerit, capitale et lucrum secundum factam pactionem recipiat ; nec alcaldus contra hoc possit judicare. 8. Judeus et judea qui emerit aut sub pignore accepit quadrupediam aut ropam aut rem aliquam in aliqua hora diei coram duobus testibus, christiano et judeo, non det actorem pro illo, datis duobus dictis testibus. 9. Nullus judeus a domino ville aut ab aliquo alio de furto aut debito conuincatur nisi cun duobus testibus christiano et judeo. 10. Judeus et judea pro debito de quinque solidos ad juso juret per orientem; de quinque solidos ad surssum juret per cartam et legat eam clericus romana lingua ut intelligatur a judeo, et quando judeus debuerit pronunciare “hec juro” aut “amen” dictat ei clericus quaque uice qualiter pronunciet “iuro” et “amen”. 11. Christianus aut christiana qui judeum aut judeam occiderit aut percusserit aut per capillos ceperit, si cum duobus testibus christiano et judei conuinci poterit, pectet quingentos solidos regi de moneta regia, et, si querulus testes non habeat, juret christianus cum duodecim legitimis, et euadat. 12. In omnibus aquis regiis judei de Faro possint libere piscari et molinos facere et canales et pannos suos lauare. 13. Nullus hedinus transseat ad judeum pro aliqua calumpnia nisi cum duobus testibus judeis. 14. Nullus dominus nec aliquis in domo judei per uiolentiam hospitetur. 15. Judeus aut judea qui aut a potestate aut per manum medici ut curetur liuorata obierit, non pectet homicidum nec pectetur pro illa. 16. Si judeus aut judea a christiano aut a christiana primo percussa percussorum percusserit, calumpniam proinde non pectec. 17. Omnes calumpnie que hic non sint scripte secundum forum judeorum de Naiara. 18. Judeus aut judea que semel negauerit et postea manifestauerit non pectet proinde dupplum neque calumpniam. 19. Cum aliquis judeus de Faro christiano de foras super judicio jurare debuerit aut christianus judeo juret christianus in illo loco jurant christiani de Faro judeis; et judei jurent in loco ubi soliti sint jurare christianis de Faro. 20. Si quis christiano infra castellum de Haro aliquid uiolenter rapuerit at a judeis percusus fuerit, nichil pectent pro illo. 21. Omnis judeus1 possit se alçare de judicio alcaldum de Faro et ad las justicias regis. 22. Insuper liceat judeis lauare pannos et facere qualibet opera omnibus diebus

Langue

Latin

Source du texte original

G. Martínez Díez, «Fueros de La Rioja», Anuario de Historia del Derecho Español, 49 (1979), 437-439.

Datation

  • Entre 1170 et 1214
  • Précisions : Le texte n'est pas daté, mais le règne d'Alphonse VIII (né en 1155, et qui a régné de 1170 à 1214). C’est en des occasions associées au Fuero de 1187 accordé à la ville, dans lequel aucune mention des juifs n’est faite, et cela constiturait en fait une occasion plausible pour l’avoir étendu.

Aire géographique

  • Rioja
  • partie de Castille en 1187.

Traduction française

Je vous concède le château de Haro, à vous tous l’aljama des juifs de Haro afin que vous l’habitiez… Pour cela, je vous le donne et vous le concède, à vous et à votre descendance selon les coutumes et les usages décrits ci-dessous, afin que vous viviez dans le château susmentionné. 1. Le juif ou la juive qui périra dans l’eau, par la chute d’une roche ou d’un mur, ou par le feu ou d’une chute depuis une falaise pourra être librement enterré, et on ne requerra pas d’homicide ou d’amende pour cela. 2. Aucun homicide ni aucune amende ne seront requis contre les juifs pour tout mort trouvé à l’extérieur des portes du château. 3. Quiconque lancera des pierres, des flèches, des lances ou n’importe quelle arme sur le château devra s’acquitter de mille pièces d’or au roi. 4. On ne mettra pas en prison ou dans les chaînes le juif qui a une dette envers le seigneur de la ville ou bien envers d’autres citoyens, mais dans une maison destinée à cet usage pour les juifs, et s’il sort de celle-ci avant l’acquittement de sa dette, il devra au roi 30 solidos . 5. Personne ne saisira un juif ou une juive qui apportera au château du pain, du vin, de l’eau ou des provisions, que ce soit apporté dans leurs propres vêtements ou par un autre moyen de transport. 6. Aucun juif de Haro ne devrait payer le portazgo ou enmienda dans n’importe quelle partie de mon royaume ; Et il ne devra pas être saisi, sauf s’il est débiteur ou s’il s’est porté garant. 7. Un juif ou une juive qui, selon les termes précis d’un contrat d’usure, donne de l’argent à un chrétien en échange de grain nouveau ou de raisins nouveaux 1, peut recevoir le capital et le bénéfice selon les termes du contrat ; et l’alcalde ne peut établir de jugement contre cela. 8. Le juif ou la juive qui achète ou reçoit en garantie une bête, un vêtement ou un objet autre, peu importe l’heure, en présence de deux témoins, un chrétien et un juif, ne devra pas donner de représentant pour cela, les deux témoins susmentionnés ayant été fournis. 9. Aucun juif appartenant au maître de la ville ou à un autre ne peut être convaincu de vol ou de dette sauf en présence de deux témoins, un chrétien et un juif. 10. Le juif ou la juive doit jurer à l’est pour une dette de cinq solidos ou moins ; et pour plus de cinq solidos il jure selon la charte, et un clerc de langue romaine la lit pour que le juif comprenne, et quand le juif devra prononcer les mots « je le jure » ou « maen », le clerc devra lui dire à chauqe fois comment prononcer les mots « je le jure » et « amen ». 11. Un chrétien ou une chrétienne qui aura tué ou frappé un juif ou une juive, ou l’aura attrapé par les cheveux, si on peut le confondre avec deux témoins, un chrétien et un juif, payera 500 solidos au roi dans la monnaie royale, et si le plaignant n’a pas de témoins, le chrétien peut jurer avec douze hommes de bien, et il sera acquitté. 12. Dans toutes les eaux royales, les juifs de Haro peuvent pêcher librement, construire des moulins et des canaux, et laver leurs vêtements. 13. Aucun bet din2 ne peut imposer une amende à un juif à moins de présenter deux témoins juifs [*]. 14. Aucun maître ni personne ne peut être hébergé par la violence dans la maison d’un juif. 15. [Si] Un juif ou une juive mourrait par hasard ou de la main d’un médecin alors qu’il soignait ses ecchymoses, il ne paiera pas le wergeld, et on ne devra pas l’exiger pour cela. 16. Si un juif ou une juive frappait un chrétien ou une chrétienne après avoir été frappé en premier, on ne requérerait pas d’amende pour cela. 17. Toutes les amendes qui ne sont pas écrites ici doivent être payées selon le Fuero juif de Nájera. 18. Le juif ou la juive qui refuse une fois et ensuite se rétracte ne devra pas payer deux fois, ni payer la caloña [une amende]. 19. Quand un juif de Haro devra formuler un serment devant un chrétien de l’extérieur à propos d’un procès, ou l’inverse, le chrétien le fera dans le lieu où jurent les chrétiens de Haro pour les juifs ; et les juifs jureront dans le lieu où ils ont l’habitude de jurer pour les chrétiens de Haro. 20. Si un chrétien a commis un vol violent dans le château de Haro, mais a été blessé par les juifs, ils ne paieront rien pour lui. 21. Tout juif 3 peut faire appel contre l’alcalde de Haro ou contre la justice du roi. 22. De plus, il est permis aux juifs de laver leurs vêtements et d’effectuer tout travail qu’il leur plaira n’importe quel jour.

1 . ici "ad novum", est traduit par « nouveau », fait peut-être référence à une récolte future, contre laquelle le chrétien emprunte de l’argent

2 . cf. Fuero juif de Funes avec bedinus conquerat à la place d’ici hedinus transseat mais par ailleurs la même disposition

3 . Martínez transcrit judens

Source traduction française

C. Chauvin

Résumé et contexte

Alphonse VIII de Castille accorde un généreux fuero aux juifs de Haro tout en leur cédant également le château de la ville. Une série de 22 dispositions organise tous les aspects des relations entre la communauté juive et leurs voisins chrétiens. Il y a une référence spécifique à l’application générique du Fuero de Nájera (item 17), et de façon similaire, le texte est en accord avec les deux fueros juifs de Navarre que nous connaissons d’une période similaire (Tudèle et Funes 1170-1171), que ce soit pour le ton général (très généreux), dans l’encadrement du rôle militaire de l’aljama, et dans certaines clauses spécifiques (item 13). Les différences peuvent largement être attribuées au plus grand degré de détail prévu ici, bien que nous notons également qu’il n’y a pas de mention de l’exemption de la taxe de capitation (une exemption très significative qui appraît dans les deux concessions de Navarre) Les juifs sont protégés des agressions extérieures, qu’elles soient militaires, sectaires ou judiciaires (items 3, 4, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 16, 20), et sont libérés de l’obligation de répondre pour une mort accidentelle (items 1, 2, 15). Une emphase particulière est placée sur l’inviolabilité de l’enceinte du château et sur la capacité à la conserver correctement équipée (items 3, 5, 20). Comme attendu dans un tel texte, la procédure juridique est un thème constant (items 4, 6, 7, 8, 9, 10, 13, 18, 19), assurant généralement aux juifs d’une certaine protection des autorités chrétiennes, avec d’intéressantes références à l’usage de la langue vernaculaire pendant un serment (item 10), et à des pénalités pour parjure (item 18). Ils se voient également accorder une concession commerciale significative : ils n’ont pas à payer de droits de douane (item 6). Les termes généralement favorables selon lesquels ils peuvent échanger et prêter de l’argent aux chrétiens sont définis (items 7, 8), et il y a une intéressante insistence sur leur liberté à exploiter les ressources hydrauliques (items 12, 22).

Signification historique

Ce fuero peut être associé aux autres basés sur le fuero juif perdu de Nájera (clause 17) accordé aux aljamas de Tudèle (1170) et Funes (1171) en Navarre, mais avec une différence signicative ici : Haro se trouvait en Castille. Les deux fueros de Navarre ont été considérés avec suspicion par García Alarcón1 à cause de la générosité des termes, mais nous connaissons à présent un groupe de concessions similaires accordées dans une ville voisine par un monarque différent, et il semble difficile d’échapper à la conclusion que ces codes reflétaient en fait une réalité sociale, bien que, peut-être, de courte durée. Ce que ces trois localités ont en commun, c’est qu’elles sont situées dans la haute vallée de l’Ebre, une zone décimée pendant le XIIème siècle par des guerres endémiques entre Castille, Navarre et Aragón. En ce sens, il est sûrement significatif que le contexte qui explique pareille générosité royale, comme cela a été souligné dans la préface, est le rôle militaire assuré par la population juive : à chaque fois, elle se voyait confier le château de la ville (bien que pas toujours la garde en elle-même). Les références à des garnisons juives ou des châteaux dans les cités voisines de Nájera et Arnedo peuvent également être trouvées dans la documentation de la deuxième moitié du XIIème siècle 2. Cela a traditionnellement été interprété en termes de vulnérabilité de la communauté juive, recherchant la protection dans ou près des murs du château, mais peut-être devrions-nous considérer la possibilité que les juifs eux-mêmes avaient un rôle militaire significatif comme troupes royales de garnison, particulièrement en temps de conflit.

1 . "Marco jurídico", p. 474).

2 . P. León Tello, «La estancia de judíos en castillos », p. 455

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Archive du Duc de Frías, conservé dans une confirmation d'avril 1304 par Fernand IV, cat. 16, no. 1.

Editions

  • J. González, El reino de Castilla en la época de Alfonso VIII, vol. III, Madrid (1960), doc. 962.
  • P. León Tello, «Nuevos documentos sobre la judería de Haro», Sefarad XV (1955), 160-164.
  • G. Martínez Díez, «Fueros de La Rioja», Anuario de Historia del Derecho Español, 49 (1979), 437-439.

Etudes

  • M. R., García Arancón, “Marco jurídico y proyección social de las minorías navarras: judíos y mudéjares (siglos XII-XV)”, Iura Vasconiae, 4 (2007), 459-516 (esp. p. 474).
  • P. León Tello, «La estancia de judíos en castillos », Anuario de estudios medievales, 19 (1989), 451-68.
  • P. León Tello, « Disposiciones sobre judíos en los fueros de Castilla y León », Medievalia 8 (1989), 223-52 (esp. pp. 240-242).
  • P. León Tello, «Nuevos documentos sobre la judería de Haro», Sefarad XV (1955), 157-64.

Mots-clés

bet din ; crédit ; eau ; garnison ; Juifs/Judaïsme ; langue ; murs du château ; parjure ; Prix du sang ; procédure judiciaire ; serment

Auteur de la notice

David   Peterson

Collaborateurs de la notice

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°254429, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254429/.

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