Sancho VI de Navarre 'el Sabio'
Fuero juif de Tudèle
procédures juridiques en cas de différends
Si aliquis christianus habuerit rancunam de iudeo, non sit ausus capere illum set primitus faciat suum clamorem ad illum qui erit dominus iudeorum per manum regis, et si non fecerit directum ad christianum clamantem, deinde uadat christianus ad iusticiam regis qui erit christianus et iusticia regis capiat illum iudeum et teneat in presone donec faciat directum ad suum clamantem. ... Moro non probet iudeum nisi cum moro et iudeo sic est inter christianos et moros et iudeos. Bedinus iudeorum non conquerat calumpniam a iudeo nisi cum duobus testibus iudeorum.1
G. Lopetegui, "Archivo General de Navarra 1150-1194", Archivo General de Navarra 1134-1194 (Donostia, 1997), doc. 39
Si un chrétien entretient une rancune à l’égard d’un juif, il ne devrait pas oser le saisir mais d’abord porter sa plainte à celui qui est le maître des juifs par la main du roi, et si ce dernier ne rend pas justice au chrétien qui se plaint, ensuite le chrétien devra se rendre auprès de la justice du roi, qui est chrétien, et la justice du roi saisira ce juif et le maintiendra en prison jusqu’à ce que justice soit rendue au plaignant. …Il n’est pas possible à un maure de prouver [la culpabilité] d’un juif, sauf à l’aide d’un [témoin] maure et d’un juif, comme il est d’usage parmi les chrétiens, les maures et les juifs. Le Bet Din (magistrat) des juifs ne peut exiger une amende d’un juif sauf avec deux témoins juifs.
C. Chauvin
Le texte souligne les procédures pour les litiges de colonisation entre les différents groupes religieux et au sein de l’aljama. Dans le cas d’une dispute mettant aux prises des chrétiens et des juifs, le plaignant chrétien devait se retenir de saisir lui-même le juif, et devait à la place rechercher dans un premier temps réparation auprès de la communauté juive, représentée par le dominus judeorum dont nous supposons qu’il s’agit de la même figure que le bedinus mentionné précédemment 1, bien qu’il semble que deux termes différents aient été employés. C’est seulement si cette voie s’avère insatisfaisante que le plaignant doit se tourner vers la justice royale. De façon comparable, la communauté juive est privilégiée sur le plan judiciaire si l’on compare avec les maures, les individus juifs ne pouvant être condamnés par le beth din que si deux autres juifs témoignaient contre eux.
1 . c’est également la lecture de García Arancón "Marco jurídico", p. 474
Ces dispositions sont en accord avec la nature très favorable du reste du Fuero de Tudèle, lui-même dérivé du Fuero perdu de Nájera, et repris dans le Fuero juif de Funès.
bet din ; Juifs/Judaïsme ; procédure judiciaire
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254425, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254425/.