Ibn ʿAbd al-Barr al-Qurṭubī Abū ʿUmar Yūsuf b. ʿAbd Allāh
Droit de préemption
Un non-musulman peut-il bénéficier du droit de préemption en terre d'Islam ?
والشفعة لكل شريك صغيرا كان أو كبيرا ذكرا أو انثى مسلما أو ذميا وهي بين المسلم والذمي كهي بين المسلمين
Abū ʿUmar Yūsuf b. ʿAbd Allāh b. ʿAbd al-Barr al-Qurṭubī, al-Kāfī fī fiqh ahl al-madīna, (Riyad, 1980), II, p. 856
Le droit de préemption (šufʿa) appartient à tout associé, petit ou grand, homme ou femme, musulman ou non. On l’appliquera entre un musulman et un non-musulman comme on l’appliquera entre les musulmans.
M. Hendaz
Dans un chapitre qui traite du droit de préemption (šufʿa), Ibn ʿAbd al-Barr (m. 1071) manifeste sa volonté d’élargir cette prérogative à l’ensemble des membres de la société. Elle revient, ainsi, de droit à toute personne indépendamment de son appartenance religieuse.
Dans ce passage, le juriste andalou Ibn ʿAbd al-Barr (m. 1071) apporte des éclaircissements sur les libertés et les contraintes économiques entre musulmans et non-musulmans en terre d’Islam. Le libre exercice d’activités commerciales semble être la règle de base de son analyse. Cet autre exemple en est l’illustration parfaite. En effet, si Ibn ʿAbd al-Barr insiste tant à vouloir élargir le droit de préemption aux non-musulmans, c’est qu’il existe un courant, certes minoritaire, qui les prive de ce droit. En effet, la doctrine hanbalite restreint ce droit uniquement aux musulmans (cf. Ibn Qudāma, Muġnī, Caire, 1968, V, p. 288). L’Andalousie musulmane, riche de par sa population non-musulmane, pourrait avoir influencé des auteurs comme Ibn ʿAbd al-Barr. Même le célèbre juriste andalou Ibn Ḥazm (m. 1064), dont certaines de ses thèses se recoupent avec le hanbalisme, accorde le droit de la šufʿa aux ḏimmī (Cf. Ibn Ḥazm, Muḥallā, Beyrouth, s.d., VIII, p. 22). En tout état de cause, les propos d’Ibn ʿAbd al-Barr révèlent une ferme volonté de normaliser les relations intercommunautaires, du moins économiques et commerciales, en établissant une égalité parfaite entre les non-musulmans et les musulmans. Par ailleurs, ce passage, parmi tant d’autres, laisse supposer l’idée selon laquelle les musulmans partageaient, au Xe et début du XIe siècle, des affaires communes avec les non-musulmans et vivaient très probablement dans des espaces mitoyens.
David Peterson : traduction
Notice n°254401, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254401/.