Fatwa sur l'imposition de la capitation aux juifs habitant le désert
Les juifs vivant dans le désert doivent-ils aquitter la ğizya?
وسئل سيدي قاسم العقباني عن يهود سكنوا البادية و يتجرون في أنواع المتاجر، وبعضهم سكنوا الحاضرة وتطول إقامتهم في البادية. هل تؤخذ الجزية من جميعهم؟ أو تؤخذ من الساكنين خاصة؟ وما مقدار ما يؤخذ منهم؟ فأجاب: من هو يهودي منهم وذكر حر مكلف مخالط لهم وهو تحت حكم الإسلام وصونه، ضربت عليه الجزية، كان بالحاضرة أو البادية. وقدرها أربعة دنانير أو أربعون درهما بالوزن الشرعي على كل شخص في كل عام والله الموفق.
Al-Wansharīsī, al-Miʿyār, M. Ḥağğī, ed. (Beyrouth, 1981), II, 253.
Qāsim al-ʿUqbānī a été interrogé au sujet des juifs dont certains habitent dans le désert (bādiya) où ils exercent toutes sortes de commerce et d’autres résident en ville (ḥāḍira) et effectuent de longs séjours dans le désert. Sont-ils tous astreints à la capitation (ğizya) ou seulement ceux qui habitent [la ville]? Et de quel montant est la taxe qui leur est imposée? Il a répondu : « Est astreint à verser la ğizya tout juif mâle, de condition libre, assujetti à la Loi (mukallaf), qui les fréquente (i.e. les juifs) et vit parmi eux sous l’autorité et la protection de l’Islam, qu’il réside en ville ou dans le désert. Le montant de la ğizya est de quatre dinars ou quarante dirhams au poids légal par an pour chaque individu.
A. Oulddali
Parmi les juifs vivant au Maghreb à l’époque médiévale, beaucoup résidaient dans le désert ou s’y rendaient régulièrement pour les besoins de leur commerce. Dans la présente fatwa mentionnée dans le Miʿyār d’al-Wansharīsī (m. 914/1508), on s’interroge sur l’imposition de la capitation (ğizya) à ces juifs du désert. Qāsim al-ʿUqbānī (m. 854/1450), jurisconsulte et cadi de Tlemcen sous la dynastie zayyānide, soutient que la ğizya est une obligation pour tout dhimmī ayant la faculté de l’acquitter, quel que soit son lieu de résidence. Les juifs habitant le désert en sont redevables au même titre que ceux qui vivent en ville. Le montant annuel de cette taxe est de quatre dinars par individu imposable.
Les communautés juives du Maghreb se caractérisaient par leur grande mobilité géographique liée notamment à l’activité commerciale qu’elles exerçaient à travers le pays et au-delà. Les marchands juifs parcouraient les vastes territoires séparant les villes côtières et sahariennes et se rendaient jusqu’en Guinée. Ces longs voyages effectués dans des régions lointaines affectaient la vie religieuse et communautaire des hommes concernés. Un des problèmes qui se posaient à l’époque concernait l’observation du shabbat par les voyageurs craignant pour leur sécurité. Des rabbins d’Alger s’étant penchés sur cette question ont considéré qu’un caravanier pouvait poursuivre son voyage pendant le shabbat sous certaines conditions. 1 Du côté musulman, les déplacements et les séjours prolongés des commerçants non musulmans dans des provinces éloignées des leurs posaient des problèmes d’ordre fiscal. En effet, en tant que dhimmīs, ces commerçants étaient assujettis à la capitation (ğizya), qu’ils acquittaient généralement dans les pays où ils vivaient d’ordinaire. Ils versaient également une dîme (ʿushr) lorsqu’ils voyageaient d’un pays à un autre pour le commerce. Le calcul et le prélèvement de ces taxes dépendait en partie de la localisation des marchands ainsi que de la connaissance de leurs itinéraires.
1 . M. Abitbol, « Juifs maghrebins et commerce transsaharien au Moyen-âge », in M. Abitbol, ed., Communautés juives des marges sahariennes du Maghreb, (Jérusalem, 1982), 245.
commerce ; Juifs/Judaïsme ; Taxe ; ğizya
David Peterson : traduction
Notice n°254397, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254397/.