Ibn ʿAbd al-Barr al-Qurṭubī Abū ʿUmar Yūsuf b. ʿAbd Allāh
L’autonomie financière des non-musulmans
Droits et devoirs pécuniaires des non-musulmans en terre d’Islam
إذا أدى أهل الجزية جزيتهم التي ضربت عليهم أو صولحوا عليها خلى بينهم وبين أموالهم كلها وبين كرومهم وعصيرها ما ستروا خمرهم ولم يعلنوا بيعها من مسلم ومنعوا من إظهار الخمر والخنزير في أسواق المسلمين ولم يمنعوا من ذلك إذا ستروه عنا في بيوتهم ولم يعرض لهم في أحكامهم ولا تجارتهم فيما بينهم بالربا وإن تحاكموا فالحكم مخير إن شاء حكم بينهم بما أنزل الله وإن شاء أعرض عنهم.
Abū ʿUmar Yūsuf b. ʿAbd Allāh b. ʿAbd al-Barr al-Qurṭubī, al-Kāfī fī fiqh ahl al-madīna, (Riyad, 1980), I, p. 484
Si les tributaires s’acquittent de la ǧizya, que celle-ci soit imposée ou qu’elle fasse l’objet d’un accord (ṣūliḥū ʿalayhā), toute leur richesse sera épargnée. On épargnera aussi leurs vignes et les jus qui en sont extraits, tant qu’ils dissimulent leur vin et qu’ils ne le vendent pas ouvertement à un musulman. On les empêchera d’exposer le vin et le porc dans les marchés musulmans. [Cependant,] aucune contrainte ne saurait être exercée, si cela est fait discrètement dans leur demeure. Il ne faudra pas intervenir dans leurs lois et dans leurs transactions usurières entre eux. S’ils s’adressent à nous (en cas de litiges entre eux) pour être jugé, on aura le choix : soit le juge peut, s’il le souhaite, régler leur litige selon la révélation de Dieu ou bien, ne pas du tout intervenir [dans ce conflit]
M. Hendaz
À ce stade de son manuel de fiqh, Ibn ʿAbd al-Barr (m. 1071) établit les exigences financières auxquelles sont soumis les non-musulmans. Il donne d’importants détails, avec une teneur aussi concise que riche, sur l’attitude à adopter à l’égard des ressortissants non-musulmans vivant en terre d’Islam. Comme il l’a exposé précédemment (I, 479), les non-musulmans ne sont pas imposables à la zakāt. La seule obligation taxative sur leurs biens est l’impôt de la ǧizya. Après cela, libre à eux d’exercer le commerce comme ils l’entendent, tant que celui-ci n’entraîne pas la participation de musulmans dans des activités que la jurisprudence islamique leur interdirait.
Le célèbre traditionniste et juriste Ibn ʿAbd al-Barr (m. 1071) a composé un manuel de droit mālikite destiné à l’usage de ses disciples qui est, comme son titre l’indique, censé suffire (al-Kāfī) pour découvrir les principales questions jurisprudentielles de l’école mālikite. C’est-à-dire, les auteurs de la fin du VIIIe et IXe siècles. La particularité de cet ouvrage réside dans la volonté de cet auteur andalou de présenter la doctrine mālikite à l’aune de ses auteurs médinois de la première époque. Dans ce passage, Ibn ʿAbd al-Barr se concentre sur les libertés et les contraintes économiques des bénéficiaires de la ḏimma. Son exposé montre, en quelque sorte, ce qui pourrait être perçu comme les droits et les devoirs pécuniaires des non-musulmans en pays d’Islam. Le statut de protégé garantirait donc aux ḏimmī, une fois déchargé de l’impôt dit de la ǧizya, une relative autonomie financière quand bien même elle entraînerait des transactions illicites au regard de la législation islamique.
autonomie communautaire ; Porc ; usure ; Vin
Farid Bouchiba : relecture -corrections
David Peterson : traduction
Notice n°254393, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254393/.