Fuero de Nájera
sanction pour la mort d'un juif
Per homicidium de inffancione, vel de scapulato, aut de iudeo, no debent aliud dare plebs de Naiera, nisi CCL solidos sine saionia
I. Rodriguez R. de Lama, Colección Diplomática Medieval de la Rioja, vol. II (Logroño, 1979), 87-93, doc. 33
Pour le meurtre d’un membre de la noblesse, ou bien d’un moine, ou d’un juif, la population de Nájera ne devra rien donner d’autre que 250 solidos sans saionia.
C. Chauvin
La population juive se voit ici garantir, par la mise en place d'un wergeld relativement élevé, équivalent à celui des membres du clergé et des nobles chrétiens, une protection bien supérieure à celle étendue même aux laïcs chrétiens, et qui tranche nettement avec le statut inférieur des musulmans (cap.38). Cependant, aucun frais supplémentaire ne devait être versé à l'officier du roi, le sayón. En 1076, Alphonse VI accorda une version beaucoup plus brève du fuero avec aucune référence aux minorités religieuses, mais la version qui nous intéresse prend forme en 1136, comme une confirmation évidente pour Alphonse VII, mais plus probablement comme un remaniement. Quelques temps plus tôt, en 1119, nous entendons parler de l’existence de “fueros de iudios de Nagera”1, il semble donc vraisemblable que de pareils droits étaient en place avant le règne d’Alphonse VII. Ensuite, en 1136, Alphonse VII établit explicitement que la dernière version s’adresse à la communauté chrétienne comme à la communauté juive (un commentaire qui manquait précédemment), et la version qui en résulte devrait peut-être être considérée comme une fusion de deux traditions provinciales préexistantes : le fuero antérieur à 1119 pour les juifs, et celui de 1076 pour les chrétiens.
1 . J. A. Lema (ed.), Colección Diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona: 1104-1134 (San Sebastián, 1990), doc. 92
La fixation de pénalités éqauivalentes (caloñas) pour la mort de chrétiens et de juifs était, selon León Tello, un phénomène relativement nouveau 1. Toutefois, le seul exemple que León cite du règne d’Alphonse VI est ce cas problématique de Nájera. Quant à la significations de pareilles clauses, elles sont considérées comme indiquant le désir de la Couronne de protéger ses propres intérêts, le servi regis, plutôt que signifiant que cette minorité détenait le moindre véritable prestige social. Cependant, il est également vrai que ces clauses semblent du moins répondre en partie au contexte social idiosyncrasique de Nájera, avec une population juive apparemment importante, tout comme son influence économique. Nous assistons alors à un contraste dans la haute vallée de l’Èbre entre les villes récemment fondées, sans de telles clauses, (Logroño, Santo Domingo, Belorado) et des villes établies depuis plus longtemps avec de fortes communautés juives (Nájera, Tudela, Haro). Ces dispositions pourraient sinon être comprises comme des échos d’un autre fuero juif de Nájera encore largement inconnu. Les seuls autres indicateurs que nous avons de son existence sont des références dans les autres fueros juifs de Tudèle (1170), Val de Funes (1171) et Haro (1187).
1 . « Disposiciones sobre judíos», 230
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254293, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254293/.