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يهودي سكن في درب المسلمين

Auteur

Al-Wansharīsī Aḥmad b. Yaḥyā

Titre en français

Un conflit de voisinage impliquant un dhimmī

Titre descriptif

Fatwa sur un conflit entre un dhimmī et ses voisins musulmans

Type de texte

Fatwa

Texte

سئل [السيوري] عن يهودي اشترى دارا من مسلم في درب ليس فيه إلا مسلمون من أهل العافية و الخير، فسكن اليهودي الدار و آذى الجيران بشرب الخمر و فعل ما لا يجوز و للدرب بئر بإزاء هذه الدار فصار يملأ معهم بدلوه و حبله و قلته فامتنع أهل الدرب من الامتلاء منها، هل يجوز إبقاؤه أم تباع عليه؟ وإذا بقي هل يملأ معهم أم لا؟ فأجاب : يمنع من أذاهم بما وصف من شرب الخمر و فعل ما لا يجوز، فان انتهى و إلا أكريت عليه و أما الاستسقاء من البئر فخفيف.

Langue

Arabe

Source du texte original

Al-Wansharīsī, al-Miʿyār, M. Ḥağğī, ed. (Beyrouth, 1981), VIII, 437.

Datation

  • 15ème siècle
  • Précisions : Délivrée par le juriste kairouanais Abū al-Qāsim al-Suyūrī (m. 460/1067), cette fatwa figure dans la compilation d'Al-Wansharīsī (m. 1508).

Aire géographique

Traduction française

Un juif achète à un musulman une maison située dans une venelle (darb) habitée uniquement par des musulmans de bonne vie et mœurs. Il s'y installe et incommode ses voisins en buvant du vin et se livrant à des actes répréhensibles. Avec son seau, sa corde et sa cruche, il prend de l'eau à un puits situé à proximité de sa maison, raison pour laquelle les habitants de la venelle s'abstiennent d’y puiser. Doit-on le laisser [habiter cette maison] ou faut-il l’obliger à la revendre (tubāʿu ʿalayh)? Et s’il y reste, lui sera-t-il oui ou non permis de partager l’eau du puits avec les musulmans ? Consulté sur cette affaire, al-Suyūrī a répondu : « Il doit être empêché d’importuner les musulmans en buvant du vin et commettant des actes répréhensibles, comme il est décrit [dans la question]. S’il cesse d’agir ainsi, [on le laissera habiter sa maison], sinon on l’obligera à la mettre en location (ukturiyat ʿalayh). Quant à l'utilisation du puits c'est peu de chose (khafīf). »

Source traduction française

V. Lagardère, Histoire et société en occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Miʿyar d’al-Wanšarīsī (Madrid, 1995), 310 (traduction modifiée et complitée).).

Résumé et contexte

Dans cette fatwa, des musulmans se plaignent du mauvais comportement de leur nouveau voisin de confession juive. Ils lui reprochent de boire du vin, de commettre des actes interdits et surtout de puiser l’eau dans un puits utilisé par les musulmans. Au regard de ces éléments, le juriste kairouanais Abū al-Qāsim al-Suyūrī (m. 460/1067) rend une décision intéressante dans laquelle il fait preuve à la fois de fermeté et d’une grande lucidité. Le juif doit cesser de nuire à ses voisins, mais il n’est pas question de le priver d’une propriété qu’il a acquise légalement. C’est pourquoi, en cas de récidive, il préconise la location de la maison plutôt que sa vente. Il n’est pas question non plus de lui interdire l’utilisation du puits. Ce n’était probablement pas la réponse qu’attendaient les plaignants, mais le juriste semble avoir traité l’affaire comme un simple conflit de voisinage. Les mesures qu’il recommande de prendre valent pour tout individu se conduisant de la sorte, quelle que soit sa religion. Aussi le fait que l’accusé soit un non-musulman n’a pas influencé son jugement.

Signification historique

Les relations de voisinage entre les membres des différentes confessions qui cohabitaient dans les villes musulmanes médiévales méritent d’être étudiées à la lumière des consultations juridiques (fatwas) délivrées par les juristes de l’époque. Ce type de sources fournit en effet de précieuses informations concernant les groupes minoritaires, leur vécu et surtout leur rapport à la société environnante. Il nous renseigne également sur la nature des conflits qui pouvaient exister entre les communautés ainsi que sur les solutions apportées par les juristes. La présente fatwa en est un bon exemple. On sait que la loi musulmane permettait aux dhimmīs d’acquérir des biens immobiliers, y compris dans les quartiers habités par les musulmans. Ce droit étant reconnu, les transactions ne pouvaient être légalement contestées. C’est pourquoi, dans cette affaire, l’achat de la maison par un juif n’est pas remis en cause. Les habitants de la venelle, probablement mécontents de voir un étranger s’installer parmi eux, recourent à des considérations morales et religieuses pour convaincre le juriste du bien-fondé de leur plainte. A défaut de pouvoir faire annuler la vente, ils évoquent la mauvaise conduite, réelle ou prétendue, du juif ainsi que son utilisation de l’eau du puits fréquenté par les musulmans. Dans sa réponse, al-Suyūrī (m. 460/1067) ne tient compte que du premier élément. Pour lui, le fait que l’accusé puise l’eau dans le puits ne porte pas préjudice aux autres habitants de la venelle. Rappelons que chez les mālikites, l’eau provenant d’une source utilisée par les non-musulmans est pure.

Etudes

  • M. Cohen, Under Crescent and Cross. The Jews in the Middle Age (Princeton, 1994), 88-103.
  • A. Fattal, Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam (Beyrouth, 1986), 144-50.
  • K. Kchir, «Entre Šariʿa et pratiques : juifs et musulmans en Ifrīqiyya à travers la littérature juridique », in S. Fellous, ed., Juifs et musulmans en Tunisie. Fraternité et déchirements (Paris, 2003). 73-86.
  • H. Zafrani, Juifs d’Andalousie et du Maghreb (Paris, 1996), 204-215.

Mots-clés

cohabitation ; eau ; Juifs/Judaïsme ; propriété ; pureté ; Vin

Auteur de la notice

Ahmed   Oulddali

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°252827, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252827/.

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