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Forum Conche[XXIX,1]

Auteur

Alfonso VIII

Titre en français

Fuero de Cuenca

Titre descriptif

Procès entre chrétiens et juifs

Type de texte

fuero

Texte

De disputationibus xristianorum et iudeorum Si iudeus et xristianus super aliquo disceptauerint, faciant duos alcaldes uicinos, quorum unus sit xristianus,et alter iudeus. Si alicui disceptancium sentencia illorum non placuerit appelet ad quator alcaldes uicinos, quorum duo sint xristiani et duo iudei. In illos quator iudicum eorum finiatur. Quicumque an istis quator appelauerit causam se sciat amissurum. Isti alcaldes caueant ne aliud iudice[e]t eis quam Forum Conche.

Langue

Latin

Source du texte original

R.Ureña y Smenjaud, Fuero de Cuenca, (Madrid, 1935),614

Datation

  • Entre 1189 et 1190
  • Précisions : Le Fuero de Cuenca est un des plus anciens codes municipaux européens. L'original du Fuero donné par Alphonse VIII n'a pas été préservé. La plus ancienne version de ce code est le manuscrit de la Bibliothèque de l'Escorial (MS.Q.III.23) utilisé dans l'édition critique d'Ureña , datée de la première moitié du XIIIe siècle. Aussi, ont été préservées autres copies du final du XIIIe siècle en latin et romance ainsi que de nombreuses copies faites pour les autres villes de l'Extrémadure Castillane, La Mancha et l'Andalousie avec quelques variations par rapport au texte original. Le code pourrait être donné a la ville de Cuenca par Alphonse VIII en 1189-1190, il est un synthèse de la politique royale combinant les traditions locales et islamiques frontalières.

Aire géographique

  • Royaume de Castille et León

Traduction française

Affaires entre chrétiens et juifs Si un juif et un chrétien se trouvent en dispute sur quoi que ce soit, ils prennent deux citoyens alcaldi, l’un chrétien et l’autre juif. Si l’un des deux plaignants n’accepte pas leur sentence, il faut appeler quatre citoyens alcaldi, deux chrétiens et deux juifs. Le jugement de ces quatre-là est définitif. Que chacun qui en appelle à ces quatre juges sache qu’il peut être déçu. Que ces juges se gardent de juger autre chose que ce qui est prescrit dans le Fuero de Cuenca.

Source traduction française

M. Bueno

Résumé et contexte

La coexistence urbaine provoqua certains litiges entre les chrétiens et les juifs, il était donc important de définir quelle cour devait résoudre le procès. Le chapitre XXIX du Fuero de Cuenca a établi les limites respectives des juridictions pour les cours juives et chrétiennes, ainsi que les procédures à appliquer lors de ces procédures mixtes, du choix des juges à l’admission des témoins. Cette loi du Fuero de Cuenca établit le choix de juges chrétiens et juifs, alcaldi afin de résoudre l’affaire lors d’un procès mixte. Ces alcaldi pouvaient être des “citoyens” – vecinos – de la ville. Si l’une des parties en litige s’opposait à la sentence, il pouvait faire appel à un second tribunal composés de quatre juges, deux chrétiens et deux juifs. Le Fuero établit les conditions afin de garantir la présence de juifs à Cuenca. Les juifs bénéficiaient d’une situation privilégiée aux XIIème et XIIIème siècles, où ils étaient égaux au clergé et aux nobles avec des juridictions autonomes. Cette égalité peut être expliquée par la protection des juifs par les monarques castillans jusqu’à la fin du XIVème siècle. Le statut des juifs était plus favorable que celui des maures, et parfois était considéré comme de conditions égales aux chrétiens. 1

D’importants arrangements eurent lieu entre les rois et les aljamas, basés sur la reconnaissance de la jurisprudence juive. Il s’agissait d’un double système de lois, l’un définissant les lois concernant les relations des juifs avec leurs voisins et l’'État, et l’autre régulant les affaires internes des communautés juives. Les rois espagnols d’Aragon comme de Castille ont de tout temps formulé une théorie générale sur laquelle baser les statut des juifs dans leurs royaumes, et ont toujours poursuivi une politique cohérente à leur égard. Les juifs étaient considérés par leurs souverains chrétiens comme un appui important de la Couronne, non seulement les courtiers qui se distinguaient au service des rois comme financiers, diplomates, physiciens… mais aussi les communautés en tant qu’unités dans le royaume étaient soigneusement ménagées comme une importante source de revenus, ils dictaient donc une position en fonction de leur propre intérêt afin de garantir que la position des juifs dans le pays serve leur prospérité. Cette politique se reflétait dans les Fueros Castillans. Dans le Fuero de Cuenca, l’idée d’une protection royale est reflétée par certaines lois qui établissent leur propre juridiction et faisant remarquer l’idée que les juifs appartenaient aux rois, mettant l’accent sur des phrases techniques comme nostri proprii, pour affirmer par conséquent que les juifs en Espagne n’étaient pas des hommes libres et que leur statut était similaire à l’esclavage, mais surtout ce concept était généralement employé par les rois pour protéger les juifs contre l’empiètement de pouvoirs rivaux, les nobles, les municipalités et l’Eglise . Ils avaient des propriétés privées et publiques (synagogues, cimetières) qui payaient des taxes uniquement au roi.2

1 . A. García Ulecia, Los factores de diferenciación entre las personas en los Fueros de la Extremadura Castellano-Aragonesa (Sevilla,1975), 214.

2 . A. A. Neuman, The Jews in Spain. Their social, political and cultural life during the Middle Ages (Philadelphia, The Jewish Publication Society of America, 1948), 12-13.

Signification historique

Dans une certaine mesure, les souverains hispaniques reconnaissaient les compétences des juges juifs et de la loi juive dans leurs relations légales avec leurs sujets juifs et chrétiens. Ainsi, dans le code du XIIème siècle de Cuenca, il était prévu qu’une cour impromptue, consistant en un juif et un chrétien pouvait trancher les différends légaux entre juifs et chrétiens. Le facteur déterminant dans cette situation juridique était le statut politique des personnes en litige, particulièrement pour le défendeur. Lors des litiges entre juifs et musulmans, si le défendeur était un musulman, c’était dans la juridiction de l’alfaqui musulman . Le texte de la tradition de Cuenca – Teruel tend à promouvoir l’égalité concernant les aspects procéduraux, aussi bien pour le choix des juges juifs et chrétiens par les parties en litige dans les procès mixtes ( alcaide et albeldino) que pour la déposition des témoins ( Fuero de CuencaXXXIX, 2). Les codes de Zorita de los Canes, Alarcón et Úbeda, ont décidé d’une cour hybride composée de deux juges, l’un chrétien et l’autre juif, qui auraient à trancher les différends légaux lors des procès mixtes. Les parties en litige pouvaient appliquer un recours légal devant une cour composée de quatre juges, deux chrétiens et deux juifs. Nous avons trouvé une procédure similaire dans le Fuero de Ledesma (1149) où la présence d’un juge juif était requise pour équilibrer la procédure. Cependant, ce fait ne peut être généralisé à toutes les villes et les périodes de l’Espagne médiévale.Dans le cas de Tolède, les juges qui décidaient des différends juridiques entre chrétiens et juifs étaient tous chrétiens. Cette tendance se manifeste dans différents Fueros du XIIème au XIVème siècle. Aussi bien le Fuero de Tolède que le Fuero d’Escalona interdisent que des juges juifs ne décident contre des chrétiens en litige. Une situation pareille se trouvait dans le Fuero de Soria qui établissait que les différends légaux entre chrétiens et juifs devaient être tranchés par une cour de six hommes de bien chrétiens.

A Sahagún, les procès mixtes devaient être jugés par des magistrats chrétiens, bien que les plaintes entre juifs et chrétiens devaient être prouvées par chaque partie en litige selon chaque procédure. Les juges juifs, aussi pour les juridictions internes que mixtes, n’étaient pas reconnus dans le Fuero de Sepúlveda (1305). Cette situation n’était pas fréquente et pouvait s’expliquer comme une conséquence de la Cour de Valladolid (1293) qui interdit l’existence de cours spéciales, dans ce cas les juifs de Sepúlveda devaient payer la justice car ils ne possédaient pas leurs propres cours.

Dans d’autres régions comme la Catalogne, nous avons trouvé des privilèges spéciaux pour les juifs concernant les procès entre habitants juifs et chrétiens. En 1280, Pedro III, parmi un nombre important de privilèges, conféra aux juifs de Catalogne le droit d’être jugés par un tribunal juif chaque fois que les charges étaient apportées contre eux par des plaignants chrétiens.1

La question de l’établissement d’un juge compétent était une question très importante à cette période. Les structures judiciaires étaient basées sur le juge compétent en la matière, surtout au XIIème siècle quand la procédure des cours d’appel n’était pas encore développée. A cette période, les cours de la juridiction d’origine établies par les juges locaux avaient une grande importance pour résoudre les procès. Les différentes cours d’appel furent développées à partir du XIIème siècle, particulièrement pour la communauté juive. Ces cours d’appel étaient intégrées par une première instance établie lors de l’Assemblée Générale des aljamas (semblables aux Cours Castillanes) et par une seconde instance à travers le Rabbin Major nommé par l’administration castillane et responsable de l’arbitration des procès au sein de la communauté juive. 2

1 . Y. Baer, A History of the Jews in Christian Spain (Philadelphia: Jewish Publication Society of America,1961), I,121.

2 . F. Suárez Bilbao, “La comunidad judía y los procedimientos judiciales en la Baja Edad Media”, Cuadernos de Historia del Derecho, 2(1995), 99-132,115-116.

Manuscrits

  • Le fuero original donné par Alphonse VIII ne fut pas préservé. La plus ancienne version de ce code est le manuscrit de la Librairie de l’Escorial (MS. Q. III.23) utilisée dans l’édition systématique d’Ureña, datée de la première moitié du XIIIème siècle. Nous possédons également des copies de la version finaledu XIIIème siècle aussi bien en latin qu’en roman.
  • D’autres copies existent, comme le manuscrit de Paris 12927 (latin, version primitive), et les versions en roman du Codice Valentino (Ms.39 B Université de Valencia) et la Version de Cuenca (XIVème siècle, Archives Municipales de Cuenca).

Editions

  • G.H. Allen, Forum Conche, (Cincinati,1909-1910).
  • R.Ureña y Smenjaud, El Fuero de Cuenca Formas primitiva y sistemática/texto latino, texto castellano y adpatacion del Fuero de Iznatoraf, (Madrid, 1935).

Traductions

  • J.F. Powers, The Code of Cuenca, (Pennsylvania, 2000),
  • A. Valmaña Vicente, El fuero de Cuenca, 2nd ed. (Cuenca ,1978).

Etudes

  • Y. Baer, A History of the Jews in Christian Spain (Philadelphia: Jewish Publication Society of America, 1961), I.
  • A. García Ulecia, Los factores de diferenciacion entre las personas en los Fueros de la Extremadura Castellano-Aragonesa (Sevilla,1975).
  • A. A. Newman, The Jews in Spain, Their social, political and culture life during the Middle Ages (Philadelphia, The Jewish Publication Society of America, 1942) 113-160.
  • F. Suárez Bilbao, “La comunidad judía y los procedimientos judiciales en la Baja Edad Media”, Cuadernos de Historia del Derecho, 2 (1995), 99-132.
  • F. Suárez Bilbao, El Fuero Judiego en la España cristiana. Las fuentes jurídicas siglos V-XV, ( Dykinson, Madrid, 2000),55-77.

Mots-clés

juridiction ; justice ; procédure judiciaire ; Procés mixte entre juif et chrétien

Auteur de la notice

Marisa   Bueno

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  relecture

Claire   Chauvin  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°252477, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252477/.

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