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Statuta perpetualia et privilegia et ordinationes facte in Curia Montissoni[27]

Auteur

Cort general de Montsó

Titre en français

Statuts perpétuels et privilèges et ordonnances faits à la Cour de Montsó

Titre descriptif

Interdiction aux juifs d'exercer les charges de bayle, de viguier et d'assesseur

Type de texte

constitution et interprétation

Texte

Item ordinamus et statuimus quod aliquis judeus non possit tenere locum vicarii nec bajuli neque esse assessor quia magnum dampnum inde sequitur.

Langue

Latin

Source du texte original

F. Valls i Taberner, «Les constitucions catalanes de les Corts generals de Montçò de 1289», Revista Jurídica de Catalunya, 34 (1928), 268

Datation

  • Date fixe : 1289

Aire géographique

Traduction française

De même nous ordonnons et statuons qu'aucun juif puisse avoir le poste de viguier, de bayle et d’assesseur, à cause du grand mal qui s'en suit.

Source traduction française

J. X. Muntané Santiveri

Résumé et contexte

Le 7 Septembre 1289 touchait à sa fin, à l'église de Santa Maria de la ville aragonaise de Montsó, la Cour Générale durant laquelle Alphonse II avait convoqué les représentants des trois états de la Principauté de Catalogne, des royaumes d'Aragon, de Majorque et de Valence. Quelques arrangements approuvés par cette Cour avaient l’intention de corriger certains aspects de l'administration qui avaient été modifiés lorsque le monarque, jeune et inexpérimenté –tel que lui-même l'avoue ouvertement, const. 36–, arriva au pouvoir.

Un nombre important des constitutions approuvées à Montsó pour le territoire de Catalogne visait à réglementer le rôle des fonctionnaires royaux dans l'administration de la justice (viguiers, bayles et autres officiers), l'accès aux postes, la rémunération, les fonctions et les limites. En outre, la reprise et le renforcement des possessions et des revenus de la couronne furent les sujets sur lesquels porta un autre groupe de constitutions ; les mesures draconiennes prises à cet effet, se retrouvèrent dans les dispositions dans lesquelles le roi confirma et se soumit aux constitutions, coutumes et privilèges approuvés par ses prédécesseurs.

Signification historique

Parmi les 37 constitutions promulguées par la Cour Générale de 1289, seulement une concerne la minorité juive : celle qui leur interdisait l'accès aux charges de viguier, bayle et assesseur juridique. Cela faisait un peu plus de soixante ans, en 1228, que Jacques I s'était déjà fait écho de l'ancienne loi ecclésiastique qui interdisait aux juifs d'exercer des fonctions publiques, inspirée par le récent Concile de Latran IV (1215) qui prohibait l'accès des membres de cette minorité à la charge de juge. 1

Cependant, bien que l'idée qu'un juif exerçant la fonction de juge parmi les chrétiens était déjà insolite à l'époque de Jacques I –ce qui nous fait penser à une certaine réticence de la part du monarque à établir fermement les mesures conciliaires dans son territoire–, la présence de juifs dans l'infrastructure du gouvernement, en particulier dans l'administration du patrimoine royal, ne fut pas affectée.

En effet, durant le règne de Jacques I (1218-1276), puis également pendant celui de Pierre II (1276-1285), plusieurs juifs occupèrent le poste de bayle royal, soit avec juridiction locale (dans des villes comme Lleida, Tortosa, Valence ...) ou générale sur un territoire (comme Catalogne). 2 Cependant, depuis 1277 leur fonction en ces lieux commença à se limiter à quelques villes et territoires sous la domination du roi d'Aragon/comte de Barcelone, 3 de sorte que lorsqu'en 1289, à Montsó, fut interdit l'accès des juifs à ces postes, le nombre de juifs qui y travaillaient se trouvait, depuis plus d'une décennie, en recul. Ainsi donc, bien renforcée par l’ensemble des lois et des constitutions précédentes, celle de 1289 conclut le mouvement d'opposition qui avait débuté depuis longtemps et donna le coup de grâce définitif à l’accès de la minorité juive au corps des officiers royaux. 4

Contrairement aux interdictions similaires précédentes, la constitution de 1289 justifiait sa position avec une raison de type générique : le « magnum dampnum » qui, selon le texte, se produisait quand un juif exerçait ces charges. Cette nécessité de justifier ainsi cette décision ne figurait dans aucune des autres constitutions de cette Cour, dans les normes conciliaires ou dans les Cours précédentes. C'est une caractéristique de ce moment, qui cherchait une portée plus générale et irrévocable de la loi promulguée. En effet, à partir de cette date les juifs furent définitivement exclus de ces charges publiques dans tous les territoires des des monarques catalano-aragonais. 5

Cependant, si l'on considère que, jusqu'à ce moment-là les monarques catalans avaient confié à plusieurs juifs divers de ces postes, il est clair que le « magnum dampnum » n'avait rien à voir avec la capacité de réaliser efficacement les responsabilités inhérentes à ces fonctions, desquelles, dans le cas contraire, ils auraient été déjà révoqués sans besoin d’intervention des états. Il faut plutôt chercher l'explication, selon l’avis du juriste médiéval T. Mieres, dans le vieux canon wisigothique qui dénonçait l’exercice de ces fonctions publiques par les juifs comme une plate-forme juridiquement légale à partir de laquelle ils pouvaient s’opposer et même condamner des chrétiens. 6 Cette possibilité, bien réelle, qui renversait la situation d’infériorité de la minorité juive face à la majorité chrétienne, constituait aux yeux des représentants de la société chrétienne un « magnum dampnum » qui devait prendre fin. 7

1 . En effet, la constitution de 1228 se limitait uniquement à refuser la fonction de juge, en laissant ouverte la possibilité d'intégrer des juifs dans d'autres parties de l'administration comme, en fait, cela fini par arriver.

2 . Une documentation abondante prouve cette présence des juifs dans l’organisation du royaume, F. Baer, Die Juden im Christlichen Spanien. Erster Teil. Urkunden und Regesten. I. Aragonien und Navarra, Berlin : Akademie Verlag, 1929 ; J. Régné, History of the Jews in Aragon. Regesta and Documents, 1213-1327, Jérusalem : The Magnes Press ; The Hebrew University, 1978 ; D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276-1285), 218-221.

3 . Les Costums de Tortosa (1277) ordonnaient que le viguier et le bayle soient catholiques et de manière explicite interdisaient ces charges aux hérétiques, aux juifs et aux Sarrasins : Costums de Tortosa, 9.8.1 (malgré cela, le 27 Février 1280 Pierre II renouvela comme bayle de cette ville le juif Astruc Sixó, qui avait déjà exercé cette charge sous Jacques I, A. Huici, Colección diplomática de Jaime I, el Conquistador, Valence : F. Vives Mora , 1916, vol. 3, 173, doc. 1159 (1263) ; D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276-1285), 238, doc. 22 ; à la Cour de 1283 le roi accepta d’interdire aux juifs l’exercice de ces charges en Aragon et à Valence, D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276-1285), 175-176 ; peu après, dans les coutumes de Barcelone (1284) on reprit la formule plus générique qui interdisait aux juifs l’exercice de n’importe quelle juridiction sur un chrétien, D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276-1285), 177.

4 . Il est vrai qu’après 1289 on peut trouver des juifs exerçant le rôle de médecin ou de traducteur dans la cour royale catalane, mais ce type de fonctions au contraire de celles de viguier, de bayle et d'assesseur, avaient un rôle subalterne et un rayon d’action limité soit aux membres ou proches de la famille royale, soit à des situations ponctuelles dans lesquelles on trouve des diplomates étrangers, notamment musulmans. De toute façon, presque 200 ans après cette constitution, on trouve mentionnés quelques juifs exerçant la fonction de collecteur locaux d’impôts sur les habitants et les municipes de Tàrrega et de Bellpuig, J X. Muntané, Fonts per a l’estudi de l’aljama jueva de Tàrrega. Documents i regesta, Barcelone : PPU, 2006, liste de documents, 405-407.

5 . Non seulement des territoires d'Aragon et de Valence, dont théoriquement les juifs avaient été exclus de ces postes (bien que la pratique en fut une autre, D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276-1285), 177-178), mais aussi de Catalogne.

6 . Le juriste relie cette constitution à celle-là de Jacques I de 1228 et avec le canon 14 du Concile de Tolède III : « Nulla officia publica iniungantur, per quae eis occasio tribuatur poenam Christianis inferre », T, Mieres, Apparatus super constitutionibus curianum generalium Cathaloniae, Barcinonae: typis & aere Sebastiani à Cormellas, 1621, 88a.

7 . Il faut noter que T. Mieres ne fait que reproduire le canon wisigothique sans se demander si les peines que les juifs pouvaient imposer aux chrétiens étaient justes ou non : le simple fait de pouvoir les prononcer était injuste. En outre, avec la promulgation de cette constitution, la monarchie aragano-catalane fut forcée de renoncer à utiliser des juifs pour ces postes, ce qui finalement laissa l'exercice de ces fonctions exclusivement aux états du pays.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Etudes

  • D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276-1285), Barcelone : Universidad de Barcelona, Facultad de Filología, 1983
  • D. Romano, «Los Funcionarios judíos de Pedro el Grande de Aragón», Boletín de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, 33 (1969-1970), 5-40
  • D. Romano, «Los Hermanos Abenmenassé al servicio de Pedro el Grande de Aragón», Homenaje a Millàs-Vallicrosa, II, Barcelone: CSIC 1956, 243-292
  • F. Valls i Taberner, «Les constitucions catalanes de les Corts generals de Montçò de 1289», Revista Jurídica de Catalunya, 34 (1928), 265-272

Mots-clés

fonction publique ; fonction publique ; fonction publique ; fonction publique ; interdiction ; Juifs/Judaïsme

Auteur de la notice

Josep Xavier   Muntane Santiveri

Collaborateurs de la notice

Youna   Masset  :  relecture -corrections

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°252411, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252411/.

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