Comte García Fernández
Prix du sang du Juif
Charte de franchise de Castrojeriz
Et si homines de Castro matarent Judeo, tantum pectet pro illo quo modo pro christiano, et libores similiter hominem villarum
Ed. G. Martinez Diez, Fueros locales en el territorio de la provincia de Burgos, (Burgos, 1982), 119-122.
Et si des hommes de Castrojeriz tuaient un juif, ils devraient payer une amende tout comme pour un chrétien, et pour les blessures de la même manière que pour un homme de la ville.
M.Bueno
Dans la Charte de la ville de Castrojeriz, accordée par le comte García Fernández en l'an 974, la population juive apparaît sur un plan juridique en pied d’égalité avec les chrétiens. L’homicide d'un juif est puni de la même peine que celui d’un chrétien et les blessures sont punies comme pour un homme de la ville.
Le Fuero fut octroyé par Garci Fernàndez pendant la première phase de l'expansion castillane, situation qui permet la création d’une nouvelle catégorie sociale, la chevalerie vilaine, noblesse de deuxième rang.
Le Fuero permit d’obtenir le rang de chevalier à tous les hommes capables de participer à la guerre avec un cheval, ce qui a conduit à l'installation de nouveaux colons. Dans cette loi, le statut social des infanzones était ouvert aux paysans comme système de promotion sociale. 1
Les dispositions qui concernent les Juifs sont très importantes, non seulement parce c’était la première mention d’une communauté juive en Castille, mais aussi parce les juifs avaient reçu la même condition juridique que les autres résidents de la ville, ce qui permettait la création d’une très importante juiverie à Castrojeriz. 2
1 . C. Pescador del Hoyo, « La caballería popular en León y Castilla », Cuadernos de Historia de España, XXXIII-XXXIV (1961)101-238; XXXV-XXXVI,(1962)56-201, XXXVII-XXXVIII,(1963)88-198, XXXIX-XL (1964),169-280.
2 . L. Huidobro Serna, « La judería de Castrojeriz », Sefarad, 7-1(1947),137-145.
Depuis Xe siècle, des notices sur la présence juive dans les régions de Galice, de León, de Burgos, de La Rioja, de Catalogne ont été conservées. Comme dans d’autres régions européennes, les juifs hispaniques dépendaient directement des autorités publiques des différents territoires et villes – des rois, des comtes – de leurs lieux d’installation.
La législation de cette période, tant ecclésiastique que civile, supprimait totalement les dispositions anti-juives de la période visigothique ce qui a permis une amélioration de la condition juridique des juifs. Le cas de Castrojeriz était très significatif, car il mettait sur un pied d’égalité les peines pour homicides applicables aux juifs et aux chrétiens de chrétiens et de juifs, il est donc raisonnable de penser que cette mention concrète était un privilège pour les juifs de la ville, peut-être dans le but d’ameliorer la vie urbaine dans une période de grande instabilité politique.
Plus tard, au Concile de León de 1017, Alphonse V a supprimé des dispositions anti-juives. Mais cette situation fut transitoire : le Concile de Coyanza de 1055 interdisait aux chrétiens de manger et de passer la nuit chez des musulmans en parallèle aux anciennes dispositions du Concile de Tolède. 1
D'autres Fueros vont répéter l'égalisation des peines pour les homicides, comme le Fuero de Astudillo, influencé par celui de Castrojeriz. Dans les dispositions du Fuero de Najera, on estimait que le prix du sang d'un juif était le même que celui du gentilhomme et dans le Fuero de Belorado, ainsi que dans celui de Pampliega, il était stipulé que l’homme qui blessait un juif devait payer le double du prix du dommage occasionné. 2.
Aussi dans le Fuero de Cuenca et ceux de la même famille on retrouve ce traitement privilégié à les juifs par rapport aux autres habitants de la ville.
Cependant cette situation de privilège n'a pas duré longtemps à Castrojeriz, comme semble le montrer la fazaña qui explique la façon dont les juifs étaient la cible de violences provoquées par la révolte de 1035, après la mort du roi Sancho III de Navarre. La révolte des hommes a causé la mort à Castrojeriz de quatre fonctionnaires du Palais du Roi de Mercadillo, de sayones, et de soixante juifs, les autres juifs ont été emmenés de chez eux et ont été contraints de peupler Castrillo. 3
Les causes de ce soulèvement ont été expliquées par Sanchez Albornoz comme une réaction aux abus fiscaux, que la noblesse et le clergé ont fait subir à la population juive de la ville, mais cette version n'a pas été prouvée. 4
Chez Baer, « l’importance de cet évènement fut claire. Une révolte contre la Couronne frappe les juifs, la propriété de la Couronne ». 5Cette même idée a été soutenue par Cantera Montenegro qui a interprété le soulèvement comme un argument contre l'autorité royale dans laquelle, pour la première fois dans les domaines hispano-chrétiens, des juifs ont été choisis comme des boucs émissaires pour leur statut de vassaux directs du roi. 6
Des années plus tard, après la mort d'Alfonso VI un nouveau soulèvement a eu lieu contre les Juifs de Castrillo, certains ont été tués et d'autres ont été capturés mais tous leurs biens ont été volés. Le soulèvement est connu par la confirmation du Fuero, réalisé par Alphonse Ier en 1109, et est interprété comme une révolte anti-seigneuriale dans laquelle les juifs ont été associés au pouvoir royal. 7
1 . A. García Gayo, « El Concilio de Coyanza », Anuario de Historia del Derecho Español , 20 (1950), 275-633.
2 . P. León Tello, «Disposiciones sobre judíos en los Fueros de Castilla y León », Medievalia, 8, (1989), 223-252
3 . F. Cantera y Burgos, « Castrillo Matajudios », Sefarad, 31, 2 (1971), 363-367.
4 . C. Sánchez Albornoz, « Lo judaico en la forja de lo español » , España, un enigma histórico, (Buenos Aires, 1956).
5 . Y. Baer, A History of the Jewish in Christian Spain , (Philadelphia-Jerusalen, 1961), I, 43.
6 . E. Cantera Montenegro, « Cristianos y judíos en la Meseta Norte castellana. La fractura del siglo XIII », R. Izquierdo Benito, Y. Moreno Koch, Del pasado judío en los reinos medievales hispánicos. Afinidad y distanciamiento Universidad de Castilla-La Mancha, (Cuenca, 2005) ,49.
7 . J.A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona (1104-1134), Fuentes documentales Medievales del País Vasco, vol.27, (San Sebastian, 1990) 384 ; en ce qui concerne ce conflit, M. Ángel Larrañaga Zulueta, « Conflictividad social castellanoleonesa y feudalismo en el siglo XII. Una reflexión sobre el caso de Castrojeriz », Indagación, (1999), 215-227.
Adam Bishop : relecture -corrections
Notice n°252386, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252386/.