La pétition des barons (Provisions d'Oxford)
Plainte concernant l'appropriation et l'abus, par des barons, de dettes dues à des juifs
Item petunt remedium de hoc, quod Iudei aliquando debita sua et terras eis inuadiatas tradunt magnatibus et potentioribus regni, qui terras minorum ingrediuntur ea occasione: et licet ipsi qui debitum debent, parati sint ad soluendum predictum debitum cum usuris, prefati magnates negocium prorogant, ut predicte terre et tenementa aliquo modo sibi remanere possint, dicentes quod sine Iudeo cui debebatur debitum nichil possunt nec sciunt facere, et semper differunt solucionem dicte pecunie, ita quod occasione mortis uel alicuius alterius casus, euidens periculum et manifesta patet imminere exheredacio his quorum predicta tenementa fuerunt.
R. Treharne & I. Sanders, eds., Documents of the Baronial movement of reform and rebellion, 1258-67 (Oxford, 1973), 86.
De même, ils demandent le remède à cela, à savoir que parfois les juifs transmettent les dettes et les terres gagées auprès d’eux à des grands du royaume et à des gens de pouvoir, qui par cette occasion pénètrent les terres de personnes plus humbles : et bien que ceux-là qui doivent une dette soient en mesure de la rembourser avec les intérêts, les grands susnommés prolongent l’affaire au point qu’ils peuvent s’emparer à leur profit des terres indiquées plus haut et des biens, par tous les moyens, affirmant que sans le juif à qui la dette était due, ils ne pourraient ni ne sauraient quoi faire, et ils repoussent le règlement de l’argent emprunté, de sorte qu’au moment de la mort ou de tout autre accident, un péril évident et une exhérédation manifeste menace ceux à qui les bien susmentionnés appartenaient.
C. Chauvin
C’est l’un des 29 articles de la Pétition des barons, que le Parlement d’Oxford a soumis au Roi Henri III dans le cadre de son effort pour réformer le gouvernement et limiter de façon constitutionnelle le pouvoir royal. Les barons relèvent que des "grands" et des "gens de pouvoir" reprennent à leur compte les dettes auprès des Juifs. De fait, les prêteurs juifs vendaient souvent les dettes aux seigneurs laïcs ou ecclésiastiques, particulièrement quand ils avaient besoin de rassembler des liquidités pour payer la taille au Roi : inévitablement, ils vendaient les dettes moins cher que ce qu’elles valaient réellement. Ceux qui les rachetaient avaient souvent à leur disposition des méthodes de coercition dont ne disposaient pas les prêteurs juifs. Il apparaît ici que plusieurs des magnats concernés ont abusé de leur position en refusant le paiement du capital dû pour continuer à percevoir de lucratifs intérêts, et, après le défaut de paiement, pour pouvoir saisir les terres de leurs débiteurs.
Nous voyons ici la situation des prêteurs juifs qui pouvaient, dans ce genre d’opérations, non seulement perdre de l’argent, mais également devenir l’objet d’un profond ressentiment. En l’occurrence, les barons ne blâment pas les juifs de cette situation, plaçant le poids de la responsabilité sur les "grands" et les "gens de pouvoir". Cependant, cette dynamique, au cours de laquelle des propriétaires terriens ont constitué de grandes dettes auprès des juifs et ont vu finalement leurs biens saisis par de puissants laïcs ou des dignitaires ecclésiastiques, a contribué sans aucun doute au ressentiment envers les juifs et a ouvert la voie à l’expulsion des juifs d’Angleterre en 1290, sous le règne d’Édouard Ier, le fils d’Henri.
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252151, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252151/.