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ما أحدث أهل الذمة مما لا يكون نقضا للعهد

Auteur

Shāfiʿī, Moḥammad b. Idrīs

Titre en français

Les dhimmīs qui enfreignent la loi sans violer le pacte

Titre descriptif

Quelles punitions pour les dhimmīs qui enfreignent la loi?

Type de texte

Avis de juriste

Texte

وإذا أخذت الجزية من قوم فقطع قوم منهم الطريق، أو قاتلوا رجلا مسلما فضربوه، أو ظلموا مسلما، أو معاهدا، أو زنى منهم زان أو أظهر فسادا في مسلم، أو معاهد حد فيما فيه الحد وعوقب عقوبة منكلة فيما فيه العقوبة، ولم يقتل إلا بأن يجب عليه القتل، ولم يكن هذا نقضا للعهد يحل دمه، ولا يكون النقض للعهد إلا بمنع الجزية، أو الحكم بعد الإقرار والامتناع بذلك، ولو قال: أؤدي الجزية، ولا أقر بحكم نبذ إليه، ولم يقاتل على ذلك مكانه وقيل: قد تقدم لك أمان بأدائك للجزية وإقرارك بها، وقد أجلناك في أن تخرج من بلاد الإسلام، ثم إذا خرج فبلغ مأمنه قتل إن قدر عليه، وإن كان عينا للمشركين على المسلمين يدل على عوراتهم عوقب عقوبة منكلة، ولم يقتل ولم ينقض عهده.

Langue

Arabe

Source du texte original

Shāfiʿī, Kitāb al-Umm, M. Z. al-Nağğār, ed. (Le Caire, 1961), vol. IV, 206.

Datation

  • Entre 790 et 820

Traduction française

Si des personnes parmi ceux dont on perçoit le tribut (ğizya) se livrent au brigandage ou s’en prennent à un musulman en le frappant ou commettent une injustice à l’endroit d’un musulman ou d’un tributaire, on leur appliquera la peine légale (ḥadd) s’ils en sont passibles, sinon on les punira en leur infligeant le châtiment sévère prévu pour les délits commis. Mais on ne les tuera pas sauf en cas de crime nécessitant la mise à mort. Il en va de même lorsque l’un d’entre eux se rend coupable d’adultère ou qu’il corrompt un musulman ou un tributaire. Le fait qu’ils commettent de tels délits n’entraîne pas la rupture du pacte conclu avec eux, rupture qui rendrait licite leur sang. Car la dénonciation du pacte [de protection] n’intervient que lorsqu’ils refusent de payer la ğizya ou de se soumettre à la l’autorité (ḥukm) après y avoir consenti. Et si quelqu’un dit qu’il accepte d’acquitter la ğizya mais qu’il refuse de reconnaître la loi, on le laissera s’en aller et on ne le combattra pas sur-le-champ pour ce refus. On lui dira : « La ğizya que tu as versée te confère le droit d’être [temporairement] en sécurité. On t’accorde donc un délai afin que tu puisses quitter le territoire musulman. » Ensuite, quand il l’aura quitté et aura atteint son lieu de refuge, on le tuera si on y parviendra. Et s’il s’agissait d’un espion qui aide les mécréants en les informant sur les faiblesses des musulmans, on le punira sévèrement, sans le tuer ni rompre son pacte.

Source traduction française

A. Oulddali

Résumé et contexte

Parlant des dhimmīs qui enfreignent la loi musulmane, Shāfiʿī considère qu’il faut les punir selon la gravité de leurs délits et que les punitions légales (ḥudūd) leurs sont applicables. Mais il n’est pas question de leur ôter la vie pour une faute non passible de la peine de mort. Il n’est pas question non plus de prétexter leur culpabilité pour rompre unilatéralement le traité de paix passé avec eux. Car la pérennité du ce traité est garantie aussi longtemps que les dhimmīs continuent de payer la ğizya et de se soumettre à l’autorité musulmane. Une autre idée importante se dégage de ce texte : les non-musulmans qui, après avoir accepté les conditions de la dhimma, se rétractent en refusant de verser la taxe convenue ou de reconnaître l’autorité de l’islam, doivent bénéficier d’une protection temporaire et ne peuvent être attaqués par surprise. Ils se voient accorder un délai pour quitter le territoire sous domination musulmane et regagner leur terre de refuge. Ce n’est qu’après s’être mis à l’abri dans un lieu sûr qu’ils redeviennent des ennemis susceptibles d’être combattus. Il en découle que, selon Shāfiʿī, l’État musulman se doit de protéger les dhimmīs de toutes représailles immédiates, et ce même lorsqu’ils manquent à leur engagements ou ils commettent des actes entraînant une rupture caractérisée du traité.

Signification historique

À l’époque médiévale, la présence de communautés non-musulmanes en terre d’islam posait nombre de questions juridiques auxquelles les écoles de droit ont tenté de répondre chacune selon sa méthode. Deux de ces questions sont abordées par Shāfiʿī dans le présent texte. La première concerne les tributaires qui commettent des crimes ou des délits. De quelle manière doivent-ils être punis pour leurs actes répréhensibles ? Faut-il leur appliquer les peines légales (hadd pl. ḥudūd) prévues par la loi musulmane, sachant que cette loi ne s’adresse pas à eux et que ses prescriptions et ses interdictions n’engagent que ceux qui y croient ? La réponse des juristes est quasi unanime : les peines légales s’appliquent aux dhimmīs comme aux musulmans. Mais cette règle ne vaut que si le contrevenant est jugé par un cadi musulman. Les affaires relevant des juridictions communautaires, ecclésiastiques ou rabbiniques, sont traités conformément à leurs lois respectives. Par ailleurs, certaines peines, comme celle sanctionnant la consommation du vin, ne concernent que les musulmans. La deuxième question dont traite ce texte porte sur la rupture du pacte de la dhimma. Pour Shāfiʿī, les délits commis individuellement ou collectivement par les dhimmīs ne constituent pas une violation de ce pacte. En revanche, le refus de payer la ğizya et de se soumettre à la loi en entraîne la résolution. Car il s’agit là de deux conditions sine qua non de la paix accordée aux non-musulmans désireux de conserver leurs religions. Il convient de noter que, sur ce point, les avis des juristes musulmans divergent et que la position shāfiʿite est l’une des moins extrêmes. En effet, certaines écoles incluent dans les actes conduisant à la résolution du pacte le fait qu’un dhimmī tue volontairement un musulman, se marie avec une musulmane, se rend coupable d’espionnage au profil de l’ennemi ou commet un outrage à l’égard de l’islam. Pour d’autres juristes, notamment shāfiʿītes et ḥanafites, tous ces actes tombent sous le coup de la loi, mains n’impliquent pas nécessairement une rupture du traité de paix.

Etudes

  • A. Fattal, Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam (Beyrouth, 1986), 81-126.
  • W. Kallfelz, Nichtmuslimische Untertanen im Islam: Grundlage, Ideologie und Praxis der Politik frühislamischer Herrscher gegenüber ihren nichtmuslimischen Untertanen mit besonderem Blick auf die Dynastie der Abbasiden (749-1248) (Wiesbaden, 1995), 82-90.
  • A. Tritton, The caliphs and their non-Muslim subjects. A Critical Study of the Covenant of ʿUmar (London, 1930), 101.

Mots-clés

adultère ; espion ; pacte ; peine de mort ; peine légale ; ğizya

Auteur de la notice

Ahmed   Oulddali

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  traduction

Alex   Mallett  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°251995, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait251995/.

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